La loi DADVSI l’a beaucoup fragilisée, mais la copie privée reste un droit en France et dans de nombreux pays, dont les Etats-Unis à travers le fair use. Il s’agit de permettre au public de copier une œuvre lorsque la copie est réalisée uniquement dans un but d’utilisation personnelle. Il ne permet pas de mettre à disposition les œuvres, ce qui est le principal obstacle de cette défense avec les réseaux P2P – puisque par nature, une œuvre téléchargée est aussitôt mise à disposition. Avec YouTube et les services comme DailyMotion, Revver, Wideo et d’autres, la donne est différente. Les vidéos sont mises à disposition par le service, mais pas par l’utilisateur.
Dès lors, est-il illicite de télécharger une vidéo ? Les avocats de YouTube semblent le penser. Ils ont envoyé une injonction à TechCrunch car celui-ci édite Youtube Video Downloader, un outil qui permet aux utilisateurs de télécharger sur leur ordinateur une vidéo hébergée sur YouTube. Ils exigent le retrait du logiciel. « Les conditions d’utilisation de Youtube permettent aux utilisateurs d’accéder aux vidéos seulement à travers la fonctionnalité du site YouTube par le streaming sur le Web, et il interdit la fonctionnalité de téléchargement des vidéos« , explique le cabinet Wilson Sonsini Goodrich & Rosati.
Pourtant, il semble que les conditions d’utilisation du site autorisent explicitement le téléchargement à des fins privées, à condition de garder les informations de paternité de l’œuvre. Mais qu’importe. Le droit d’auteur permet la copie privée et il s’agit d’une disposition d’ordre public. Un contrat ne peut pas y déroger. Dès lors, probablement Google et YouTube ne peuvent-ils pas interdire par contrat le droit à la copie privée. Chaque utilisateur, individuellement, peut exercer ce droit dès lors qu’il ne porte pas atteinte de façon injustifiée à l’exploitation normale de l’œuvre (une condition très controversée appliquée à la lettre en France par la cour de cassation).
Bientôt un aspirateur pour YouTube ?
Mais ici, il ne s’agit pas véritablement du même problème. Il ne s’agit pas d’interdire la copie privée en elle-même, mais de se servir d’une prétendue interdiction du téléchargement pour bannir par répercussion un logiciel dont seul l’utilisateur est responsable de l’exploitation. Est-il assimilable à un « outil de contournement de mesures techniques », prohibé par le droit américain et par la loi DADVSI ? Sans doute pas puisque le format FLV (Flash) employé par YouTube ne propose pas de mesure technique de type DRM.
C’est donc une nouvelle pratique de téléchargement qui risque de soulever de nombreuses questions juridiques et économiques, et cette fois non plus uniquement de la part des ayant droits, mais aussi de la part des fournisseurs de service. Si Google veut interdire le téléchargement, c’est parce qu’il prévoit de proposer des publicités ciblées sur les vidéos, et qu’aucune publicité ne peut être affichée sur des vidéos stockées en local sur le disque dur de l’utilisateur. Si la pratique reste marginale, le préjudice devrait rester faible. Si en revanche elle se déploit, Google pourrait être confronté à un problème majeur de viabilité économique pour YouTube.
Aujourd’hui l’intérêt reste minime de télécharger une vidéo plutôt que de la regarder sur YouTube. Mais il est facile d’imaginer que demain un outil permette d’aspirer automatiquement de nombreuses vidéos de YouTube et les dispose de façon plus commode pour l’utilisateur, sans aucun temps de préchargement, avec en plus la possibilité de les transférer sur un baladeur. Un logiciel similaire existe déjà pour les radios, StationRipper, et même l’industrie du disque reconnaît qu’il s’agit de copie privée…
Peut-être, d’ailleurs, cet outil existe-t-il déjà ?
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