C’est un groupe d’activistes qui chiffrent leurs mails et explorent toutes les formes possibles de vulves. À Paris, le Reset propose des activités militantes. Le combat de ses membres va des cours de code pour toutes et tous aux ateliers de clitoris en pâte à sel.

Voilà deux ans que les hacktivistes geek, queer et féministes à la fois se sont installé·e·s à la Mutinerie à Paris. Derrière la devanture rouge vitrée de ce bar féministe fait par et pour les « meufs gouines, bies, trans’, queers », le Reset a imaginé un hackerspace féministe ouvert tous les dimanches, proposant des activités ouvertes à tout le monde, à prix libre.

Le Cryptobar, qui est organisé plusieurs fois par an, permet par exemple aux participant·e·s d’apprendre à chiffrer leurs mails, leur PC ou leurs clés USB mais aussi à communiquer en sécurité sur son smartphone. « On a aussi une imprimante 3D dans la réserve du bar. Ça fait quelques mois qu’on a commencé à l’utiliser, notamment pour imprimer des clitoris en 3D », nous explique Zora, en robe pixellisée noir et blanc, avec dans le creux de sa main, une version en caoutchouc bleu de l’organe féminin.

« Pas évident de se sentir à l’aise dans les hackerspaces classiques, qui sont composés en majorité d’hommes »

A priori, difficile de comprendre le lien entre la maîtrise du code HTML et les combats féministes ou queer. « Pas évident de se sentir à l’aise dans les hackerspaces classiques, qui sont composés en majorité d’hommes, quand on est une femme ou une personne trans. On ne se sent pas pris au sérieux, voire illégitime. Voilà pourquoi on a décidé de créer notre propre espace, sans misogynie, ni transphobie, ni homophobie. »

Il y a quelques mois, plusieurs témoignages sur le sexisme au sein de l’Ecole 42, spécialisée dans la formation en informatique, faisaient état du climat misogyne dans le milieu de la tech. « C’est paradoxal parce qu’on se dit que la technologie est la même pour tous, qu’on est tous égaux face à une ligne de code. Mais en réalité pas du tout. C’est comme dans le reste de la société. »

Un environnement safe et bienveillant

À l’écart des préjugés et parfois d’une certaine hostilité, le groupe peut se concentrer sur les projets qui lui paraissent le plus utile. Zora avait déjà participé à plusieurs crypto-parties, des initiations au chiffrement pour protéger ses documents, mais en était ressortie déçue. « Nous les femmes et les queer, la principale menace contre laquelle nous voulons nous défendre, ce n’est pas la NSA. C’est peut être un mari violent qui nous traque sur internet ou des parents qui nous rejettent. »

Les ateliers proposent aussi d’apprendre à créer un serveur mail, de s’initier à l’électronique avec un fer à souder ou encore de créer soi-même des jeux vidéo à l’atelier QueerGames, où il est possible de créer et jouer à des jeux dans lesquels les minorités sont mieux représentées que dans les blockbusters classiques. Le tout, toujours ouvert à tout le monde, même aux personnes qui n’y connaissent rien.

« Beaucoup de hackerspaces se disent ouverts aux débutants mais en réalité, on est juste perdu si on n’a pas les bases. Ici on peut arriver sans rien connaître. On s’assure qu’à côté des activités un peu plus poussées, il y a toujours des ateliers pensés pour les personnes qui démarrent de 0 », explique Anne-Marie, une autre membre de l’équipe.

Tout est fait pour que les participants osent poser les questions qui leurs passent par la tête

Renverser les rapports de pouvoir

L’important pour elles et eux, c’est que les femmes et les queers prennent toute leur place dans le monde de la tech. Tout est fait pour que les participant·e·s osent poser les questions qui leurs passent par la tête. « Quand on est élevé en tant que fille, on nous fait bien comprendre que l’informatique n’est pas pour nous. Les femmes ne sont pas poussées vers les études techniques ou scientifiques. De toute façon, la figure du hacker est toujours la même : un informaticien qui fait des prouesses tout seul devant son ordinateur. Nous, on préfère relever des défis ensemble. »

Une solidarité qui vaut aussi avec les propriétaires du bar la Mutinerie, qui a décidé de les prendre sous leur aile. « Quinze jours avant de lancer notre mouvement, on s’est retrouvées sans local. Et la Mutinerie a gentiment accepté de nous héberger », se souvient Zora. Depuis, tout fonctionne sur un échange de bons procédés. En échange du prêt des locaux, le Reset leur rend de petits services, en faisant des petits travaux de réparation ou en leur installant un meilleur Wi-Fi par exemple. « La dernière fois, le bar a du faire face à un acte homophobe. Quelqu’un avait glué la serrure de la porte d’entrée. On s’en est occupées et on a réussi à bidouiller ça seules pour ne pas devoir payer de serrurier. »

Car les hacktivistes valorisent aussi les compétences manuelles. À coté de Python ou de JavaScript, elles proposent d’apprendre à créer des affiches féministes, à sculpter des vulves en pâte à sel ou encore à se lancer dans le tricot. « L’idée, c’est de se réapproprier la technique, peu importe qu’elle soit numérique ou manuelle. Le tricot fait partie des activités que nous proposons et nous ne considérons pas que ce soit une activité moins noble que le code par exemple. Tous les deux restent de la tech à nos yeux et ça nous plaît d’interroger cette dichotomie », s’amuse Anne-Marie.

Pour sa rentrée, le Reset prépare de nouveaux ateliers, certains plus poussés pour les personnes confirmées et toujours des activités accessibles à tous, même aux débutants. En plus d’être un refuge pour les femmes et les personnes LGBTQ, le groupe ne perd pas sa mission première de vue : l’apprentissage et la transmission du « plaisir de résoudre une ligne de code. »

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