C’est une décision extrêmement grave contre laquelle Yahoo vient de faire appel. Un tribunal chinois, allant contre la jurisprudence chinoise et contre le bon sens, mais dans le sens des maisons de disques, a condamné Yahoo parce qu’il offrait, avec son moteur de recherche, des liens vers des sites de téléchargement de fichiers MP3 pirates…

On le savait avant même que Google ne soit Google. Le moteur de recherche, pour Internet, est un point stratégique central dont la neutralité doit être absolue. Imposer par la menace judiciaire à un moteur de recherche de n’indexer que des contenus légaux, c’est imposer à ces intermédiaires techniques une responsabilité sans équivalent qui ne peut que les inciter à une auto-censure importante. Quelle frontière entre le licite et l’illicite, le légitime et l’illégitime ? Le doute profitera toujours à la censure. Malgré toutes les déclarations de bonnes intentions que l’on peut entendre ci et là, intervenir dans la neutralité d’un moteur de recherche ou d’un hébergeur en exigeant un filtrage proactif, c’est porter un coup grave à la liberté d’expression.

Le droit d’auteur, tout important qu’il soit pour l’industrie culturelle et (pourquoi pas) pour la société tout entière, n’a pas de légitimité particulière à s’imposer dans la hierarchie des normes avant le droit à la liberté d’expression. Tous deux doivent être placés sur un même pied d’égalité et conciliés dans un soucis permanent de justice et d’équité.

Yahoo condamné à 20.000 euros de réparation

Or, lorsqu’un tribunal chinois condamne Yahoo et donne raison à 11 labels qui poursuivaient en Chine le moteur de recherche en violation de droit d’auteur, c’est une atteinte grave à la liberté d’expression qui est réalisée. Portée par la Fédération Internationale de l’Industrie Phonographique (IFPI), la plainte accuse Yahoo Chine de violer les droits d’auteurs de l’industrie du disque car son moteur de recherche permettait l’accès à 229 chansons piratées. L’IFPI portait plainte au nom de 11 labels membres, dont les quatre majors Sony BMG, Universal Music, Warner Music et EMI. Selon l’agence de presse officielle Xinhua, Yahoo aurait été condamné à payer 210.000 yuans (environ 20.000 euros) à la Fédération.

Dans une affaire similaire contre Baidu.com, le plus populaire des moteurs de recherche en chine, la justice avait jugé en faveur du portail en novembre dernier. Les raisons d’un jugement contraire pour Yahoo ont pour le moment inconnues. Dans les deux affaires, un appel est en cours.

Du côté de l’IFPI, bien sûr, on se félicite de la décision contre Yahoo. « Ce jugement va accélérer le développement d’un marché légal de la musique numérique en Chine« , s’est félicité le président de l’IFPI John Kennedy, qui ajoute ce que chacun doit aujourd’hui redouter : « ce jugement donne à nos membres les bases juridiques pour exiger de tous les moteurs de recherche en Chine qu’ils retirent les liens illicites de leurs services, ce que nous ferons« .

Ou comment le droit d’auteur, parce qu’il devient sacré, contribue à fragiliser la liberté d’expression dans un pays qui a plutôt besoin qu’on la libère davantage.

Pour assurer l’équité entre le droit d’auteur et la liberté d’expression, le B.A-BA est d’attaquer uniquement ceux qui fournissent les MP3 piratés, et non pas les intermédiaires qui, dans leur rôle de cartographes du web, les englobent dans un référencement automatisé dont la neutralité est seule garante de la liberté. Si ces actions ne sont pas suffisantes ou efficaces, alors rien ne doit laisser penser que droit d’auteur est à placer au dessus de la liberté d’expression.

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