C’est un succès que les regards extérieurs ne peuvent pas expliquer. Rien n’est plus moche et moins ergonomique qu’une page réalisée sur MySpace. Le bordel ambiant (il n’y a pas de mot plus précis), le chaos qui règne à chaque recoin du site est pourtant l’essence même qui a contribué à faire de MySpace le premier site au monde avec 90 millions de visiteurs par mois et 40 milliards de pages vues. Ce côté sans cesse underground malgré un succès populaire énorme, cette possibilité offerte de construire et de personnaliser son propre squat et de visiter celui des amis a contribué à faire de MySpace une mine d’or posée sur des fondations d’argile.
MySpace, c’est d’abord la promesse de son nom : « mon espace ». C’est l’appropriation de sa propre page, de son son propre site créé par soi pour les autres et pour communiquer ses propres passions. Ca devait être un espace de liberté et d’autonomie… mais ça n’en était pas moins, en fait, My MySpace’s Space : « mon espace chez MySpace ».
Depuis la fin de l’année 2006, News Corp. multiplie les tentatives de réappropriation de MySpace. Le groupe de Rupert Murdoch, qui a racheté MySpace plus d’un demi milliard de dollars en 2005, compte bien transformer l’essai et s’assurer l’essentiel des recettes générées par les millions d’utilisateurs de la plate-forme. Il a négocié un accord important avec Snocap pour distribuer de la musique payante sur MySpace et en toucher des commissions. Il a créé son propre label MySpace Records et organise des concerts à travers le monde. Récemment, il a annoncé que les films et séries TV de la Fox (autre filiale de News Corp.) pourront être diffusées par les utilisateurs de MySpace sur leur page. Une manière de capitaliser sur l’audience pour multiplier les recettes publicitaires.
Désormais, News Corp cherche à tuer dans l’oeuf toute concurrence qui voudrait se lancer à travers MySpace. Le site avait déjà tenté de bannir les vidéos de YouTube en décembre 2005, pour réserver l’exclusivité des vidéos à son propre service MySpace Video. Mais c’était trop tard, le service avait déjà gagné une telle popularité que les utilisateurs de MySpace se sont immédiatement rebiffés et ont exigé le retour de YouTube sur la plate-forme. Les hommes de Rupert Murdoch se sont exécutés, à regrets. « Nous aurions probablement dû arrêter YouTube », a indique récemment Michael Barrett, le directeur financier de Fox Interactive Media. « YouTube n’existerait pas s’il n’y avait pas eu MySpace. Nous avons créé des sociétés sur notre dos », se plaignait-il. Leçon apprise, il s’agit désormais d’agir au plus vite, dès que la moindre menace apparaît.
Du MySpace sinon rien
Ces derniers mois, MySpace a banni l’ajout des widgets de nombreuses jeunes pousses : Stickam (qui propose de la communication par webcam), VideoCodeZone (une sorte de YouTube), Project Playlist (sorte de Radioblog), Revver (partage de vidéo), Vidilife (partage de vidéo), Imeem (playlists multimédia),… et désormais Indie911, un site de musique indépendante. Brad Greenspan, le fondateur de la société qui avait créé MySpace avant sa revente, est parti en guerre contre son acquéreur. En novembre, il a monté le blog CensorSpace pour dénoncer la censure exercée par MySpace, et porté plainte contre le site.
Tila Tequila, dont nous reparlions encore ce mardi matin, est elle-même passablement énervée. Elle « possède » l’une des pages les plus populaires de MySpace, et pensait comme beaucoup d’autres utilisateurs qu’elle avait le droit, dans les limites de la loi et de la bienséance, d’en faire ce qu’elle voulait. Elle a donc ajouté le widget Hoooka proposé par Indie911. Celui-ci lui permet de vendre sa musique directement à partir du widget, sur sa page MySpace. Un outil précieux pour l’artiste qui veut profiter de sa notoriété sur MySpace pour vendre ses chansons… mais un outil qui déplaît à News Corp, car il entre en concurrence frontale avec le widget Snocap. La top modèle reconvertie dans la chanson a dû retirer le Hoooka de sa page, car il est réputé contraire aux conditions générales du site qui interdisent aux utilisateurs d’utiliser MySpace pour vendre des « produits » sans l’accord du site ou sans signer de partenariat avec lui.
Faut-il quitter MySpace ?
« La raison pour laquelle je suis si déprimée de MySpace maintenant c’est qu’ils ont récemment abattu notre liberté et retiré progressivement nos droits« , écrit Tila Tequila sur son blog personnel, hors de MySpace. Elle rappelle qu’elle avait quitté Friendster (alors de loin le réseau social le plus populaire aux Etats-Unis) pour MySpace très tôt, et contacté 40.000 personnes de son réseau pour la suivre sur le site qui allait être racheté par Murdoch. « J’ai le sentiment qu’ils sont devenus si entrepreneuriaux désormais et qu’ils ne vont même plus me permettre de faire des trucs cools sur ma page comme de poster de nouveaux widgets sympas d’autres sites. MySpace ne vous permettra plus d’utiliser que des choses « MYSPACE » maintenant et ça veut dire que vous ne pouvez pas trouver d’autres façon de faire votre promotion. En d’autres mots… vous êtes simplement coincé là-bas et seulement là-bas« , regrette t-elle. Elle supplie MySpace de ne pas céder à cette tentation mais se dit prête à quitter le site s’il le faut. Elle y a gagné près de 2 millions d’amis.
Une porte-parole de MySpace a indiqué hier que MySpace n’avait rien retiré de la page de Tila Tequila. « Un représentant de MySpace l’a contactée et lui a dit qu’elle avait violé les conditions générales du service au regard de l’activité commerciale », a-t-elle précisé. « Elle a retiré le matériel d’elle-même, après avoir réalisé qu’il n’était pas approprié pour MySpace ». En fait, c’est le fondateur de MySpace en personne, Tom Anderson, qui aurait contacté Tila Tequila. Il est devenu un ami personnel de la starlette. Mais en affaires, il n’y a pas d’amitié qui tienne. Soit Tequila retirait le widget d’elle-même, soit MySpace fermait sa page et donc une grosse partie de son fonds de commerce.
Et si la solution était effectivement un web 3.0 avec P2P, où chaque artiste est non seulement créateur mais aussi hébergeur de sa propre page ?
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Abonnez-vous à Numerama sur Google News pour ne manquer aucune info !