Jupiter Research démontrait dans une étude menée en 2003 que ceux qui téléchargeaient le plus sur les réseaux de Peer-to-Peer (P2P) étaient aussi ceux qui achetaient le plus de CDs. Elle ébranlait alors ce mythe, en grande partie entretenu par les majors, d’un antagonisme « méchant pirate / gentil consommateur ».
C’est maintenant au tour du téléchargement que l’on applique la même rhétorique. Une enquête menée conjointement par l’Idate et Médiamétrie//NetRatings montre en effet que les utilisateurs de Peer-to-Peer sont aussi les clients des plate-formes légales. Certaines différences apparaissent néanmoins selon le pays d’origine. Dans le logiciel utilisé d’abord. Si eMule reste très majoritairement plébiscité par les Français, WinMX, LimeWire, et Kazaa se partagent l’adhésion des Britanniques et des Américains. Des logiciels presque exclusifs entre francophones et anglophones puisque contrairement à eMule ou WinMX (très populaire chez les anglophones mais totalement absent chez les francophones), Kazaa est le seul à assurer une présence relativement forte dans tous les pays sondés.
Dans le rapport aux offres légales aussi. La part d’internautes n’ayant jamais téléchargé de contenus payants s’élève à 34 % pour les Américains, 41% pour les Anglais, et 51 % pour les Français. Les fichiers payants constituent alors seulement 25 % de l’ensemble des fichiers téléchargés aux Etats-Unis contre 20 % au Royaume-Uni, et 15 % en France. Les français décrochent donc la lanterne rouge (ou le pompon, c’est selon) en matière de téléchargement illégal.
D’autres chiffres avancés par l’étude montrent que l’ordinateur reste l’outil de préférence pour le téléchargement de contenus par rapport à la téléphonie mobile, dont l’utilisation pour le téléchargement reste marginale. Si le téléchargement concerne toutes les catégories d’âges, ce sont les jeunes qui le pratiquent le plus fréquemment, indique l’Idate. Enfin, les plate-formes ont tout intérêt à noter les freins psychologiques au téléchargement payant révélés par l’enquête, à savoir le prix des contenus, la faiblesse de ses catalogues, et l’impossibilité d’écouter ou de regarder avant de télécharger.
L’étude démontre surtout que les deux modes de téléchargements (gratuits et payants) ne sont pas exclusifs l’un de l’autre. Les consommateurs, qui n’ignorent rien du Peer-to-Peer, peuvent être prêts à payer même lorsqu’ils disposent du moyen d’avoir la même chose gratuitement. Le téléchargement illicite reste très majoritaire (85 % des fichiers en France), mais la domination du P2P montre peut-être aussi que sa dimension sociale reste encore trop souvent oubliée ou ignorée par les vendeurs de contenus. Le Peer-to-Peer n’est pas cette chose froide et désincarnée de piratage massif, mais bien un réseau de communautés, entre autres linguistiques. David Card, analyste de Jupiter Research, évoquait lui-même dans un rapport publié l’année dernière le fait que les recommandations entre utilisateurs étaient le moyen le plus efficace de faire découvrir de la musique. C’est peut être en travaillant sur cet aspect social que les plate-formes et les majors parviendront à concurrencer efficacement le P2P et à renverser la proportion entre fichiers téléchargés illégalement et fichiers acquis légalement…
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