Un groupe d’industriels réunis aux seins d’un consortium se prononce très officiellement contre l’utilisation des DRM pour contrôler le piratage numérique des oeuvres. Philips et Thomson, qui font partie de l’alliance, n’ont pas pour autant perdu tout esprit commercial…

Les DRM, nous le savons depuis longtemps, ne servent pas les interêts des artistes. Aucun ne peut aujourd’hui se lever et proclamer qu’il a vendu des chansons ou des films grâce à son DRM. Alors qu’un bon commerçant devrait chercher à ajouter de la valeur à ses produits, les DRM en retirent et nuisent à l’image de l’œuvre. Personne n’a jamais été sur une plate-forme de musique en ligne parce que le morceau qu’il voulait acheter était protégé par un DRM. Beaucoup, au contraire, ont refusé d’aller sur des plate-formes lorsqu’elles imposaient des restrictions d’usages aux fichiers légalement achetés.

Dès lors, à qui profitent les DRM ? Certes, l’industrie culturelle croit toujours qu’ils permettront un jour d’éliminer le piratage de la surface de la Terre, alors qu’il suffit d’un seul contournement pour que toute la planète profite d’une œuvre librement. Mais elle se rend progressivement compte que les DRM ne servent en réalité les intérêts que des sociétés qui les vendaient. L’industrie informatique a réussi à capter des millions de dollars en faisant miroiter à Hollywood le rêve du contrôle absolu et en sachant pertinemment que ce rêve ne deviendrait jamais réalité. Le ver a toujours été dans la pomme. Pourquoi l’industrie informatique irait-elle créer le DRM à efficacité absolue alors qu’elle a besoin de laisser des failles pour réussir à vendre les nouvelles générations des systèmes de protection ?

Même si elle est naïve, l’industrie culturelle n’est pas totalement stupide. Elle a commencé à réaliser que l’industrie informatique la roulait dans la farine numérique. Sony puis EMI ont commencé à vendre de la musique sans DRM. Mais à son tour la Silicon Valley, qui a toujours un pas d’avance sur Hollywood, a déjà senti le vent se retourner et cherche désormais un nouvel angle commercial pour continuer à exploiter sa voisine. L’angle le plus prometteur : le watermarking.

Contrôler ne sert à rien, espionner est beaucoup mieux

Le watermarking est une technique qui consiste à marquer des informations « en filigrane » sur une œuvre vidéo ou audio, au coeur même de l’œuvre, de façon transparente à l’oeil ou à l’oreille humaine. Ces informations peuvent être très diverses et signaler par exemple d’où vient une œuvre, ou à qui elle a été envoyée. Appliqué à la lutte anti-piratage, le procédé permet de retrouver sans difficulté l’internaute qui a diffusé sans autorisation une œuvre qu’il avait téléchargé. L’Institut Fraunhofer, qui a inventé le MP3, est l’un des promoteurs de cette technologie. L’INA, qui propose gratuitement certaines de ses archives vidéo en France, utilise un procédé similaire fourni par Thomson pour traquer l’internaute qui est vu comme un pirate potentiel. Philips a également présenté une technologie de watermarking, similaire à d’autres proposées par exemple par Audible Magic ou Snocap.

Formée en septembre 2006, la Digital Watermaking Alliance (DWA) réunie ainsi une douzaine d’acteurs du filigranage, dont Thomson et Philips. Ces derniers, qui fournissent des technologies de DRM, retournent leur veste à travers la DWA. L’Alliance a en effet diffusé lundi un communiqué par lequel elle dit son soutien aux initiatives des labels qui abandonnent l’usage des DRM. Elle se dit prête à « aider l’industrie musicale à identifier et mieux gérer les fichiers de musique numérique en MP3« . Reed Stager, le président de la Digital Watermarking Alliance, rappelle que l’industrie musicale utilise déjà cette technologie avec succès pour marquer les œuvres qu’elle diffuse notamment à des fins promotionnelles ou pour la presse, et pour retrouver le cas échéant l’auteur d’une infraction. « C’est un temps opportun pour appliquer cette technologie éprouvée aux applications destinée aux consommateurs« , estime Stager.

L’Alliance rappelle que le watermarking permet une « identification persistante », qui résiste aux changements de formats de fichiers et aux dégradations de niveaux de compression. Le but n’est plus de contrôler en amont ce que fait l’internaute de l’œuvre qu’il a acquise, mais de s’assurer par la pression d’une surveillance permanente que l’œuvre achetée n’est jamais distribuée à des tiers. Sous couvert d’interopérabilité, le watermarking pousse encore plus loin la logique orwellienne de la culture en ligne.

Pas sûr que ça soit mieux accepté…

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