Nous l’avons souvent dit, il faut voir le droit d’auteur comme un contrat entre la société et le public. Dans l’esprit des pionniers du droit d’auteur, au XVIIIème siècle, il s’agissait de trouver le parfait équilibre entre l’intérêt du public et l’intérêt des créateurs. La durée des droits avant que l’œuvre ne passe dans le domaine public et les catégories d’exceptions aux droits exclusifs de l’auteur étaient autant de variables pour ajuster cet équilibre et tenter de trouver le point d’équilibre parfait. Il n’a bien sûr jamais été trouvé mais surtout le balancier s’est énormé déplacé et déséquilibré au fil des ans. Sous la pression de professionnels de l’édition toujours plus forts, la durée des droits d’auteur s’est allongée considérablement, et les droits du public ont été réduits à peau de chagrin. L’industrie électronique est en plus arrivée et a apporté des systèmes de protection anti-copie qui sont venus ajouter la protection technique à la protection juridique.
Puis en 1996, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle a demandé aux Etats signataires des traités OMPI d’ajouter une protection juridique aux protections techniques. Nous sommes arrivés, en quelques années, à une protection au cube : le juridique est protégé par la technique qui est elle-même protégée par le juridique. Progressivement, la pression s’est accentuée sur le public, jusqu’à l’avènement de Napster et les premières plaintes déposées contre les internautes. Alors que jusqu’ici le déséquilibre du droit d’auteur n’était connu que par les professionnels du Droit, il a d’un seul coup éclaté à la face du monde entier. Les individus, qui ne voyaient le droit d’auteur que comme une chose abstraite, ont d’un seul coup réalisé tout ce qu’il voulait dire, et quasiment uniquement via son volet répressif. Le droit à la copie privée, qui avait été inventé essentiellement pour justifier une taxe de plus en faveur des industries culturelles, a pris un autre sens. Le public a commencé à réclamer l’exercice réel de ce droit. Et il lui a été en grande partie refusé.
Des révisions du droit d’auteur dans le monde entier
Mais le balancier, qui s’était largement déplacé vers une seule extrême, ne peut désormais que revenir. Internet tend à rééquilibrer les rapports de force face aux lobbys de l’industrie culturelle. L’Australie a enclenché un processus de révision de sa loi pour le droit d’auteur, et prévoit d’ajouter de nombreuses exceptions en faveur des droits du public. La Grande-Bretagne, qui a l’un des droits d’auteurs les plus durs en Europe, a également prévu d’assouplir son droit et notamment d’autoriser la copie privée des CD, qui était jusque là interdite sur le papier. Le Canada, qui n’a pas ratifié l’un des deux traités OMPI, est en passe de réviser sa loi sur le droit d’auteur, mais semble bloqué par une opposition très forte de la part du public et du monde universitaire. Enfin les Etats-Unis, qui ont été les premiers à ratifier les traités OMPI avec leur célèbre Digital Millennium Copyright Act (DMCA) de 1998, ont annoncé une série d’assouplissements en faveur du public et de la recherche.
Le Copyright Office, qui gère les exceptions, a ainsi annoncé six nouvelles exceptions aux droits exclusifs des auteurs et des producteurs. Il s’agit de permettre la reproduction d’extraits d’œuvres audiovisuelles (et donc de contourner les protections des DVD) à des fins pédagogiques dans les écoles et universités, de contourner les mesures de protections des logiciels et jeux-vidéo lorsqu’elles sont obsolètes, ou encore de permettre l’exploitation de livres électroniques par les malvoyants. Il s’agit aussi, en réaction à l’affaire du rootkit Sony, de permettre le contournement des mesures techniques apposées sur les CD lorsqu’elles créent ou exploitent des failles de sécurité. Enfin, la dernière exception légalise le fait de débloquer un téléphone mobile pour permettre son utilisation sur un autre réseau que celui de l’opérateur d’origine.
Il s’agit encore de petites avancées, mais de signes en faveur d’un rééquilibrage progressif du droit d’auteur. S’il ne se fait pas par la loi, il se fera aussi par le marché, à travers l’abandon progressif des DRM et l’exploitation de licences libres de type Creative Commons. La question n’est plus de savoir si un rééquilibrage est possible, mais plutôt de savoir quand et comment il se fera.
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