Jusque là, celui qui voulait regarder un film pouvait soit aller au cinéma, soit regarder la télévision, soit se rendre au vidéo club ou bien acheter le DVD. Avec l’arrivée d’Internet, plus besoin de sortir, d’affronter la foule et les embouteillages, de se plier aux grilles horaires. Désormais, on peut tout aussi bien allumer son ordinateur, où que l’on se trouve dans le monde, télécharger le film de son choix et le visionner sur l’écran de sa télévision sans bouger de chez soi, le transférer vers son baladeur numérique pour pouvoir le regarder dans les transports, ou même l’avoir sur son téléphone portable.
Avec la généralisation des connexions haut débit et l’évolution des technologies vers plus de confort, d’interopérabilité et de mobilité, l’idée de télécharger un film via Internet ne semble plus aussi saugrenue. D’ailleurs, l’explosion du partage de films sur les réseaux P2P a démontré qu’il existe une réelle demande pour le visionnage de films sur le Net. Les différentes offres s’efforcent de répondre aux attentes d’un public toujours plus varié et en mutation. Mais il ne faut pas confondre ce qui devient possible grâce à la technologie et ce qui est utile, qui répond à un besoin et peut donc être la base d’une activité rentable.
L’industrie cinématographique a d’abord perçu Internet comme une menace. Une fois le film disponible sur le Net, comment empêcher qu’il ne soit massivement piraté ? Comment s’assurer d’un retour sur investissement ? Comment être sûr que le nouveau média ne fasse pas de l’ombre aux autres modes de distribution ? La réaction des majors a donc été défensive. L’objectif n’était pas de comprendre la nouvelle dynamique entre le public et la technologie mais de stopper l’hémorragie.
Les majors semblent avoir réalisé l’impasse dans laquelle elles se trouvaient. L’industrie musicale a montré l’exemple, avec l’iTunes Store d’Apple et son iPod, devenus une référence incontournable pour la vente de musique en ligne. Les enjeux économiques n’étant pas les mêmes pour l’industrie cinématographique, celle-ci avait besoin d’un peu plus de temps. Désormais, le marché de la vidéo en ligne commence à s’organiser. De nouveau acteurs émergent et les modèles économiques évoluent. Les alliances se forment. Les initiatives laissent entrevoir une certaine maturité de l’offre de distribution de films par Internet.
Cette offre se développe à partir de 1998 aux Etats-Unis, avec des sites comme MovieFlix ou Netflix. Pour des questions de droits, les sites américains ne sont pour la plupart accessibles qu’aux internautes localisés aux Etats-Unis. Ces sites sont bien entendu accessibles de n’importe quel ordinateur connecté au réseau, partout dans le monde. Mais s’il y a paiement par carte de crédit, seuls les utilisateurs avec une adresse bancaire américaine peuvent effectivement bénéficier du service.
Ainsi, dans un univers numérique où les barrières géographiques sont supposées s’estomper, certaines spécificités nationales persistent. L’Amérique du Nord, grâce à une industrie cinématographique puissante et une avancée historique dans le développement du nouveau média Internet, apparaît bien positionnée sur le marché du téléchargement de films.
A travers l’étude du marché américain, est-il possible d’établir une typologie de l’offre de films sur Internet ? Sur quels sites aller pour télécharger un film – non pas une vidéo amateur comme on peut en trouver sur YouTube, mais un long métrage ? Comment s’y retrouver parmi les différentes formules proposées ? Quels sont les acteurs et modèles économiques émergents ?
Typologie de l’offre
Aux Etats-Unis, la distribution de films en VOD (vidéo à la demande) par le câble et le satellite rencontre un vif succès. A défault d’offres innovantes, la distribution par Internet a longtemps été marginale, voire illégale. Mais désormais, être présent sur le Web n’est plus une option, c’est une nécessité. Il faut aller là où l’audience va. L’internaute a clairement indiqué qu’il voulait pouvoir télécharger des films. De plus, avec l’essor de la publicité en ligne et le développement de services attractifs, l’industrie du cinéma réalise qu’il y a de l’argent à gagner.
