Quelques jours seulement après la formation d’une alliance d’associations de consommateurs européennes, la décision scandinave est tombée. Saisi par le Conseil Norvégien des Consommateurs (Forbrukerradet), l’ombudsman – une sorte de médiateur chargé de protéger les intérêts de la société civile – a jugé que le DRM FairPlay employé par Apple sur iTunes était illégal.
« Ca ne peut pas être plus clair que cela », juge Torgeir Waterhouse, conseiller du Forbrukerradet. « Fairplay est une technologie de verrouillage illicite dont le principal but est d’enfermer les consommateurs au package complet fourni par Apple, en bloquant l’interopérabilité ». Pour le Conseil, Apple tente de supprimer l’interopérabilité, qui est au coeur du succès de la société numérique, pour accroître ses propres bénéfices.
L’ombudsman norvégien a également jugé que le DRM doit être considéré pleinement dans les termes contractuels qui lient la plate-forme iTunes au consommateur. Aussi au regard du droit des contrats, pour être valide le DRM doit fournir des droits équilibrés et équitables aux contractants, ce qui n’est pas le cas avec iTunes, a décidé en substance le médiateur.
Selon le Conseil, Apple n’aurait que trois options pour se conformer à la décision de l’Ombudsman : proposer des licences de FairPlay aux autres constructeurs qui voudraient pouvoir lire les chansons d’iTunes sur leurs appareils, se joindre à la création d’un standard ouvert de DRM avec d’autres entreprises, ou abandonner purement et simplement les DRM. La firme a jusqu’à septembre pour se conformer, ou une procédure judiciaire contraignante sera engagée.
Mais Apple a également une autre possibilité : quitter la Norvège. Lorsque la France a menacé Apple de l’obliger à ouvrir son DRM pour le rendre interopérable, la firme de Cupertino a clairement laissé entendre qu’elle fermerait sa plate-forme de musique en ligne en France.
D’autres décisions à venir en Europe
Apple n’a pas encore réagi à la décision norvégienne, mais sa réponse risque d’être cinglante. Même si la firme de Steve Jobs se dit prête à travailler au plus vite pour résoudre les problèmes soulevés par les associations de consommateurs, elle n’est pas prête à s’ouvrir à l’interopérabilité. « Apple espère que les gouvernements européens vont encourager un environnement compétitif qui laisse l’innovation prospérer, protège la propriété intellectuelle (c’est-à-dire ses brevets et droits sur FairPlay, ndlr), et permet aux consommateurs de décider quels produits ont du succès », déclarait récemment un porte-parole d’Apple à l’agence Associated Press.
L’étau se resserre cependant sur Apple, aussi bien juridiquement que commercialement. D’autres décisions judiciaires sur le même sujet sont attendues dans les prochaines semaines ou les prochains mois en France et en Allemagne. En France, l’UFC Que-Choisir compte déjà un premier succès contre Sony Connect. Mais surtout commercialement, les plate-formes montrent une certaine impatience à devenir compatibles avec l’iPod, et elles sont prêtes à abandonner toute protection sur les fichiers MP3 si c’est la seule façon pour elles d’accéder au baladeur d’Apple. Le seul obstacle restant sont les grandes maisons de disques qui veulent encore croire aux DRM, mais qui dans le même temps se sentent de plus en plus étouffées dans un marché dominé à 80 % par un seul acteur : Apple. Bien qu’elles aient assez largement tenté lors du Midem de calmer l’appel à un abandon généralisé des DRM, les majors sont de plus en plus déchirées sur le sujet. Elles savent qu’elles ne pourront plus faire marche arrière si elles brisent ce tabou. Mais ont-elles encore le choix ?
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