Après YouTube puis le CEO de Twitter, c’est au tour d’Instagram de réfléchir au bouton « like ». Un test a été conduit mi-avril auprès de quelques bêta-testeurs. On y aperçoit une interface où le nombre de petits cœurs laissés sous chaque contenu est caché. Il est impossible de savoir combien il y en a eu en tant que simple abonné : seules les personnes qui ont publié l’image ont accès à cette donnée.
Le test est conduit, selon Instagram, pour que les abonnés puissent se concentrer sur les publications partagées et non sur le nombre de likes. D’autres réseaux sociaux ont réfléchi au fait de cacher le nombre, voire au fait de supprimer complètement le bouton « j’aime ». Il semble pourtant difficile de s’en passer : sans cet outil de mesure, il faudrait repenser les algorithmes de recommandations, voire les réseaux sociaux dans leur ensemble.
Des campagnes de pouces rouges pour harceler
Le soudain désamour envers les likes date d’il y a quelques mois. En février 2019, les équipes techniques de YouTube ont dit réfléchir à ne plus afficher le nombre de likes et dislikes pour les utilisateurs (le vidéaste lui, pourrait toujours les voir), voire à supprimer ces boutons.
Cette idée faisait suite à des messages inquiets de vidéastes à propos des campagnes de dislikes. Ceci consiste à mettre un maximum de pouces vers le bas sur une vidéo afin de témoigner de son mécontentement. Ironiquement, la vidéo YouTube qui compte le plus de pouces négatifs a été publiée par… YouTube. Il s’agit du Rewind (une vidéo compilant les moments forts de l’année écoulée) 2018. Elle compte 2,6 millions de likes et 16 millions de dislikes.
De telles campagnes peuvent avoir de lourdes conséquences pour les vidéastes, surtout les plus petits qu’ils n’ont pas une communauté suffisamment importante pour les contre-balancer. Plus une vidéo est dislikée, moins elle est susceptible d’apparaître dans les suggestions.
Quel rôle ont ces pouces ?
Dans un article du Guardian, on apprenait en effet que les algorithmes de recommandations de YouTube prennent en compte la « satisfaction » des utilisateurs, ce qui comprend le nombre de pouces laissés sous une vidéo.
Guillaume Chaslot, un chercheur qui a beaucoup étudié les algorithmes de YouTube, avait confirmé l’impact des mentions « j’aime » ou « je n’aime pas » dans un article publié sur Medium, même si il expliquait qu’il semblait moins important que d’autres critères comme le temps de visionnage.
Ceci pose d’autant plus question que les campagnes de pouces vers le bas sont devenues une véritable composante du cyberharcèlement, au même titre que les insultes.
Les équipes techniques de YouTube ont proposé une solution alternative à la suppression des pouces, qui pourrait faire office de juste milieu. Il s’agirait d’obliger les utilisateurs à justifier ceux pointés vers le bas. Est-ce que la vidéo ne contenait pas les informations attendues ? Est-ce qu’elle contient des propos problématiques ? Un système similaire existe déjà sur la plateforme lorsqu’une vidéo suggérée en page d’accueil ne nous plaît pas : on peut la retirer des suggestions, mais il faut expliquer pourquoi à YouTube.
Des internautes ont aussi émis une autre idée : ne pouvoir mettre un dislike que si l’on a déjà regardé 25 % de la vidéo.
Des contenus appauvris à cause des likes ?
Twitter ou Instagram n’ont jamais incorporé de bouton dislike, et n’ont pas pour projet de le faire. Les motivations sont de fait un peu différentes. Pour Instagram, il s’agirait de revenir à des contenus plus authentiques, et de ralentir sûrement un peu la course aux likes.
Pour le CEO de Twitter, Jack Dorsey, il faudrait à la fois retirer le bouton pour aimer un tweet (qui avait remplacé le bouton « favoris » en forme d’étoile en 2015) et le compteur de nombre d’abonnés. Ils « pervertiraient » les utilisateurs de la plateforme en favorisant les publications qui ne sont pas « saines ».
Twitter a un problème avec la « qualité des conversations »
Twitter a un problème avec la « qualité des conversations », selon Jack Dorsey. Cela comprend « les abus, le harcèlement, les tentatives de manipulation, les actions coordonnées automatisées, et la désinformation ». Le réseau social est souvent mis en cause pour sa toxicité et le harcèlement qui a lieu sur la plateforme. Ce sont davantage les méthodes de modération que le nombre de likes qui sont mises en cause. Le fait de cacher ce nombre pourrait toutefois dissuader certains utilisateurs d’être insultants ou provocants, ce qui peut conduire à du harcèlement.
Les likes sont au cœur des algorithmes
Tout comme YouTube, Instagram et Twitter comptent fortement sur les likes pour faire vivre leurs plateformes. Depuis plusieurs mois, ces deux plateformes sont passées d’un fil d’actualité chronologique à un fil d’actualité personnalisé. Pour qu’il fonctionne, les plateformes ont impérativement besoin d’outils de mesure : les « j’aime » en font partie.
Début 2018, Instagram expliquait comment fonctionnent ses algorithmes à TechCrunch. L’engagement des utilisateurs y a une place primordiale : les contenus sur lesquels on clique, ceux que l’on aime ou commentent déterminent ce que l’on verra sur l’application. C’est ainsi que la plateforme fidélise ses utilisateurs, satisfaits des contenus proposés.
N’est-il pas hypocrite de fait, de dire que les likes ne sont pas la chose la plus importante sur le réseau social, quand lui-même en fait l’un de ses 3 critères principaux de recommandations ?
De la même façon, Twitter persiste à vouloir imposer son fil d’actualité par intérêts, même lorsque ses utilisateurs réclament le retour définitif du fil chronologique — les deux sont aujourd’hui disponibles. Le fil non-chronologique met en avant des tweets ayant généré beaucoup d’engagement, c’est-à-dire très partagés ou très likés. Et si la plateforme les met en avant, ce n’est pas uniquement pour satisfaire ses utilisateurs : cela donne aussi l’impression qu’il se passe des choses importantes sur le réseau social, et cela pousse à vouloir y rester. S’ils supprimait les likes, Twitter devrait repenser la manière dont sa plateforme fonctionne aujourd’hui.
Les réseaux sociaux qui fonctionnent sans likes ou bouton similaire sont aujourd’hui minoritaires. Facebook a ses « j’aime », Reddit ses flèches, TikTok ses petits cœurs. Snapchat est probablement le seul qui a eu un réel succès sans avoir recours à un tel procédé…
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