C’est une prise de position comme YouTube en a rarement faite. Dans un texte publié le 22 octobre sur les orientations et projets de la plateforme, sa dirigeante Susan Wojcjicki a appelé les vidéastes à faire entendre leur voix contre un article de la directive européenne sur le droit d’auteur adoptée au mois de septembre.
Un article qui pourrait « changer drastiquement » Internet ?
L’article en question est l’article 13. Il contient une série de mesures pensées pour mieux protéger les droits d’auteur sur Internet, comme l’obligation de nouer des accords entre les plateformes d’hébergement de contenus et les titulaires de droits d’auteur (par exemple, des maisons de disque ou producteurs), et celle de supprimer des contenus en violation avec un droit d’auteur.
Cet article a fait polémique lorsque son contenu a été révélé pour la première fois. Google, la maison-mère de YouTube, avait alors pris position contre le texte.
Pour Susan Wojcicki, l’article 13 pourrait « changer drastiquement l’Internet que [nous] connaissons aujourd’hui ». « [Il] mettrait en péril l’écosystème des créateurs et les emplois associés en Europe, a-t-elle estimé. Nous réalisons l’importance pour les détenteurs de droits d’auteurs de recevoir de justes compensations, et c’est pourquoi YouTube a mis en place Content ID et une plateforme pour rémunérer tout type de propriétaire de contenus. Nous nous engageons à travailler avec l’industrie pour trouver un meilleur moyen. »
Dans la partie du texte écrit par la dirigeante de YouTube dédié à l’article 13, les vidéastes sont invités à se mobiliser.
Des dispositifs pas si éloignés de Content ID
YouTube a-t-il raison de s’inquiéter et d’expliquer aux youtubeurs et utilisateurs que la directive empêchera « des millions de personnes (…) de poster des contenus sur des plateformes telles que [la sienne] », et que cela touchera avant tout les « plus petits créateurs qui fournissent un contenu original ? ». En réalité, c’est un peu plus compliqué que ça.
Comme l’a noté Le Monde, l’article 13 a été modifié depuis sa première version. Actuellement, il ne comprend plus d’obligation de filtrage des contenus avant leur mise en ligne, par exemple. Les sites comme YouTube sont simplement tenus de « coopérer de bonne foi » avec les propriétaires de droits d’auteurs.
Le site dispose depuis 2007 d’un tel dispositif : Content ID.
Or si cette obligation aura d’importantes conséquences sur de petites plateformes qui n’ont pas déjà un système dédié à cette tâche, il n’en sera pas de même pour YouTube. Le site dispose depuis 2007 d’un tel dispositif : Content ID.
Celui-ci compare chaque jour les vidéos postées sur YouTube à des sortes d’empreintes numériques (de films ou musiques par exemple) fournies par les ayants-droits. Lorsque des correspondances entre les deux sont établies, une partie ou la totalité des revenus générés par la vidéo est automatiquement transmise aux propriétaires du droit d’auteur (expliqué ci-dessous par l’avocate Éloïse Wagner, de la chaîne 911 Avocat). Ces derniers peuvent s’ils le souhaitent exiger ensuite le blocage de la vidéo.
A priori, Content ID semble donc déjà entrer dans la catégorie de dispositifs que souhaiterait imposer l’Europe au travers de l’article 13.
YouTube se réapproprie #SaveYourInternet
Par ailleurs, il n’est pas tout à fait juste d’indiquer que l’article 13 sera surtout néfaste aux petits créateurs. Ou du moins, il ne le sera pas davantage que Content ID, que des vidéastes accusent régulièrement d’être plus clément à l’égard des youtubeurs membres de groupements de youtubeurs ou « networks ».
Pour YouTube, il s’agit donc davantage d’un joli coup de comm’ que d’un grand geste pour les vidéastes. Pas sûr que cela plaise aux défenseurs des libertés numériques à l’origine du hashtag #SaveYourInternet (en français, sauvez votre Internet), que la plateforme présente presque comme si elle venait de l’inventer.
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