La descente aux enfers se poursuit pour Boeing, mais aussi pour la Federal Aviation Administration (FAA) dans l’affaire du 737 MAX.
Alors qu’il a déjà été établi que des pans entiers du processus de certification de l’avion ont été délégués au constructeur aéronautique, ce qui a placé de manière aberrante la société dans une position de juge et partie, de nouveaux éléments sortis dans la presse américaine pointent cette fois-ci le niveau insuffisant de préparation des inspecteurs de la FAA — la direction de l’aviation civile américaine.
C’est ce que révèle un courrier publié le 2 avril sur le site du Sénat outre-Atlantique, signé par Roger F. Wicker, un élu qui préside la commission sénatoriale du commerce, des sciences et des transports. Dans celle-ci, le parlementaire évoque des renseignements provenant de plusieurs lanceurs d’alerte à propos « d’une formation insuffisante et d’une certification inadéquate » des inspecteurs de la FAA.
L’impréparation des équipes de la FAA concerne notamment des employés qui étaient au sein du groupe d’évaluation du 737 MAX.
Autre coup porté à la crédibilité de la FAA, la missive suggère que la direction de l’aviation civile n’a rien fait — ou tout du moins pas fait assez — face aux mises en garde internes. « Selon les renseignements obtenus de lanceurs d’alerte et un examen des documents obtenus par la commission, la FAA pourrait avoir été avisée de ces lacunes dès août 2018 ». Une enquête interne aurait pourtant eu lieu dernièrement.
Certification ratée du 737 MAX
Pour ne rien arranger, ce seraient certains de ces inspecteurs décrits comme mal préparés qui auraient été amenés à établir les exigences à satisfaire pour qualifier un pilote sur 737 MAX. Or, leur rapport « a déterminé que les pilotes titulaires d’une qualification sur 737 n’avaient pas besoin d’une formation supplémentaire pour piloter un 737 MAX, et aucun document additionnel n’a été ajouté au manuel d’exploitation du 737 MAX concernant le MCAS », lit-on encore dans le courrier.
Le MCAS signifie Maneuvering Characteristics Augmentation System. C’est un système qui sert à stabiliser un 737 MAX en vol. Or, outre le fait que le MCAS aurait normalement dû être certifié par la FAA — mais c’est Boeing qui s’en est chargé, ce qui l’arrangeait pour des raisons économiques –, l’existence de ce système automatique n’a pas été signalée aux pilotes.
Depuis, une réponse logicielle pour mieux encadrer le MCAS est dans les tuyaux, mais pour l’instant, la copie n’a pas été jugée satisfaisante par la FAA.
Formation et documentation manquantes
De fait, aucune formation n’a donc eu lieu pour acclimater l’équipage avec ce dispositif — ce qui est aujourd’hui en train de changer, puisque deux catastrophes aériennes ont eu lieu en l’espace de quelques mois. On sait aussi que des représentants de pilotes de deux compagnies aériennes américaines s’en sont plaints l’an dernier après le premier crash.
Récemment encore, un pilote de ligne américain a témoigné auprès de Quartz, sous couvert d’anonymat, sur ce point. Pas à l’aise avec le niveau de formation avant de prendre les commandes d’un 737 MAX pour la première fois, il raconte avoir demandé plus de formation. Néanmoins, il déclare avoir eu du mal — et estime même avoir été la cible d’une forme de réprimande.
Les éléments relayés par le Sénat américain étaient partiellement connus dès la mi-mars, mais ils soutiennent un peu plus l’idée que les crashs survenus en octobre et en mars ont été pour partie causés par l’impréparation des équipages et le manque de documentation au MCAS — outre le fait que celui-ci était en partie défaillant, avec des problèmes de données contradictoires venant des capteurs.
Avec une formation adéquate des pilotes de ligne, la rédaction d’une documentation sur l’existence et le rôle du MCAS, la généralisation de dispositifs de sécurité vendus en option auraient-ils pu changer les faits tels qu’ils se sont produits ? On ne pourra pas refaire l’histoire. Mais de ces deux drames pourrait jaillir une réforme nécessaire du secteur aérien et des procédures visant à le superviser.
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