Le 30 janvier dernier, Alexander Ponosov était attaqué pour piratarie. Ce principal d’une école secondaire russe n’avait tout bonnement pas conscience qu’il commettait un crime en installant en août 2005 seize machines fonctionnant sous une version de Windows sans licence. Il ne savait d’ailleurs même pas, clame-t’il, que ces versions étaient piratées. L’article 146 du code criminel russe prévoit cinq ans d’emprisonnement (ce qui, en Russie, n’est sûrement pas une partie de rigolade) et plus de 10.000 $ d’amende pour tout acte de piraterie.
Selon le groupe >Business Software Alliance, 83% des logiciels seraient piratés en Russie. Et dans chaque ville, il est facile de trouver un marchand ambulant ou une petite boutique qui vend des CDs et des DVDs piratés en toute impunité, jusque dans la rue même des quartiers du service fédéral de sécurité (l’ancien KGB) !
Dans l’optique d’améliorer l’image de la Russie, les autorités avaient donc commencé par arrêter les propriétaires d’usines et de boutiques, pour s’attaquer finalement aux personnes en bout de chaîne, comme Alexander Ponosov. Selon ce dernier, ceci serait typique de la mentalité russe : « Ils ne touchent pas les oligarches parce que les oligarches ont de l’argent et peuvent leur retomber dessus. Ils préfèrent poursuive les pauvres comme nous. »
Le directeur est donc officiellement poursuivi pour violation de la loi sur la propriété intellectuelle et utilisation de logiciels piratés, ce qui a rapidement mobilisé les forces politiques jusqu’à l’improbable lettre ouverte de Gorbachev à Bill Gates, postée sur le site de sa fondation caritative The Gorbachev Foundation, et traduite en anglais sur Reuters:
« Un professeur qui a dédié sa vie à l’éducation des enfants et qui reçoit un modeste salaire en aucun cas comparable aux salariés de votre compagnie, est menacé de détention dans les camps de prison sibériens ». Gorbachev ne remet pas en cause le principe de punition pour violation de la propriété intellectuelle, mais précise que les utilisateurs russes de logiciels Microsoft (piratés?) accueilleraient avec enthousiasme un geste noble de la part du groupe américain.
Parce que nul n’est sensé ignorer la loi
Microsoft, qui a décidemment bien du mal avec la vision de l’informatique des pays de l’est, reconnaît tout de même que le maître d’une école rurale russe n’ait pas forcément les outils pour saisir toutes les subtilités du copyright, et annonce qu’aucune plainte ne sera déposée à l’encontre de Posonov. En revanche, l’entreprise américaine rappelle qu’elle ne pourra rien faire de plus pour ce dernier car le piratage reste un crime condamnable.
Le procès aura lieu le 12 février, et déterminera en quelque sorte ce à quoi peuvent s’exposer les millions d’utilisateurs de logiciels piratés en Russie. « Cette compagnie mondiale a commencé une croisade contre le piratage de logiciel. Mais au fil du temps, les autorités ont réalisé qu’elles ne pouvaient pas trouver les véritables malfaiteurs – ceux qui ont illégalement copié et distribué les produits de Microsoft piratés. La solution s’est alors présentée d’elle même : trouver une cible facile. C’est pour ça qu’ils nous ont choisi. » finit un Posonov qui a malgré tout l’air bien au courant des enjeux juridico-politique de cette affaire, pour quelqu’un qui ne savait pas qu’il utilisait des logiciels piratés. Cette affaire laisse tout de même comme un étrange parfum de déjà-vu, mais cette fois à la sauce peuple russe oppressé.
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