Mise à jour du 27 mai : la page Ulule pour concrétiser ce projet de renaissance du Nabaztag est en ligne. À l’heure où ces lignes sont écrites, avec plus de 90 % de la somme récoltée, on imagine que le financement participatif sera un succès.
Article original : En 2005, Apple n’avait pas sorti d’iPhone, Android n’existait pas, les assistants connectés étaient à l’état de science-fiction et Amazon promettait de changer le monde en vendant des livres par Internet (sans frais de port !). C’est pourtant en 2005, en France, qu’est né le Nabaztag, un objet au nom improbable, à la forme de lapin tout aussi improbable et qui a eu à la fois une histoire et un destin hors du commun — préfigurant tout à la fois le meilleur et le pire des objets connectés.
Le concept de Nabaztag paraît rudimentaire à l’heure où le moindre objet vient avec des fonctions connectées et d’assistance. Dans une époque où on nous dit qu’un vélo électrique a besoin d’une application sur smartphone pour démarrer, qui sera surpris par un gadget en forme de lapin qui remue les oreilles, s’allume et fait office d’enceinte reliée à un PC ? Tout au mieux passera-t-il pour un projet brillant d’étudiant en électronique.
Et pourtant en 2005, quand la première version des Nabaztag sort, tout cela est nouveau. Imaginez : ce petit objet mignon posé sur votre bureau fait office de notification pour vos mails entrants, vous donne la météo, connaît le trafic, lit des podcasts et vous raconte des blagues ! Alexa n’a qu’à bien se tenir. En plus, le petit lapin peut communiquer avec les autres lapins par un mouvement d’oreille devenu iconique. Bref, il n’en fallait pas plus aux technophiles de l’époque pour adopter l’engin, vendu à 150 000 exemplaires.
Un succès d’estime, loin des millions de ventes des objets connectés actuels, mais qui crée une véritable communauté autour du lapin français. Bidouilleurs et autres passionnés utilisent les API (interfaces de programmation) de l’engin pour lui trouver d’autres fonctionnalités. Nabaztag a même fait l’actualité artistique en 2009 pour un opéra conçu pour 100 d’entre eux, par Antoine Schmitt et Jean-Jacques Birgé. Pour ce Nabaz’mob, les artistes ont utilisé toutes les options disponibles sur les lapins pour les faire danser et rayonner.
Mais en 2009, le Nabaztag est déjà dans la tourmente. En panne d’idées et de financements, la société Violet à l’origine de Nabaztag est placée en liquidation judiciaire. Ses actifs sont revendus à une entreprise, nommée Mindscape. Mais en 2011, Mindscape affirme ne plus pouvoir supporter les coûts, la maintenance et l’entretien des serveurs qui font tourner les lapins et menace de les fermer dès le mois de juillet. Avant l’ultime affront qui condamnera beaucoup d’objets connectés, Mindscape prend la décision salvatrice de libérer les sources du lapin : libres aux utilisateurs et aux passionnés de reprendre le développement de l’engin ou de créer des solutions pour que les Nabaztag puissent continuer à fonctionner.
Le lapin change une nouvelle fois de mains en finissant dans le portfolio de l’entreprise alors française Aldebaran (depuis contrôlée par le Japonais Softbanks). Ne sachant que faire de Nabaztag, elle ferme définitivement les serveurs des lapins et de ses successeurs en 2015. Le Nabaztag avait alors deux existences parallèles : l’officielle et celle des passionnés continuant les projets depuis 2012. Il est probable que le grand public qui s’était laissé convaincre n’ait pas eu le courage et la patience des plus avertis pour maintenir le lapin en vie.
2019, l’année du mea culpa
Mais alors pourquoi Nabaztag revient-il dans l’actualité en 2019 ? Eh bien dans une sorte de mea culpa technologique, pointant du doigt les services dont le bon fonctionnement dépend de serveurs centralisés (et donc de la bonne santé économique d’une entreprise qui les gère), Olivier Mével, créateur du lapin, a décidé de le faire renaître de ses cendres. Ce qui n’était au départ qu’un projet nostalgique lors d’une Maker Faire est devenu un début de projet commercial : un kit facile à installer sur un lapin Nabaztag et fondé sur un Raspberry Pi qui permet à l’objet de retrouver ses fonctionnalités sans avoir besoin de serveur. Une reconnaissance vocale a été ajoutée, pour faire avec les envies de notre époque — elle est exécutée en local, évidemment.
L’ensemble du projet TagTagTag, open source, sera détaillé lors de la mise en ligne d’un financement participatif sur Ulule le 27 mai 2019. Plusieurs kits seront disponibles :
- La carte TagTagTag seule à 65 €, à laquelle il faudra ajouter un Raspberry Pi Zero WH (si vous en avez déjà un).
- La carte et le Raspberry à 85 € : c’est le kit tout en un prêt à être installé.
- Un Nabaztag équipé de la nouvelle carte à 300 €.
En plus de permettre aux anciens utilisateurs qui avaient transformé leur lapin en presse-papier de retrouver facilement un usage sans bidouille de leur objet, espérons que TagTagTag serve de leçons aux startups d’aujourd’hui. En effet, les objets connectés dépendant de serveurs centralisés semblent tous, aujourd’hui, suivre le même chemin quand la startup met la clef sous la porte : une désactivation des serveurs qui rend les objets inutiles. L’ouverture des sources et le kit de conversion à venir font finalement de Nabaztag un objet repenti dans les sombres histoires de l’internet of shit.
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