Après avoir croulé sous les annonces liées aux bidules pliables et enroulables ces trois derniers jours, vu des smartphones plus ou moins pliés sous cloche et plié des smartphones pliables qui auraient dû rester sous cloche, le message est passé : voilà le futur. Pas content ? Il faudra faire avec. Et pourtant, derrière toutes ces annonces, une frustration immense revient sans cesse, celle de voir une industrie aux abois, incapable de prendre du recul ou de servir des usages avec des réponses technologiques.
Dès lors, elle a sauté sur la première occasion de mettre en avant une brique technologique tout juste sortie d’usine, la rangeant tant bien que mal dans la catégorie des smartphones. Erreur. Voilà pourquoi.
Qui souhaiterait être le cobaye de cette expérience, possédant un objet qui n’a du luxe que le nom, fragile et voué à être obsolète ?
Pourquoi vous n’achèterez pas de smartphone pliable
Ce ne sont pas des produits. Les smartphones présentés au MWC ou esquissés par les fabricants ne sont pas des produits. Ulrich Rozier, CEO d’Humanoid et cofondateur de FrAndroid a rappelé à juste titre que tout ce que nous avons vu jusqu’à aujourd’hui entre dans la catégorie des produits vitrine. Bref, des engins pour faire rêver. On peut aller plus loin : ce ne sont même pas des produits. Un produit vitrine, aussi luxueux soit-il, doit être un objet convoité. On considère par exemple qu’un smartphone haut de gamme, qu’on le nomme iPhone XS ou Galaxy S10, est un objet de désir onéreux qui pourra être satisfait raisonnablement avec des produits plus réalistes en termes de prix.
Les engins pliables ne sont pas désirables. En l’état, ils cumulent même les défauts : interface au mieux moyenne au pire détestable, situations absurdes, lacunes nombreuses, compatibilité inconnue avec des services populaires, résistance à prouver, conception étonnante… sans même évoquer leur prix. Qui souhaiterait être le cobaye de cette expérience, possédant un objet qui n’a du luxe que le nom, fragile et voué à être obsolète ? Les appareils qui se plient montrés au MWC se nommaient autrefois des prototypes ou, pour les moins prétentieux, des briques technologiques. Un constructeur venait ensuite se servir dans ces catalogues avec un véritable projet d’usage et en faisait un produit.
Ce ne sont pas des smartphones. Et c’est peut-être exactement cela qui va sauver la brique technologique « écran flexible ». Le marketing de la première heure a donné à ces engins de 1,1 cm à 1,7 cm d’épaisseur le rôle de remplaçant d’un smartphone. Même s’ils ont grandi et grossi, les smartphones aujourd’hui s’inscrivent fort heureusement dans le secteur de l’ultra-mobilité. Un engin carré de 8 pouces permettant d’utiliser confortablement du contenu multimédia a pourtant un nom : il s’agit d’une tablette tactile.
Et en ayant le FlexPai de Royole dans les mains, malgré tous les défauts de l’appareil et son absence de maturité certaine, on se prend à se projeter dans un futur où la tablette tactile pliable est un truc qui existe. Elle se range dans un sac pliée en deux ou dans la poche intérieure d’une veste et se déploie, dans le bus, le métro, le RER, le train, l’avion. Elle se déploie chez un client, en rendez-vous, en consultation… elle devient un écran externe mobile suffisant pour la plupart des usages poussés des contenus multimédias.
Elle n’a même pas besoin de toute la partie téléphonie : on peut utiliser Google Cast ou AirPlay pour envoyer du contenu qui a besoin d’une connexion 4G dessus et stocker le reste dans des applications ad-hoc. Pliée, elle donne un accès rapide aux modifications ou s’utilise dans des endroits où l’espace manque. Galaxy Fold et Mate X sont des tablettes tactiles qui s’ignorent.
C’est le secteur qui manquait à Android. Si l’on prend un peu de recul sur le marché de la mobilité, on ne peut que remarquer l’échec cuisant d’Android côté tablettes tactiles. Aujourd’hui, personne ne peut rivaliser avec la gamme Apple, qui propose tout autant de l’abordable qui frise l’excellence et du haut de gamme parfaitement bluffant. Depuis la sortie précipitée d’Android 3.0, le marché de la tablette sous l’égide de Google n’a pas percé ni convaincu. Avec ces engins pliables, il pourrait enfin trouver son segment.
Comme Microsoft l’a déjà évoqué à propos de son retour sur le mobile après l’échec Windows Phone, il reste, en 2019, des objets à inventer. L’objet numérique pliable est une invention, qui peut donner du sens à tout un secteur. C’est peut-être même tout ce que Google cherchait pour proposer une alternative concrète aux solutions d’Apple — on sait qu’Android se prépare activement, côté logiciel, aux appareils pliables.
Et pour la première fois, on aurait une rupture concrète et un territoire complètement vierge à explorer. En route ?
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