Comme vous ne pouvez l’ignorer, les créateurs de FastTrack s’apprêtent à affronter dans quelques semaines un procès qui s’annonce déjà très médiatique, contre l’association américaine de l’industrie phonographique (RIAA). Mais la préoccupation majeure de la RIAA aujourd’hui est de savoir « où se cachent les créateurs de FastTrack ». Il semble en effet impossible de savoir où ils se trouvent.

Trois logiciels sont concernés par la procédure : Grokster, iMesh et KaZaA. Ce sont les développeurs de ce dernier (Niklas Zennstrom et Jacob Friis) qui ont créé le réseau FastTrack, et l’ont ensuite distribué à qui voulait bien en payer la license. Mais personne ne sait véritablement aujourd’hui où sont ces développeurs, et où se situe le code source du réseau.

Pour vous donner un aperçu de la simplicité de la chose :
« Sharman Networks, le distributeur de KaZaA, a son siège social sur l’île de Vanuatu dans le Pacifique Sud et est géré depuis l’Australie. Ses serveurs sont au Danemark, et le code source du logiciel a été vu pour la dernière fois en Estonie ».

Juridiquement, Sharman se place donc sous le ressor de l’Australie qui fait parti des 150 pays ayant signé en 1971 la Convention de Berne pour la Protection des Oeuvres Littéraires et Artistiques, laquelle accorde une protection minimale aux droits d’auteur, mais sans doute insuffisante dans le cas de FastTrack.

Un problème technique, juridique, et diplomatique

Si l’on suspecte les développeurs de toujours vivre dans leur pays d’origine (les Pays-Bas), aucun avocat n’a encore réussi à trouver leur trace. Mais le problème est également (surtout) un problème de territorialité juridique. Sharman n’a jamais eu d’activité sur le territoire américain. Seuls de nombreux clients y sont implantés. Dès lors, est-il possible de poursuivre Sharman pour fourniture de moyens permettant la violation des droits d’auteur ? La question est délicate, et devrait être débattue le 18 novembre prochain…

Selon un avocat de Sharman Networks, cette procédure va à l’encontre de la souveraineté législative des Etats, puisque les associations américaines demandent à ce que soit appliqué leur propre droit de la propriété intellectuelle à tous les Etats du monde entier. C’est évidemment une question que seuls des traités internationaux peuvent résoudre. Nous avions à cet effet poser la question à Maître Murielle Cahen, spécialiste du Droit des nouvelles technologies, qui ne voyait pas non plus d’autres alternatives (voir notre interview en date du 10 septembre 2002).

Mais en réalité, sans rentrer dans de complexes développements juridiques, la question est plus compliquée encore puisque Sharman profite directement du marché américain par les revenus qu’elle reçoit de la publicité diffusée sur les clients, et sur leur site Internet.

Reste à savoir enfin si les autorités nationales accepteront de faire executer la décision prise par les cours américaines. Nous avons dans le passé avec l’affaire de la vente d’objets nazis sur Yahoo (qui avait donné lieu à une condamnation en France mais un refus d’exécution aux USA) que cela était loin d’être évident… Et ce d’autant plus qu’une cour d’appel néerlandaise a déjà rendu une décision favorable pour Kazaa (voir notre actualité du 29 mars 2002).

En bref, avec des développeurs introuvables, un code source échoué (et semble t-il « perdu ») en Estonie, et une complexité juridique et diplomatique certaine, le procès FastTrack s’annonce plus que palpitant !

Pour prolonger ces réflexions :
http://www.chron.com/cs/CDA/story.hts/business/1606387

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