À l’été 2016, en plein phénomène mondial Pokémon Go, la Fondation Ramón Pané, dédiée à la « nouvelle évangélisation », a l’idée de créer une version à sa sauce. Elle souhaite s’appuyer sur l’application pour inciter les jeunes catholiques à s’investir dans l’évangélisation. Deux ans plus tard, le 14 octobre 2018, la bulle Pokémon Go a dégonflé, mais Follow Jesus Christ Go sort sur l’App Store et le Google Play Store. L’application catholique a demandé 2 ans de développement et un budget de 500 000 dollars, d’après le site chrétien Crux Now. Elle est disponible en France (uniquement en espagnol). Évidemment, nous l’avons testée.
Aggro par des saints
Le jeu reprend le concept de base développé par Niantic. L’application contient la carte de votre ville, place votre avatar à votre position, et vous indique divers points d’intérêt. On s’arrête là pour la ressemblance. Exit les Pokémons, on part à la chasse aux saints, aux béates et aux personnages bibliques. Pour l’instant, on peut en collecter 46. Résultat, nous avons attrapé 2 fois Jesús Emilio Jaramillo — un prêtre colombien du XXe siècle — en quatre rencontres. Emilio est donc probablement le Roucoups du cathodex.
Mais ici, point de Pokéball : un saint rejoint votre eTeam seulement si vous répondez bien à une question vrai/faux. Simple, il suffit de demander à Google, se dit-on. Eh bien, non ! La plupart des questions sont trop spécifiques pour un coup d’œil sur un moteur de recherche. Si vous vous trompez, le personnage part sans plus de considération et sans donner la bonne réponse. Comme un Pokémon, cette fois.
Côté exploration, les trois types de personnages à collectionner sont représentés par des icônes distinctes. Il suffit de cliquer sur celles-ci lorsqu’on est à proximité, soit à deux rues près, pour engager l’interaction. Et parfois, les personnages apparaissent à l’écran sans prévenir et sans action de l’utilisateur, comme s’ils surgissaient des hautes herbes.
Jesus Christ Go! a aussi ses hardcore gamers
Si l’on en croit notre place dans le classement, Jesus Christ Go! compte plus de 500 joueurs. Non seulement cette application a des joueurs, mais les plus assidus ont dû beaucoup, beaucoup y jouer. En 45 minutes, nous avons récoltés un peu plus de 500 étoiles. Avec plus de 195 445 points, le leader du classement pourrait y avoir déjà joué pendant plusieurs dizaines d’heures.
Côté gameplay, en plus plus des différents personnages bibliques à rencontrer, le joueur doit collecter trois ressources : l’eau, le pain et la spiritualité. Qu’est-ce qu’il se passe si une de ces ressources vient à manquer ? Nous n’y sommes pas encore arrivé car les jauges sont trop importantes. Mais il semble que les personnages collectés décident de partir. L’application semble en plus bugguée sur ce point puisque Myriam et San Pedro Claver ont disparu de notre collection sur le chemin du retour à la rédaction.
Un outil d’évangélisation avant un jeu
Follow Jesus Christ : Go! se défend comme il peut. L’avatar, choisi parmi six dizaines de profils variés, apparaît complètement perdu. Le joueur ne peut clairement pas compter sur la carte grossière en jeu pour faire GPS, au risque de se perdre. La fondation a ajouté la possibilité d’afficher toutes sortes de points d’intérêt : restaurants, transports, banques, et bien sûr, églises. Ces dernières sont les seules à avoir un modèle 3D en jeu.
Il manque pour l’instant en France une partie essentielle du jeu : les missions. Les développeurs ont mis en place un système de mini jeu à certains endroits, disponible seulement en Italie et en Espagne pour l’Europe. C’est alors que les personnages collectés seront utiles.
L’idée est ensuite de concrétiser par des actions dans la vie réelle les déplacements que le jeu incite à faire. Par exemple, il est indiqué de prier pour les malades quand on approche un hôpital, ou de rentrer dans chaque église croisée. Mais ces missions pourraient s’étendre à d’autres types d’actions, plus proches de l’évangélisation.
Un dollar les dix deniers virtuels
Finalement, on a l’impression que l’application ne serait qu’une version gentiment kitsch de Pokémon Go, qui comblera les catholiques les plus fidèles de fun fact en tous genres et de bonnes actions. Développée pour les journées mondiales de la jeunesse qui auront lieu en 2019 au Panama, elle vise à utiliser la technologie pour s’adresser aux plus jeunes. Elle a même été présentée au Pape François au cours d’un congrès entre évêques sur l’utilisation de la technologie comme outil d’évangélisation.
Le prêtre Ricardo Grzona, directeur de la fondation Ramón Pané, n’a pas hésité à s’enflammer : « L’Église n’a jamais eu un tel projet… C’est l’application catholique avec la technologie la plus avancée. » Pour l’investissement, le jeu, bugué (inutilisable sur un OnePlus 6T, par exemple), mal animé et pas très joli ne rime pas vraiment les standards actuels des magasins d’application.
Et en termes d’avances, l’Église n’a pas appris que les bons côtés de la mobilité ludique : l’application, gratuite, dispose tout de même de son système de microtransaction. Si le joueur répond mal à une question d’un des personnages, il peut retenter sa chance, moyennant trois deniers, la monnaie du jeu. Et si l’utilisateur peut collecter ces pièces en jeu, il peut également les acheter sous forme de « don ». 0,99 dollar pour dix deniers, 2,99 dollars pour 100 deniers. Pour une application qui vise un public jeune et donc sans revenus, la démarche étonne, d’autant qu’elle reprend les mécaniques de dépenses perdues des pires free to play : à 3 jetons la mauvaise réponse, si vous en achetez 10, il vous en restera toujours 1 en trop.
L’application propose également une solution alternative : pour chaque publicité de 30 secondes regardée, on débloque un denier. Il suffit donc de regarder 1 minute 30 de pubs. L’app mentionne en petits caractères : « Les vidéos montrées ici sont données par une entreprise publicitaire. La Fondation Ramón Pan. ne publie ni ne prend la responsabilité du contenu des publications ». Nous voilà donc pris à regarder 1 minute 30 de publicités pour l’application TikTok, très prisée par les 10-18 ans. Il va falloir en regarder beaucoup plus pour rembourser les 500 000 dollars dépensés dans le développement.
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