Il y a des amitiés qu’il vaudrait peut-être mieux garder discrètes. Joel Kaplan, le vice-président des politiques publiques mondiales de Facebook, s’est excusé dans une note interne vendredi 28 septembre, rapporte le New York Times, de s’être assis la veille derrière son ami le juge Brett Kavanaugh, lors de son audition sénatoriale. Celle-ci portait sur des accusations d’agression sexuelle dont le magistrat aurait été l’auteur.
Les faits remontent au début des années 1980. Brett Kavanaugh est accusé d’avoir agressé sexuellement une femme au cours d’une soirée. Tous deux étaient lycéens, mineurs au moment des faits.
Près de 40 ans plus tard, à l’été 2018, Donald Trump commence à réfléchir à qui il nommera à la Cour suprême des États-Unis, suite à un départ. Le conservateur Brett Kavanaugh fait vite figure de favori, et la procédure est lancée pour sa mise en poste.
Les excuses en demi-teinte de Joel Kaplan
Le journal New Yorker sort alors le témoignage de la victime présumée, qui parle de manière anonyme dans un premier temps avant de finalement révéler son nom : Christine Blasey Ford. D’autres femmes feront état de comportements similaires qu’aurait eu le juge avec elles.
Lors de l’audition sénatoriale qui découle de ces révélations, Joel Kaplan est apparu dans l’assistance, donnant l’impression qu’il soutenait Brett Kavanaugh. Une prise de position bien éloignée de l’image que souhaiterait renvoyer son employeur, Facebook.
Dans sa note, Joel Kaplan a dit « vouloir s’excuser ». Il a reconnu que son attitude avait pu être perçue « très douloureusement », aussi bien en interne qu’en dehors de Facebook. « Je connais Brett et Ashley Kavanaugh depuis 20 ans. Ils sont mes plus proches amis et ceux de ma femme Laura à D.C. J’ai été à leur mariage, ils ont été au notre, nos enfants ont grandi ensemble », a-t-il écrit, ajoutant : « Je crois au soutien de ses amis, particulièrement quand les temps sont difficiles pour eux ».
Des employés « en colère »
Chez le réseau social, les employés étaient, raconte le New York Times, « en colère » et « choqués ». Dans des discussions, notamment un chat réservé aux femmes travaillant dans l’entreprise, beaucoup s’interrogeaient sur le motif de la présence de Joel Kaplan, qui laissait penser selon eux que non seulement lui mais aussi Facebook en tant qu’entreprise soutenait Brett Kavanaugh. Au total, des centaines de salariés ou d’ex-salariés ont fait part de leurs inquiétudes.
L’affaire ne pose pas uniquement problème à propos des accusations menées contre Brett Kavanaugh. Dans la firme, le soutien affiché d’un cadre à un homme conservateur soulève également des questions.
Par ailleurs, des inconnues restent présentes dans l’équation. Joel Kaplan a affirmé avoir pris un jour de congé pour assister à l’audition, ce que des employés réfutent. Selon ces derniers, le logiciel de gestion des ressources humaines utilisé chez Facebook indique qu’aucun congé n’avait été pris le jour-J, et que c’est seulement à posteriori que ce jour a été pris.
La hiérarchie reste silencieuse, y compris Sheryl Sandberg
Du côté de la hiérarchie, aucune mesure n’a pour l’instant été prise. D’après le New York Times, Mark Zuckerberg aurait expliqué lors d’une réunion interne d’équipe que Joel Kaplan et Brett Kavanaugh étaient de proches amis, et que le premier n’avait de fait pas enfreint les règles de l’entreprise. D’autres cadres de Facebook, à l’image d’Andrew Bosworth, vice-président de la section dédiée à la réalité augmentée et virtuelle, ont partagé cet avis, écrivant : « il est de votre responsabilité de choisir un chemin qui correspond à votre opinion, et pas de celle de l’entreprise pour laquelle vous travaillez. » Des propos qui ont dû être ravalés bien vite par l’intéressé, qui n’a fait que choquer de nouveau les employés de la firme.
Des employés ont regretté le silence de la numéro 2 de Facebook, Sheryl Sandberg
Certains ont aussi regretté le silence de la numéro 2 de Facebook Sheryl Sandberg, qui ne s’est toujours pas exprimée publiquement sur le sujet. Depuis 10 ans chez Facebook, elle est pourtant particulièrement engagée en matière d’égalité femmes-hommes dans le secteur des nouvelles technologies. Auteure d’un livre sur le sujet, elle est membre d’organisations de lutte contre les violences commises envers les femmes. Seule une publication interne, diffusée vendredi dernier et signé de sa main, explique que l’affaire « l’agace profondément », « en tant que femme et en tant que personne se souciant beaucoup de la manière dont les femmes sont traitées. »
Une nouvelle réunion doit avoir lieu ce vendredi, toujours en interne. Mark Zuckerberg, Sheryl Sandberg et Joel Kaplan devraient répondre aux questions des employés lors de cet entretien.
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