Certaines idées semblent difficiles à déloger. Celle qui voudrait que nos smartphones nous écoutent en secret pour nous afficher des publicités ciblées est particulièrement coriace. Elle est née, comme souvent, d’un constat indémontrable : un jour, quelqu’un a eu une discussion sur la chemise qu’il porterait à un mariage avec une autre personne et quelques heures après, la publicité sur le web lui montrait des chemises. Raccourci : le smartphone a écouté en secret la discussion.
Et si il semblait évident pour beaucoup que ce n’était pas le cas, il était difficile jusqu’à aujourd’hui d’avoir une preuve suffisamment étayée pour appuyer ce propos. Aujourd’hui, grâce aux travaux de Elleen Pan, Jingjing Ren, Martina Lindorfer, Christo Wilson et David Choffnes, chercheurs en sciences de l’informatique à la Northeastern University de Boston, les choses ont changé. L’équipe a en effet conduit une expérimentation d’un an sur les 17 000 applications les plus populaires sur Android pour déterminer si elles accédaient en secret au micro sous certaines conditions. 8 000 de ces applications utilisent en plus des outils de Facebook, réseau social qu’on accuse le plus souvent d’utiliser le micro des smartphones pour écouter les gens.
Résultat : absolument rien ne permet de dire que du son est enregistré, analysé et envoyé à un tiers. Le groupe de recherche n’a trouvé aucune preuve qu’une telle opération avait lieu. Et pourtant, sur les 17 000 applications, 9 000 demandaient l’autorisation d’utiliser le micro et la caméra des utilisateurs (pour des raisons de fonctionnalités liées à l’application). L’expérience mise en place utilisait un programme conçu pour l’occasion qui mimait un usage courant d’un smartphone, sur dix appareils différents. En bout de chaîne, un logiciel analysait tout ce qui se passait sur les smartphones et tous les paquets envoyés sur Internet. Et après analyse, le groupe n’a rien trouvé qui pourrait correspondre à un envoi de données audio ou de données extraites depuis un enregistrement du micro.
Dans le cadre de l’expérience, rien ne permet de dire que le micro d’un smartphone écoute l’utilisateur en secret
Par souci d’exactitude, les limites de l’expérience ont été posées par l’équipe qui, doute et rigueur scientifique obligent, ne dira jamais que cela ne peut pas arriver. Dans les conditions expérimentales qui manquent d’humanité (c’est un programme qui a joué à l’humain), ce n’est pas le cas. Peut-être que le programme a pu manquer de déclencher certaines actions qui génèrent un enregistrement ? Ces questionnements sont sains pour garder un esprit critique fort nécessaire, mais ne viennent pas troubler, pour l’heure, les résultats du laboratoire.
Ces travaux seront présentés à la fin du mois à Barcelone lors du PET Symposium.
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