Suite à la parution hier de notre article révélant les pratiques d’une avocate parisienne à l’encontre d’internautes accusés d’avoir téléchargé un jeu et sommés de payer pour éviter tout procès, un avocat nous a spontannément contacté pour nous faire part de sa réaction. Eloquant.

« Ce genre de pratique me scandalise et ne correspond certainement pas aux pratiques habituelles de notre profession« , nous a indiqué par e-mail un avocat inscrit au Barreau de Paris. « Je regrette qu’elle soit de nature à accréditer dans l’esprit de vos lecteurs, dont je fais partie, que tous les Avocats sont des **** qui ne pensent qu’au fric et à faire peur aux internautes, sans me prononcer sur la légalité du comportement de l’internaute« , ajoute-t-il. Une copie de de notre article et de la lettre que nous avons révélée a immédiatement été communiquée par ses soins au responsable de la déontologie auprès du Barreau de Paris auquel est inscrit l’avocate.

Pourquoi donc une telle réaction de la part d’un confrère ? Plutôt qu’un long discours, permettez-nous de reproduire in extenso les explications apportés par cet homme de loi :


« Quelques explications sur notre profession : nous devons observer certains principes essentiels dans l’exercice de nos fonctions à savoir : dignité, conscience, indépendance, probité, humanité ainsi l’honneur, la loyauté, le désintéressement, la confraternité, la délicatesse, la modération et la courtoisie.

La formulation peut paraître parfois une peu vieillotte ou étrange (par exemple, le désintéressement ne signifie pas qu’il faut travailler gratuitement mais que nos honoraires doivent être raisonnables au regard de divers critères).

La méconnaissance de ces règles par un Avocat l’expose à des sanctions disciplinaires.

L’article 8.2 du règlement intérieur du Barreau de Paris prévoit que :

« Si un différend est susceptible de recevoir une solution amiable, et avant toute procédure, l’avocat peut prendre contact avec la partie adverse avec l’assentiment de son client. Cette prise de contact ne peut avoir lieu qu’en adressant à cette partie une lettre rappelant la faculté pour le destinataire de consulter un avocat et l’invitant à lui faire connaître le nom de son conseil. Dans cette lettre l’avocat doit s’interdire, à l’occasion de l’exposé succint de l’objet de la demande, toute présentation déloyale et toute menace. Cette lettre peut mentionner l’éventualité d’une procédure ».

Vous l’aurez compris, la lettre que vous publiez va à l’encontre de nos principes et jette le discrédit sur notre profession, ce qui m’irrite grandement.

La rédaction de la lettre est d’autant plus choquante qu’il n’est jamais possible de prévoir ce que dira un juge et que, comme vous l’avez rapporté dans vos colonnes, un internaute a été relaxé récemment en raison de l’illégalité de la collecte des données ayant permis son identification.

Selon, il s’agit d’intimidation pure et simple, surtout compte tenu du montant réclamé : déposer une plainte coute fort cher tant en frais d’avocat qu’en frais de justice, et on s’expose à perdre le cas échéant.

Mieux vaut donc faire peur et encaisser les 400 euros (c’est ce que pensent certains, mais nous ne sommes pas aux USA).

En ce qui concerne le côté organisation, les services de l’Ordre ont diverses directions dont l’une est chargé du respect de nos règles déontologiques. C’est cette direction que j’ai saisi aujourd’hui même compte tenu de l’impact négatif de ce genre de pratique qui, à ma connaissance, reste marginale.

Mon initiative ne concerne que l’Ordre des Avocats du Barreau de Paris puisqu’il s’agit de mon Ordre et que la lettre émane (malheureusement) d’un Confrère parisien.

Reste que nous sommes environ 20.000 avocats à Paris et que, comme dans toutes les professions, il y a du bon…et du moins bon. »

A suivre, évidemment…

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