Quand une bulle s’auto-alimente, c’est souvent le début de la fin. L’internet de la fin des années 1990 en était presque mort, avec des sites par centaines qui se finançaient grâce aux publicités achetées par les sites suivants, et ainsi de suite… En bout de course personne n’avait établi un véritable business model mais la pyramide s’était formée avec à son sommet ceux qui étaient arrivés les premiers.
L’enthousiasme autour de Second Life rappelle la bulle de l’internet et paraît chaque jour plus délirant que le précédent. Il faut dire que Linden Lab a réussi un coup de maître en mettant au point cet univers virtuel qui s’auto-alimente de buzz et de marketing pour se convaincre lui-même de son utilité. Ne voyait-on pas la semaine dernière une jeune pousse de l’e-marketing racheter la représentation virtuelle de la ville de Paris pour y placer ses annonces et ainsi démontrer à ses annonceurs que Second Life est un endroit où acheter de la pub ? La presse, évidemment, en rafole. On ne compte plus les reportages sur le sujet, que ça soit à la télévision, dans les magazines ou dans la presse papier. Rarement à la radio. Pourquoi ? Parce que Second Life peut être vu et démontré. Son univers immergé en 3D permet de prendre des photos, de montrer les images au 20H de Claire Chazal, autant de choses que le web de l’écrit, du chat IRC et des pages web ne permettaient pas de faire. La presse a envie de croire en Second Life et alimente le buzz pour se convaincre elle-même.
Les marketeurs ont envahi le terrain, à commencer par les maisons de disques et les artistes qui veulent s’y produire en « concert ». Mêmes les politiques convaincus par le gourou Loïc Le Meur ont cédé à la mode et se sont prêtés au jeu le temps des élections. Récemment, Accenture y organisait une grande foire au recrutement (surtout pour faire parler de lui dans les médias, opération réussie), et l’on apprend même aujourd’hui que la police de Vancouver va débarquer sur Second Life pour y trouver ses nouveaux officiers ! Où s’arrêtera-t-on ?
Vous avez dit « bulle » ?
En dehors de ceux dont il nourrit la communication ou ceux qui en vendent, Second Life ne semble pas bénéficier d’un large plébiscite de la part des internautes eux-mêmes, malgré une couverture médiatique unique. Dans le classement des 10 jeux massivement multijoueurs les plus fréquentés, SL n’apparaît qu’en dernière position, avec 500.000 « joueurs actifs ». Mais qu’appelle-t-on des joueurs actifs ? D’après les chiffres officiels de Linden Lab, le jeu compte à ce jour 7,7 millions de « résidents ». En langage lindenien, il s’agit de simples utilisateurs à s’être inscrits. En fait, la population réellement active est beaucoup plus faible. A l’heure où nous écrivons ces lignes, il n’y a que 25.000 internautes connectés sur le monde virtuel. Ces deux derniers mois, moins de 1,8 million se sont connectés à Second Life.
Autour de nous, ceux qui utilisent Second Life au quotidien se font discrets. Tout le monde critique sa mise en œuvre technique (le moteur est très lent, les graphismes d’un autre âge…), et rares sont ceux qui y voient un intérêt réel. Un chercheur émérite nous confiait par exemple récemment au sortir d’une conférence où il vantait entre autres les qualités théoriques de Second Life qu’il ne comprenait pas à titre personnel l’engouement pour cet univers. Comme tant d’autres, il participe à un buzz collectif sans s’y adonner personnellement. Des exemples comme celui-ci, nous en voyons chaque semaine.
Cette bulle finira-t-elle par éclater, ou Second Life va-t-il finir par force d’auto-persuasion à créer un véritable univers qui dépasse les frontières des marketers ? Pour le moment, peu d’indices laissent penser à un avenir brillant pour Second Life. N’en déplaise aux médias.
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