C’est désormais pratique courante. Les Etats-Unis usent sans réserve de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) pour imposer une législation mondiale et répressive en faveur d’une protection accrue de la propriété intellectuelle. Ce fut notamment le cas lorsqu’il a été fait pression sur la Russie de faire tout son possible contre le site de vente de musique en ligne Allofmp3.com. L’entrée de la Russie à l’OMC avait en effet été explicitement conditionnée aux actions entreprises, alors même que les autorités locales ne semblaient pas convaincues de l’illégalité sur leur territoire du site de vente de fichiers MP3.
Il existe pourtant déjà une Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), sous l’égide des Nations Unies. Mais l’OMC (ancien GATT) est devenu le lieu préféré des Américains pour imposer leur vision du droit d’auteur. Pourquoi ? Parce que l’OMPI donne de plus en plus droit de cité aux lobbys du logiciel libre et aux opposants à un droit d’auteur trop dur, alors que ces lobbys-là n’ont pas accès aux instances de l’OMC. Les lobbys industriels non plus, direz-vous. Oui, mais ceux-là ont leur parole largement relayée par les représentants des gouvernements. Grâce à son poids considérable dans la balance commerciale, Hollywood parvient très bien à faire relayer ses messages à l’OMC par la voix du représentant au commerce des Etats-Unis. Les traités internationaux sur le droit d’auteur, qui se négociaient hier à l’OMPI (créée spécialement pour cela), se signent désormais à l’OMC.
Pour justifier sa compétence, l’OMC dit officiellement ne s’attacher qu’aux règles liées directement au commerce. Les accords sur les Aspects des droits de proriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), signés en 1994, l’ont été en collaboration avec une OMPI soumise. Excepté le droit moral – et encore, c’est discutable, quels droits de propriété intellectuelle ne touchent pas à l’activité commerciale ? Le hold-up était fait.
Etats-Unis contre Chine
Susan Schwab, la représentante américaine au commerce, a ainsi déposé deux plaintes cette semaine contre la Chine à l’OMC. L’une pour le non-respect du droit d’auteur, l’autre pour les barrières protectionnistes qui freinent l’importation de produits culturels. Comprenez pour cette dernière plainte que les Etats-Unis reprochent à la Chine de ne pas pouvoir leur vendre du Madonna et du Schwarzenneger aussi facilement que dans le reste du monde. Prudente, mais une fois l’arme dégainée, elle a tout de même précisé que les Etats-Unis entendaient poursuivre leur dialogue avec la Chine.
Celle-ci ne l’entend pas de cette oreille. « La décision [des Etats-Unis] est contraire au consensus établi entre les leaders des deux nations sur le renforcement économique bilatéral et les liens commerciaux et sur le fait de régler correctement les conflits« , accuse Wang Xinpei, porte-parole du ministre chinois du commerce. « Ca va sérieusement compromettre les relations de coopération que les deux nations ont établi dans ce secteur et affecter négativement les liens bilatéraux économiques et commerciaux« . Xinpei assure que la Chine a fait beaucoup d’efforts pour combattre le piratage dans son pays. En février, la Chine avait annoncé la fermeture de 205 sites pirates et examiné 130 dossiers soumis par des associations d’industriels étrangères, dont certainement la RIAA et la MPAA.
De son côté, la RIAA s’est félicitée de l’initiative américaine. « Le vol de musique est chronique en Chine et s’opère quasiment en toute impunité. Pour l’heure, la Chine a négligé de prendre des mesures ou d’entreprendre des réformes sérieuses et radicales qui doteraient le marché d’une réelle responsabilité et qui témoigneraient de son engagement envers ses obligations internationales« , a déclaré le président du lobby du disque, Mitch Bainwol.
Le mois dernier, les quatre majors du disque ont accepté, pour contrer le piratage, de proposer gratuitement leur catalogue sur le portail chinois Sina.com, contre partage des revenus publicitaires.
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