Le mois dernier nous rapportions les données de Ellacoya Networks, qui estimait à seulement 37 % la part du P2P dans le traffic mondial, contre 65 % il y a deux ans. Mais en deux ans, le niveau global d’utilisation de la bande passante a fortement augmenté avec le développement des lignes à haut débit et l’explosion des services de partage de vidéos sur Internet, grands consommateurs de bande passante. Fallait-il donc voir dans les chiffres de Ellacoya le signe d’un déclin réel du P2P ou un trompe l’oeil sur l’état des volumes d’échanges sur les réseaux P2P ?
Ni l’un ni l’autre, si l’on en croit les données communiquées par Big Champagne à Ars Technica. Le spécialiste de la mesure d’audience sur les réseaux P2P constate qu’entre mai 2006 et mai 2007, le nombre d’internautes connectés simultanément sur les réseaux P2P est passé en moyenne de 9 millions à 9,35 millions de P2Pistes simultanés. La progression est donc presque nulle sur les douze derniers mois, alors qu’elle avait été de 32 % en 2004 et de 25 % en 2005. « C’est comme pour les e-mails« , estime Eric Garland, le PDG de Big Champagne. « Pendant plusieurs années la population qui utilisait des e-mails a très fortement augmenté. Une fois que tous ceux qui voulaient l’e-mail ont eu l’e-mail, la croissance s’est tassée« .
Forte croissance de BitTorrent et des newsgroups
En parallèle, Eric Garland indique que « nous avons constaté une croissance réelle et très importante dans l’utilisation de BitTorrent » (il n’est pas très clair dans l’article d’Ars Technica si BitTorrent est inclus dans les chiffres globaux du P2P, ou si Big Champagne le traite séparemmet, ce qui ne serait pas si illogique que cela…). Pour un torrent moyen, le nombre d’utilisateurs participants à la diffusion du contenu visé a augmenté de 66 % entre mai 2006 et mai 2007, passant de 817.588 internautes à 1,357 millions de seeders/leechers. Une tendance forte à la hausse déjà ressentie avec les chiffres impressionants de Mininova.
Dans le détail, il semble que la musique soit en pleine croissance sur BitTorrent. Ce réseau qui est plutôt destiné à la diffuion des gros fichiers est même selon Garland « l’endroit le plus populaire pour télécharger des albums« . Méfiance toutefois, l’américain Big Champagne a la réputation de négliger énormément le P2P européen, qui s’appuie selon nous beaucoup plus sur eMule pour le téléchargement de musique que sur BitTorrent.
Enfin, Big Champagne rejoint les données de Ellacoya en constatant également une forte augmentation du traffic sur les newsgroups, devenus un refuge payant mais performants pour les déçus du P2P ou pour ceux qui craignent la répression judiciaire. Contrairement au P2P où il est simple de savoir qui télécharge quoi en s’insérant dans un réseau de pairs, le téléchargement sur les newsgroups ne peut être détecté que par le FAI et par le prestataire qui héberge le serveur Usenet.
Reste que le tassement du P2P ne doit pas être une surprise au regard du peu d’évolutions techniques et fonctionnelles dont ont fait preuve les développeurs ces deux dernières années. L’année 2006 a été particulièrement vierge de renouveau pour le peer-to-peer, qui n’a pas trouvé de fonctionnalités sociales performantes pour rivaliser avec les services web 2.0 accessibles directement depuis les navigateurs. C’est sans doute là la principale victoire de l’industrie du disque qui, en attaquant en justice les créateurs de logiciels de P2P commerciaux, a asséché la créativité des éditeurs. Les créateurs open-source, eux, ont semblé manqué de motivation ou d’imagination.
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