C’est un jugement qui tombe mal pour la belle assemblée d’organisations de droits d’auteurs qui souhaitent défendre l’imaginaire d’un droit à la copie privée pour justifier le maintient de la taxe payée par les consommateurs sur les supports vierges. Dans un arrêt du 4 avril 2007, la Cour d’appel de Paris a écarté toute existence d’un droit à la copie privée dans l’état actuel de la législation française.
Un consommateur avait saisi la Justice aux côtés de l’association de consommateurs UFC Que-Choisir pour faire reconnaître un droit à la copie privée et interdire aux studios de protéger les DVD contre la copie. Le demandeur avait en effet acheté le DVD du film Mulholland Drive, et s’était aperçu qu’il ne pouvait pas en réaliser une copie sur VHS pour regarder le film sur le magnetoscope de ses parents. Il avait donc attaqué les films Alain Sarde et Universal Pictures Video France, à la fois sur le terrain du droit à la copie privée et sur celui du vice caché, puisqu’aucune indication de la présence d’un système anti-copie n’était marquée sur le boîtier du DVD.
Le tribunal de première instance avait refusé d’accéder à la demande en avril 2004, jugeant que la copie privée n’était un droit mais une exception. La cour d’appel de Paris avait été saisie et, dans un arrêt très remarqué du 22 avril 2005, avait contredit le premier juge et reconnu l’existence d’un droit opposable à la copie privée. Sans surprise, les studios se pourvoient en cassation. La plus haute juridiction casse l’arrêt de la cour d’appel, et indique aux juges du fond qu’il faut – comme l’exigent les engagements internationaux, vérifier si la copie des DVD porte atteinte « à l’exception normale de l’œuvre » ou « cause un préjudice injustifié aux intérêts de l’auteur ». L’affaire Mulholland Drive est renvoyée à Paris.
Pas de droit, pas d’action
Dans son arrêt du 4 avril, la quatrième chambre de la Cour d’appel ne s’embarasse pas du « test en trois étapes » exigé par la cour de cassation. Elle reprend les arguments de première instance que la même cour d’appel avait pourtant contredit. « La copie privée ne constitue pas un droit mais une exception légale au principe de la prohibition de toute reproduction intégrale ou partielle d’une œuvre protégée« , indique la Cour d’appel. Elle en déduit que l’exception pour copie privée « ne saurait être invoquée, comme étant constitutive d’un droit, au soutien d’une action formée à titre principal« . Elle rappelle le principe fondamental de la procédure judiciaire : pas de droit, pas d’action.
En revanche, la copie privée « peut être opposée pour se défendre à une action, notamment en contrefaçon« , indique la cour d’appel qui précise (pour botter en touche le test des trois étapes) qu’il faudrait dans ce cas que « les conditions légales [soient] remplies ».
Sans la critiquer explicitement, la Cour d’appel semble ainsi dénoncer une situation ubuesque où la loi prévoit qu’on n’a pas le droit d’interdire une copie privée, mais où le justiciable ne peut pas bénéficier de ce droit qui n’en est pas un sans être d’abord poursuivi par l’ayant droit.
Rappelons que la loi DADVSI prévoit de régler ce paradoxe à travers l’Autorité de Régulation des Mesures Techniques (ARMT), qui a été mise en place ce vendredi. Seul le temps permettra de dire son efficacité réelle, mais en attendant ses premières décisions, le flou juridique reste total sur les conditions de l’exercice de l’exception pour copie privée.
En ce qui concerne le défaut d’information, la cour d’appel juge que « l’absence de mention relative à l’impossibilité de réaliser une copie privée ne saurait constituer une caractéristique essentielle d’un tel produit« , et qu’il n’y a donc pas de vice caché. Mais elle rappelle que la loi DADVSI, adoptée après les faits, prévoit désormais une information obligatoire sur les restrictions d’usage imposées par les DRM et mesures techniques de protection.
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