Lorsque le débat sur la licence globale a éclaté en France, avec l’adoption surprise d’un amendement légalisant le téléchargement dans le cadre de la loi DADVSI, les mentalités n’étaient sans doute pas prêtes. Personne ne voulait se résoudre à croire perdue la bataille pour la musique payante, et il ne s’est trouvé aucun artiste de premier plan pour venir soutenir le projet défendu par les députés socialistes et par une petite poignée de députés de la majorité. Tous voulaient encore croire qu’il était possible de vendre de la musique sur Internet comme ils l’ont toujours fait dans les grands magasins et chez les disquaires. Qu’importe le tout numérique et ce que l’immatériel apporte. Il suffirait de généraliser et de protéger juridiquement les DRM pour créer sur Internet les barrières connues dans le monde matériel.
C’est donc dans un grand élan commun que le projet de licence globale a été enterré six pieds sous terre, y compris de la part de députés socialistes qui l’ont défendu, et qui en parlent désormais comme d’un « vieux plat froid« . Il ne se trouve plus personne pour relancer le débat, tant le lobbyisme a été redoutable à quelques mois des élections présidentielles et législatives. On refuse même d’ouvrir le dossier pour examiner sa faisabilité. Nicolas Sarkozy a redit sa conviction début avril. « Si je suis élu président de la République, il n’y aura pas de licence globale parce que je crois au respect de la propriété de celui qui écrit, qui compose, qui tourne, qui peint, qui sculpte« . Ségolène Royal est moins ferme, ouvrant la porte à des « revenus indirects », mais sans ressortir pour autant le projet enterré. Il semble davantage question d’étendre la rémunération pour copie privée que d’étendre les droits.
Le débat ne se joue donc plus en France, mais ailleurs
Steven Page, le guitariste et chanteur du groupe canadien Barenaked Ladies, a indiqué la semaine dernière à Ars Technica qu’il était pour l’instauration d’une licence légale dont la rémunération serait assise sur une taxe sur les abonnements à Internet. Les Barenaked Ladies ont une voie influente et souvent précoce dans l’industrie du disque. Encouragés par leur manager Terry McBribe, le PDG de Nettwerk Music Group, ils avaient été le premier grand groupe anglosaxon à s’opposer aux plaintes contre les internautes et aux DRM, tout en réalisant d’excellentes ventes avec leur dernier album. Pour Page, les « pirates » ne sont que des « fans » de musique qui ne devraient pas être punis pour leur désir d’écouter de la musique. « Ils devraient payer pour le droit, mais le paiement devrait être maintenu aussi bas et simple que possible« , tout en permettant aux internautes de redistribuer et de remixer les œuvres, explique-t-il à nos confrères.
« Si nous avions un système de licences obligatoires, ils n’auraient pas à s’inquiéter d’avoir à aller chercher une licence, ou à contourner le système« , estime Steven Page, pour qui les FAI sont le moyen le plus simple d’obtenir un paiement. « Les gens n’aiment pas payer pour de la musique, ça n’est pas parce qu’ils pensent que c’est gratuit, c’est parce qu’ils n’aiment pas le procédé« . La licence globale aurait donc pour lui l’avantage de rendre le paiement plus facile à supporter, et également d’en finir une bonne fois pour toutes avec les questions de DRM et d’interopérabilité.
Ces propos font écho à ceux de Peter Jenner, le manager des Clash et des Pink Floyd, qui estimait lui aussi en novembre dernier que la licence globale serait probablement la voie de l’avenir.
Un avenir dont la France aura montré le chemin, sans oser l’emprunter le premier.
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