« Quand j’ai lancé cette journée en 2001, on pouvait prendre ça comme un canular », sourit Phil Marso. De l’autre côté du combiné, ce Français auteur de romans policiers nous raconte comment il a eu l’idée, il y a plus de vingt ans, de créer la journée mondiale sans téléphone portable. Elle est célébrée le 6 février.
Comme de nombreuses « journées de », cette date semble s’être institutionnalisée. Plusieurs médias lui consacrent des articles, prodiguant des conseils pour se déconnecter ou témoignant d’une expérience extrême : se passer de son smartphone pendant 24 heures. Cette journée n’a pourtant pas été instaurée par les Nations unies, l’Organisation mondiale de la Santé ou une association. Phil Marso en est le seul organisateur.
« C’est l’histoire d’un tueur qui tue des gens qui ont un portable »
Nous sommes en 1999. Phil Marso, libraire et auteur de romans policiers, commence à publier des polars humoristiques dans lesquels il aborde des sujets de santé. Il s’attaque alors au téléphone mobile dans un ouvrage intitulé Tueur de portable sans mobile apparent.
« C’est l’histoire d’un tueur qui tue des gens qui ont un portable. L’intrigue se passe en 2001… C’est en quelque sorte un roman d’anticipation », résume Phil Marso. Ce scénario, inventé alors que le téléphone portable prend son essor, lui donne envie de prolonger la réflexion. L’idée d’une journée sans mobile naît dans son esprit.
La date à choisir lui semble rapidement évidente : ce sera le 6 février, jour de la saint Gaston. Phil Marso fait ainsi un clin d’œil à la chanson de Nino Ferrer baptisée Le Téléfon (1967) et célèbre pour ces paroles : « Gaston y’a l’téléfon qui son / Et y a jamais person qui y répond ».
« Je ne suis pas anti-portable, nous explique Phil Marso. Mon intention n’est pas de vous inciter à couper votre portable pendant ces journées. Je voulais simplement susciter un début de réflexion, alors que le téléphone portable commençait à devenir un phénomène important », nous assure-t-il.
Quatre mois avant l’échéance du 6 février 2001, Phil Marso s’attache à préparer la première journée sans téléphone portable. Il tente d’inonder de nombreux médias, français et étrangers, de ses communiqués de presse envoyés par mail. À sa surprise, son initiative semble trouver un premier écho au Canada.
En 2003, le créateur de la journée sans téléphone dépose sa marque auprès de l’INPI (Institut national de la propriété industrielle). Elle est désormais la propriété de MEGACOM-K, une structure fondée en 2003 par Phil Marso.
Un thème différent chaque année
Depuis, l’auteur de polars propose chaque année un thème différent : précaution au volant (2003), prix des communications (2011), l’ « adikphonia » (2013) — pour désigner la nomophobie –, le climat (2015)… Sur son site mobilou.info (oui), Phil Marso accompagne les différentes éditions de conseils, principalement adressés aux plus jeunes, et de défis pour, par exemple, « ne plus s’ennuyer sans son smartphone à la récré ».
Le créateur de la journée sans portable se réjouit de voir son initiative popularisée au fil des années. « Depuis 4-5 ans, la journée mondiale sans smartphone est devenu un rendez-vous ancré », nous assurait Phil Marso en 2019.
Désormais, il organise sa communication chaque année, pour préparer les différentes éditions des journées sans téléphone portable — étendues à 3 jours depuis 2004. En 2023, c’est la 23e édition. Phil Marso choisit souvent de s’attaquer à des thèmes qu’il juge lui-même provocateurs.
En 2019, lorsque Numerama l’avait rencontré, le thème était : « L’Idiocracy a-t-elle sonné ? », avec une affiche servant à promouvoir la journée. Un chat, coiffé d’un chapeau et entouré d’une bouée, y grignote un beignet. Il tient, d’une patte, son téléphone portable qui capture un selfie de ses vacances à la mer. L’édition 2023 est nommée « Le smartphone : sauve-t-il des vies ? », avec un mobile glissé dans une bouée de sauvetage sur l’affiche.
À la recherche de partenariats
Sur sa page Facebook, Phil Marso relève des articles inspirés par son événement, qui ne mentionnent pas toujours son origine. Au téléphone, l’auteur regrette également que sa journée consacrée au « mobilou », comme il les appelle, ait suscité des réticences, surtout pendant les premières années de son existence. Comment l’explique-t-il ? « Je suis seul et je n’ai pas créé d’association. C’est parce que je ne voulais pas me retrouver associé aux intégristes du portable », nous dit-il.
Phil Marso précise qu’il n’est pourtant pas opposé à l’idée d’établir des partenariats pour faire connaître la journée mondiale sans smartphone. Chaque année, il tente de convaincre de nouvelles personnes. « Pour le 6 février 2019, j’ai contacté des artistes. J’ai eu une réponse — négative, certes, mais une réponse tout de même — de Florence Foresti. J’avais pensé à elle lorsqu’elle a interdit les téléphones portables dans ses spectacles », nous raconte Phil Marso.
Comment l’auteur explique-t-il sa difficulté à convaincre de potentiels partenaires, alors même que son initiative est désormais relayée ? « Cela vient peut-être d’une forme de lassitude autour des journées mondiales, il y en avait moins lorsque j’ai créé celle sans portable », nous répond-il.
Phil Marso choisi seul le thème de ces journées. Il lui arrive de s’associer à des établissements scolaires qui prennent part à l’événement. En 2023, c’est en Belgique, à Habay-La-Neuve, qu’il se déplace pour une visite dans une école.
L’instigateur de ces journées a même prévu une liste de questions que vous pouvez vous poser pendant ces 72 heures de réflexion. Sans abandonner votre smartphone, vous pourriez ainsi vous demander si « le téléphone portable est mauvais pour la santé », ou encore si « le téléphone portable n’est […] pas les oreilles de Big Brother ».
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