Nvidia vient d’annoncer la compatibilité « ray tracing » de la plupart des cartes GTX. Un changement de stratégie qui interroge.

À la sortie de ses cartes graphiques RTX 20XX, Nvidia tint à peu près ce langage : « Chers joueuses et joueurs, l’avenir du gaming passe par le ray tracing et seules nos cartes basées sur l’architecture Turing sont capables de faire tourner ces processus complexes ». Après un revers en bourse, attribué au désintérêt des mineurs de cryptomonnaies pour la gamme tout juste annoncée, Nvidia a changé de stratégie. D’abord, en annonçant des cartes GTX, sans le hardware pour le ray tracing mais tout de même sous architecture Turing : les 1660 et 1660 Ti, des modèles au demeurant excellents pour qui souhaite booster une configuration sans se ruiner.

Le 19 mars 2019, Nvidia annonce que, finalement, le ray tracing exclusif à la gamme RTX sera activé via un patch logiciel sur toutes les cartes graphiques à partir de la GTX 1060. Oui, même les cartes graphiques de précédente génération pourront profiter de quelques effets liés au ray tracing en jeu. D’après Nvidia, c’était la stratégie depuis le début et tout était prévu comme cela depuis longtemps.

Permettez-nous d’en douter et de formuler quelques hypothèses.

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  • Nvidia n’arrive pas à vendre le ray tracing aux développeurs. Aujourd’hui et ce depuis l’annonce des RTX, seulement trois jeux vidéo sont compatibles avec la technologie : Battlefield V, Shadow of the Tomb Raider et Metro Exodus. Et c’est tout. L’argument ray tracing perd donc un poil de son intérêt pour quiconque a terminé ces jeux ou n’est pas fan de FPS multi ou d’aventure. Dès lors, Nvidia a un souci : comment convaincre des développeurs qu’ils ne perdront pas de temps à implémenter la gestion du ray tracing dans leurs jeux ? Une réponse pourrait être d’augmenter artificiellement le parc de machines compatibles : plus de machines = plus de clients potentiels = meilleur marché pour les développeurs = plus de jeux compatibles = plus de clients.
  • Nvidia n’arrive pas à vendre le ray tracing aux joueurs. C’est l’hypothèse de nos confrères de The Verge. Le ray tracing étant une technique de pointe qui se montre sous son meilleur jour quand on a le jeu en main et n’est pas vraiment appréciable sur des screenshots ou des vidéos compressées, Nvidia pourrait avoir du mal à communiquer, ce qui entraînerait un désintérêt des joueurs pour cette tech. Quoi de mieux que leur donner une petite dose en live pour les convaincre ? C’est précisément ce que semble dire le communiqué : même avec les meilleures cartes graphiques GTX, vous ne pourrez pas profiter des meilleurs effets ray tracés et vous sacrifierez des FPS jusqu’à rendre vos jeux injouables (une 1080 Ti ne dépasse pas les 20 fps dans Metro Exodus). Mais si vous aimez ce que vous voyez, vous pouvez toujours investir dans une carte plus puissante — notamment la gamme RTX.

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  • Nvidia s’est trompé de combat. En mettant trop en avant le ray tracing comme la technologie au cœur de la gamme RTX 20XX, l’Américain pourrait avoir manqué une étape : une étude de marché pour savoir ce que les joueurs veulent vraiment. Et peut-être que les clients des cartes les plus onéreuses de la gamme actuelle (2080 Ti par exemple) achètent ces objets pour faire tourner des jeux sur des écrans 4K avec un haut taux de rafraîchissement, non pour avoir des éclairages et ombres plus réalistes. Dès lors, sortir le ray tracing de son statut d’exclusivité préparerait le terrain pour une offensive de communication plus concrète sur la 4K.

Quoi qu’il en soit, et même si l’on admet l’hypothèse de Nvidia qui estime que tout va bien dans le meilleur des mondes, ces changements montrent à quel point le secteur du GPU de gamer est en panne de concurrence. Année après année, Nvidia est imbattable et profite d’une position dominante presque acquise par défaut. Ses GPU sont les meilleurs, mais leurs déclinaisons sont aussi les moins chères ou celles avec le meilleur rapport qualité-prix. Quoi que vous puissiez chercher comme carte graphique, Nvidia a une solution pour vous — et nos tests ne sauraient dire le contraire.

Malheureusement, comme beaucoup d’entreprises en situation de quasi-monopole, Nvidia n’a personne pour lui opposer une résistance et des choix technologiques forts et maîtrisés qui pourraient le faire douter. Alors oui, le ray tracing est une belle technologie et son avenir dépendra de son adoption par les développeurs et les joueurs… qu’importe les errements de communication autour du matériel qui pourra le faire tourner.

Difficile, commercialement, d’en vouloir à une entreprise qui fait bien son travail et propose de bons produits. C’est bien plutôt notre appétit technologique qui veut qu’on le nourrisse.

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