Sept ans après leur invention, les cartes de cinéma illimitées font toujours débat dans l’industrie du cinéma. C’est même à nouveau la guerre. Le patron des salles UGC veut revoir à la baisse la rémunération des producteurs, ce qui pourrait provoquer la suppression pure et simple de ces formules imitées par tous les concurrents.

C’était le 29 mars 2000. Pour la première fois en France, un circuit de salles de cinéma proposait une carte nominative pour accéder librement et en illimité à tous les films proposés à l’affiche. En lançant cette initiative il y a sept ans, UGC avait d’abord soulevé la colère et la peur des industries du cinéma, qui voyaient là leur modèle économique chamboulé. Alors que le prix de l’entrée était jusqu’à présent partagé de façon simple entre l’expoitant et le producteur, les cartes illimitées induisaient le partage d’un pot commun entre tous les films vus grâce à la carte. Conseil de la concurrence, amende du CNC, tribunal administratif… L’industrie fit d’abord opposition, avant de trouver un accord faute de succès juridique. La formule sera alors imitée par tous les circuits concurrents : Gaumont, Pathé, MK2.

Selon le code de l’industrie cinématographique, l’exploitant reverse aux distributeurs (qui eux mêmes reversent aux producteurs) une somme basée sur un prix de référence, fixé actuellement à 5,03 euros par entrée. Si le titulaire de la carte se rend à beaucoup de projections, l’exploitant est perdant. Mais il se rattrape alors sur les abonnés qui usent le moins leur carte, et surtout sur les produits et services ajoutés.

A l’image des exploitants nord-américains, les complexes de cinéma français misent désormais beaucoup sur les ventes de pop-corn et autres boissons sucrées pour rentabiliser leur fonds de commerce. L’achitecture des halls est ainsi faite qu’il est obligatoire de passer très près des vendeurs de bonbons. Mais le cinéma, c’est aussi beaucoup de publicités avant la projection du film. Et pour s’assurer que les spectateurs la regardent, certaines astuces sont mises en place. Si vous profitez du service de réservation UGC avec votre numéro de carte illimitée, il vous est demandé de venir retirer votre place entre 1 heure et 10 minutes avant le début officiel de la séance. Avant 1 heure, le retrait de la place est impossible. Au delà des 10 minutes précédent la levée du cordon, la réservation est annulée. C’est une règle mise en place officiellement pour remplir les salles au maximum, et officieusement pour obliger le spectateur à être présent dans le hall au moins 30 minutes avant le début réel du film, de sorte qu’il vienne s’installer confortablement dans son fauteuil pour regarder les spots et les bandes annonces… Ces sources de revenus, auparavant marginales pour les exploitants, deviennent essentielles avec les cartes illimitées.

Moins de recettes par entrée de cinéma ?

Mais on mange moins de pop-corn en France qu’aux Etats-Unis, et le nombre d’entrées augmentent, comme le montrent les belles performances du cinéma français en 2006. Certes depuis 2000, le prix des cartes a légèrement augmenté. De 98 francs à l’époque (moins de 15 euros), la carte UGC illimitée est passée à 18 euros… mais le prix de référence qui revient au distributeur n’a pas évolué. Il est toujours de 5,03 euros, conformément à l’agrément validé par le CNC en 2003. Celui-ci, valide pour 4 ans, arrive à échéance en mars de cette année.

Les auteurs et producteurs, qui espéraient bien voir le prix de référence augmenter lors du renouvellement de l’agrément, ont pris une douche froide. Libération rapporte que Guy Verrecchia, le PDG d’UGC, a annoncé sa volonté de proposer un abaissement du prix de référence à 4,26 euros. Le CNC sera contraint d’accepter, ou de condamner les cartes UGC à mort en cas de refus de renouveler l’agrément. C’est une partie de poker menteur. Un choc pour l’industrie du cinéma, même si ces cartes ne comptent que pour 6 % des entrées. Au point que Libération imagine les explications à cette nouvelle provocation du groupe UGC. « A-t-il lancé une proposition à la baisse pour limiter les dégâts d’une discussion à la hausse ? », ou M. Verrecchia cherche-t-il « à se débarrasser des cartes ‘Illimité’, pas assez rentables, tout en rejetant la faute de cet abandon sur les pouvoirs publics » ?

Cette dernière hypothèse nous semble peu probable étant donnés les efforts marketing omniprésents réalisés dans les complexes UGC pour promouvoir la carte « Illimité ». Quoi qu’il en soit, les difficultés de la négociation n’augurent rien de bon pour les acteurs de la VOD qui pourraient être tentés d’imiter la formule pour attirer une nouvelle clientèle vers les offres légales.

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