La méthode est à la fois simple et très efficace. Les enquêteurs de l’AGP surveillent les réseaux, recoupent ces informations avec les IPs danoises, et lorsqu’ils constatent le partage de fichiers illégaux par leurs concitoyens, demandent à un juge d’ordonner au fournisseur d’accès de leur dévoiler l’identité de l’utilisateur.
Les éléments probants apportés devant le juge ne sont que de simples captures d’écran montrant, par exemple, la liste des fichiers partatés par l’utilisateur sous KaZaA.
Chacun des utilisateurs ainsi visé s’est vu facturé 16 euros par CD et environ 60 euros par long métrage. S’ils payent maintenant et suppriment ces contenus illicites, le montant est divisé par deux et ils échapperont à la sanction pénale. Ceux qui ne payent pas seront traduits devant un tribunal.
Tout ceci n’est pas sans poser quelques questions sur la légalité du procédé, et sur la réalité des menaces judiciaires qui pèsent sur ceux qui refuseraient de payer.
Quels risques en France ?
Nous ne prétendons pas faire ici une analyse parfaitement juste et éclairée de la légalité de ces procédures en France, mais il nous apparaît important d’y apporter notre point de vue.
En France nous n’avons pas de Anti-Pirat Gruppen, mais principalement deux services d’enquêtes spécialisés :
- Le SEFTI (Service d’Enquête des Fraudes aux Technologies de l’Information), créé en 1994, dépendant de la Police judiciaire de la Préfecture de Police de Paris, régulièrement saisi des faits de contrefaçons et de copies de MP3.
- La BCRCI (Brigade Centrale de Répression de la Criminalité Informatique), également créée en 1994, rattachée à la Direction Centrale de la Police Judiciaire, que l’on pourrait décrire comme le pendant provincial du SEFTI.
Ces deux services sont tenus de respecter la légalité des procédures, ce qu’ils ont réputation de faire.
A plusieurs reprises, la jurisprudence nous a démontré que les données contenues dans l’ordinateur d’un particulier étaient de nature privée, et étaient donc protégées en ce sens par l’article 9 du code civil (« Chacun a droit au respect de sa vie privée« ).
Les fichiers partagés sur un réseaux P2P ne sont généralement visibles que dans trois cas :
1. Si l’on télécharge un fichier chez l’utilisateur
2. Si l’utilisateur télécharge un fichier chez soi
3. Si l’utilisateur a été placé comme « ami » dans une liste de contacts (ou Buddy List)
Dans ces trois hypothèses, l’utilisateur qui partage et l’utilisateur qui consulte la liste des fichiers sont dans une relation de nature privée, qui interdit toute qualification de flagrant délit.
Dès lors, par son caractère de violation de la vie privée, le fait d’établir comme l’ont fait les services danois une liste des fichiers partagés par un utilisateur constituerait une perquisition. Les perquisitions en France, hors délit flagrant, sont protégées par des règles de procédures strictes parmis lesquelles la nécessité de l’obtention d’une commission rogatoire (sorte de mandat) délivrée par le juge d’instruction.
Ce n’est donc pas après l’établissement d’une liste de fichiers partagés que devrait être consulté un juge, mais avant, afin obtenir l’autorisation de procéder à une telle enquête. Ce qui peut apparaître là comme un détail est en réalité un point clé, puisque la commission rogatoire ne sera délivrée qu’en cas de doutes légitimes et sérieux, et dirigée non pas vers l’ensemble des utilisateurs d’un réseau mais vers une ou plusieurs personnes visées par une enquête.
Ainsi pour conclure, il nous paraît peu probable que des mesures similaires soient prises en France tant elles seraient glissantes pour les autorités judiciaires. De plus si cette analyse s’applique en droit danois (ce dont nous ne savons rien), elle pourrait expliquer le fait que la plainte soit suspendue au non paiement des « factures », puisqu’il y aurait de fortes chances pour que la procédure suivie par l’AGP soit annulée par le tribunal.
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