L’étude de l’offre américaine permet d’avoir une vue d’ensemble des différents modèles économiques. Tout d’abord, il y a les services de VOD, qui permettent de s’abonner, louer, acheter et graver sur DVD. Puis, les magasins hybrides qui allient commande en ligne et distribution postale. Viennent ensuite les magasins en ligne, de type iTunes Store. Enfin, les portails vidéos, qui offrent une plate-forme pour des contenus amateurs et professionnels.
Les modèles économiques varient, mais ils ont tous en commun un même défi : prouver à l’internaute qu’acheter ou louer un film en ligne est plus convivial et moins contraignant que de se déplacer au vidéo club. Ils doivent également rivaliser avec le téléchargement illégale qui demeure important.
Service de VOD
La spécificité et l’intérêt des services de VOD résident dans la large gamme des services proposés. CinemaNow représente la palette la plus complète avec 5 possibilités d’obtenir un film : l’abonnement, la location, l’achat, la possibilité de graver sur DVD et le contenu gratuit. Fondé en 1999, ce fut le premier site Internet à offrir le contenu des majors sur Internet et de graver le film sur DVD. Il a su développer les différentes formules attendues par les internautes, même s’il n’est toujours pas possible de transférer le contenu sur un baladeur numérique. Le service de location demeure le service le plus représenté.
Lorsque l’internaute loue un film, il a 30 jours pour commencer à le visionner, ou bien 24 à 48 heures après le début du visionnage. L’utilisateur ne peut voir le film que sur 1 ordinateur, qu’il peut désormais relier à son poste de télévision (avec l’Apple TV d’Apple ou le Media Center de Microsoft). Pour l’achat, il reçoit sur son ordinateur un fichier haute résolution qu’il peut lire sur jusqu’à 3 ordinateurs, et une copie basse résolution pour jusqu’à 2 baladeurs numériques. Il peut ensuite (avec Amazon Unbox et Movielink) effectuer une copie de sauvegarde sur DVD, lisible uniquement sur l’ordinateur ayant téléchargé le film. Avec CinemaNow, l’usager peut télécharger le DVD, le visionner sur l’ordinateur et graver une copie sur un DVD vierge qui peut ensuite être lu sur n’importe quel lecteur, avec toutes les options de navigation et bonus présents sur un DVD.
Les prix de l’abonnement mensuel varient grandement : entre $30 sur CinemaNow, $10 sur Vongo, et $8 sur MovieFlix. Par contre, le prix à la location semble avoir trouvé un équilibre, entre $3-4. Idem pour l’achat, qui se situe autour de $20 pour les nouveautés et passent ensuite à $10 pour les films plus anciens. La qualité de l’image varie également beaucoup entre les différents services : entre 1-3 Mb/s (ce qui ne permet pas d’avoir une bonne qualité en grand écran) et 25 Mb/s sur Amazon Unbox (qualité DVD).
Ces services de VOD correspondent à une tentative de la part des majors pour offrir une alternative légale et payante aux services de P2P qui étaient les premiers à offrir des films sur Internet. Ces sites correspondent au « Web 1.0 », sans réelle compréhension des attentes du nouveau public. Ainsi, le contenu gratuit n’est pas vraiment représenté. De plus, le choix proposé n’est pas très large. La compatibilité Mac-PC est également très rare ; seuls MovieFlix et BitTorrent permettent aux utilisateurs de Mac d’utiliser leur service. En outre, seuls Amazon Unbox et Peer Impact (seulement avec le contenu de Warner Bros) offrent la convergence vers les baladeurs numériques. Enfin, pas d’interaction possible, étant donné que les internautes ne peuvent pas laisser de commentaire ou proposer leur propres vidéos. Cependant, l’utilisation de la technologie P2P (avec Peer Impact et BiTtorrent) pour limiter les coûts de bande passante paraît très prometteuse.
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