Qui dirige la stratégie économique des médias numériques ? S’agit-il comme trop souvent des avocats, ou comme ça devrait l’être, des professionnels du marketing ? La 20th Century Fox nous prouve par l’exemple l’absurdité du droit d’auteur lorsqu’il sert d’arme automatique.

Nous sommes en août 2006. Il fait chaud, les studios américains enregistrent comme chaque été des records de fréquentation dans les salles de cinéma, et les filles sont belles. Mais dans les bureaux des armées de juristes recrutés par les professionnels d’Hollywood, on se prépare à la croisade. YouTube n’a pas encore été racheté à prix d’or par Google, et déjà le site de vidéo communautaire inquiète le petit monde du cinéma. Jamais un site n’avait grimpé aussi vite en réputation et en fréquentation. Il faut mâter le diable avant qu’il nous emporte, avant que ça ne soit trop tard.

Voilà donc l’ambiance dans laquelle le groupe de rock comique Guyz Nite sort sur YouTube sa chanson Die Hard. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un hommage à la série des films qui ont fait la carrière de Bruce Willis. Et comme toute chanson qui se respecte sur YouTube, les artistes en herbe ont joint la vidéo à la musique. Des extraits des trois épisodes de Die Hard mis bout à bout pendant les quelques trois minutes que dure la chanson. Rien qui, a priori, puisse causer un quelconque préjudice au studio 20th Century Fox, propriétaire des droits. Pourtant, le service juridique de la Fox exige de YouTube le retrait de la vidéo. Souhait formulé, volonté exécutée. La vidéo disparaît dans les oubliettes numériques.

Quand les avocats font payer le service marketing

Oops. Le département juridique du studio n’a pas pensé une seule seconde (ça n’est pas ce qu’on lui demande) qu’il y avait un Die Hard 4 en préparation, et que peut-être sait-on jamais cette vidéo aurait pu ne pas causer préjudice au film, voire même, sait-on jamais, participer à sa promotion. Résultat, en février 2007, le département marketing du studio contacte les Guyz Nite et les paye pour remettre la vidéo en ligne ! Avec tout de même, des extraits de Die Hard 4 en plus.

« Nous protégeons aggressivement notre propriété intellectuelle, mais nous recherchons, nous accueillons et nous soutenons les voix créatives sur Internet, et dans ce cas précis nous avons vraiment aimé ce qu’ils ont fait et nous les soutenons« , a indiqué au New York Times Chris Petrikin, le porte-parole du studio. « Nous avons senti que ça pourrait être gagnant-gagnant de rendre la vidéo officielle et si nous pouvions aider à sa promotion« .

De quoi ajouter encore plus d’insécurité pour les créateurs d’œuvres dérivées. A partir de quel degré de créativité une vidéo passera-t-elle le cap du « bon à soutenir », en dessous duquel restera-t-elle sous les oubliettes ? Et quid du facteur « chance » de la popularité ou non d’une œuvre dérivée ?

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