Nous avons pu rencontrer Florian Seiche, CEO de HMD Global, l’entreprise à qui l’on doit le retour de Nokia sur le marché des smartphones. L’occasion de parler des ambitions de la marque, de ses forces et de l’importance d’Android au sein de sa stratégie.

Le soleil se couche sur Moscou. La capitale russe vient tout juste d’accueillir l’événement de lancement des Nokia 2.1, 3.1 et 5.1, trois nouveaux smartphones venus renouveler l’entrée de gamme du constructeur finlandais.

Dans la foulée, les responsables de la marque accueillent les journalistes les uns après les autres pour répondre à leurs questions. Nous ne disposons ainsi que d’un petit quart d’heure pour discuter avec Florian Seiche, le CEO de HMD Global.

Petit retour en arrière

HMD est l’entreprise à l’origine du retour à la vie de Nokia dans le marché du mobile. Piqûre de rappel : ayant manqué le virage des smartphones — que l’on a tendance à situer vers 2007 avec le premier iPhone —, Nokia voit sa division mobile rachetée par Microsoft en 2013 et l’arrivée de Windows Phone sur ses appareils. Mais ce système d’exploitation ne parvient pas à peser contre iOS et Android.

En 2016, Microsoft abandonne la bataille et cède Nokia Mobile à HMD Global, une firme fraîchement créée. Un an après, la marque finlandaise annonce en grande pompe ses tout premiers smartphones tournant sous Android.

La marque affirme compter des utilisateurs actifs dans plus de 200 marchés différents, tandis qu’elle vend officiellement ses produits dans 91 pays.

Avec Florian Seiche, nous avons ainsi abordé divers sujets allant des ambitions de sa firme, à sa vision de l’avenir, en passant par la renommée de la marque Nokia et de sa collaboration avec Google. Souriant, le ton calme, le patron de HMD n’hésite que très peu dans le choix de ses mots, visiblement rompu à l’exercice de l’interview. Maintenant que vous avez la forme, place à la discussion.

Une opportunité plutôt qu’un handicap

La question est posée d’emblée : après avoir traversé le désert pendant autant d’années, Nokia a-t-il les épaules assez solides pour reconquérir le marché et ses utilisateurs ? Sans surprise, Florian Seiche répond par l’affirmative. Cette « absence » ne constitue pas un handicap selon lui. D’ailleurs, il préfère parler d’opportunité. Depuis 2017, « beaucoup de personnes ont pris conscience du retour de Nokia. Mais au-delà de cela, de très nombreux utilisateurs accordent leur préférence à cette marque ».

Il poursuit : « dans plusieurs pays du monde, nous sommes toujours dans le Top 5 des marques de smartphones préférées. C’est-à-dire que beaucoup de gens envisagent d’acheter un produit Nokia pour remplacer leur téléphone actuel ».

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Florian Seiche avec un Nokia 5.1 à la main

Pour le patron de HMD, il s’agit d’un « incroyable avantage ». En effet, il estime que dans une autre configuration — si ses équipes et lui avaient créé une nouvelle marque par exemple — il aurait fallu « des années et des années pour arriver à un tel niveau, pour construire cette préférence ».

Certes. Mais ladite préférence accordée par les utilisateurs ne suffit pas à assurer un retour pérenne parmi les grands de la téléphonie mobile — on se souvient de BlackBerry, roi d’autrefois qui n’a jamais su remonter. Florian Seiche rassure et affirme que HMD a bien pris en considération l’évolution du marché. Celui-ci est inondé de produits où « tellement de marques vont et viennent », surtout en entrée et milieu de gamme. Ironiquement, Nokia est sans doute la meilleure illustration de cette allégation.

Si vous choisissez Nokia, vous faites le choix de la durabilité

Dans un tel contexte, l’utilisateur peut facilement être perdu. Malgré cela, « nous voulons envoyer un message de confiance et de fiabilité aux consommateurs : si vous choisissez Nokia, vous faites le choix de la durabilité  », explique Florian Seiche, convaincu par ses propres mots.

La garantie « fraîcheur » d’Android One

Envoyer un message positif aux consommateurs passe nécessairement par le respect de certains engagements. HMD veut ainsi surtout tenir deux promesses. La première, c’est « d’offrir un beau design et un bon hardware au meilleur prix ». À l’heure où nous écrivons ces lignes, il est difficile de savoir si les tout nouveaux Nokia 2.1, 3.1 et 5.1 s’inscrivent dans cette volonté. Néanmoins, force est d’admettre que les Nokia 6.1 et 7 Plus — sortis plus tôt cette année, mais appartenant à des segments tarifaires plus élevés — sont des appareils au très bon rapport qualité-prix. Le Nokia 8 Sirocco qui a tout misé sur un excellent design fait, quant à lui, figure d’exception.

Le second engagement important — et même primordial — concerne le suivi logiciel. Le patron de HMD souligne l’engagement de son entreprise à fournir des smartphones Nokia toujours « frais », disposant de la dernière version d’Android et du plus récent patch de sécurité mensuel. C’est ce que garantit le label Android One dont jouissent les appareils de la marque sortis cette année. Nokia ne se contente donc pas d’embrasser Android, le Finlandais entend carrément s’imposer comme l’un des plus fervents représentants de l’OS de Google.

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Le Nokia 5.1 profite d’Android One.

Pour résumer, Florian Seiche évoque des produits au bon prix et qui donnent envie aux consommateurs de les utiliser pendant plusieurs années grâce à un logiciel toujours à jour. « Nous pensons être les seuls à pouvoir offrir un tel équilibre  », clame-t-il sans broncher.

« Beaucoup d’utilisateurs placent déjà une confiance implicite en notre marque puisque Nokia a déjà prouvé par le passé qu’elle le méritait. Mais nous devons toujours gagner la confiance et l’attachement de nouveaux consommateurs aujourd’hui. Nous concentrer sur ces quelques critères est une manière cohérente d’atteindre cet objectif », ajoute  le CEO. En somme, l’idée est de profiter d’une base solide sans pour autant se reposer sur ses lauriers.

Fidèle à Google

Revenons-en à Android One. En plus des mises à jour aussi rapides que possible, ce label assure aussi une expérience Android épurée, fidèle à celle imaginée par Google, sans interface constructeur par dessus (contrairement à ce que l’on peut voir sur des appareils Samsung, Huawei ou Xiaomi).

Il est important de retenir que le partenariat avec Google est au centre de la stratégie de Nokia. « Android One n’en est qu’un exemple formel », explique Florian Seiche. « Nous avons des visions alignées. Google a fait un travail formidable au cours des dernières années pour améliorer l’expérience.  Pour être honnête, il n’y pas d’intérêt à ce que nous développions une interface par-dessus, nous préférons nous concentrer sur notre mission d’apporter les dernières mises à jour ».

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C’est également sur les services de Google que mise Nokia pour préparer son avenir. Le CEO de HMD estime que d’ici les trois prochaines années, les usages liés à l’intelligence artificielle seront la tendance principale du marché. Autrement dit, il s’agit ici de la capacité du téléphone à afficher immédiatement des informations pertinentes à l’utilisateur en fonction du contexte dans lequel il se trouve. « Ces éléments vont devenir sans cesse plus sophistiqués et mieux intégrés. Aucun effort supplémentaire de l’utilisateur ne sera nécessaire ».

À ses yeux, Google Assistant aura un rôle clé à jouer dans ces évolutions. C’est pourquoi il veut faire en sorte qu’absolument tous les smartphones Nokia en profitent, y compris le très modeste Nokia 1. Fun fact : même le Nokia 8110 de 2018 s’en équipe. L’intégration de Google Lens (en déploiement en France) permettant de reconnaitre en temps réel des objets via la caméra du smartphone fait également partie de ses préoccupations premières.

Perspectives d’avenir

Pour continuer de parler de l’avenir, nous avons demandé à notre interlocuteur quelles étaient les ambitions de sa firme à court puis à long terme. Il confie ainsi que HMD veut d’abord accélérer l’augmentation du nombre d’utilisateurs qui choisissent activement Nokia comme étant leur marque préférée.

Pour cela, les efforts vont se concentrer sur des marchés clés dans lesquels l’entreprise observe une grosse dynamique. Florian Seiche cite ainsi en exemples la Russie (ce n’est pas un hasard si l’officialisation des produits a eu lieu à Moscou), le Mexique, l’Afrique du Sud, l’Indonésie et l’Inde. « Évidemment, l’Europe dans sa globalité reste très importante, c’est notre terre natale ».

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En Russie, Nokia fait carrément partie du Top 3 des marques préférées des utilisateurs.

Dans un futur plus lointain, le patron de HMD souhaite continuer d’offrir de meilleurs produits et rester proche des utilisateurs. On s’attendait forcément à ce genre de déclarations. Néanmoins, Florian Seiche laisse également entendre que sa firme pourrait « éventuellement investir d’autres marchés, au-delà du smartphone ».

Il ne s’aventure néanmoins pas à livrer davantage de détails à ce sujet-là. Rappelons au passage que HMD a le droit d’exploiter la marque Nokia pour les smartphones, les features phones et les tablettes.

L’ADN Nokia

La conversation touche à sa fin. Le soleil termine sa course dans le ciel pour aller se cacher derrière l’horizon. Et juste avant que les dernières lueurs crépusculaires ne cèdent leur place à la nuit, nous mentionnons brièvement l’époque où Nokia était sous le giron de Microsoft. L’ère Windows Phone est assez controversée, marquée par des innovations intéressantes et un cruel manque d’applications compatibles avec cet écosystème. En tant qu’utilisateur, on pourrait croire que les responsables de HMD souhaitent tirer une croix aussi rapidement que possible sur cet épisode.

Néanmoins, comme l’indique notre interlocuteur, de nombreux membres de l’équipe de HMD travaillaient au sein de Nokia Mobile à l’époque de Windows Phone. Par ailleurs, « nombre de nos partenaires actuels travaillaient déjà avec la marque à cette époque et y sont restés très attachés ».

Florian Seiche ne souhaite donc pas oublier ce temps-là, car « il fait partie de l’ADN de Nokia ». En gardant tout cela en tête, « nous pouvons tous ensemble écrire le prochain chapitre de l’histoire de notre marque ». Une déclaration enthousiaste qui n’est pas sans rappeler le fameux slogan de l’époque : connecting people.

Source : Numerama

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