C’est une annonce surprenante de la part de Qwant, qui a fait de la souveraineté numérique l’un de ses chevaux de bataille. L’entreprise annonce resserrer ses liens avec Microsoft, enlevant le M de sa lutte « contre les GAFAM ». Mais elle assure que la vie privée de l’internaute n’est pas remise en cause.

Qwant, qui s’efforce de devenir le champion européen de la recherche sur le web face à l’omniprésent Google, vient d’accroître sa dépendance à Microsoft. Au risque d’affaiblir le discours de son PDG, Éric Léandri, sur la souveraineté numérique, alors qu’il s’agit d’une préoccupation centrale depuis les révélations d’Edward Snowden — preuve en est avec la récente commission d’enquête au Sénat.

Contre toute attente, le moteur de recherche français a annoncé ce vendredi 17 mai sa décision de recourir aux infrastructures du géant américain, bien qu’il soit aussi un rival dans la recherche en ligne : en effet, Microsoft opère Bing, un moteur de recherche qui lui aussi essaie de tailler des croupières à Google. Mais dans ce domaine, l’ennemi de mon ennemi est mon ami (et dans le cas de Qwant c’est encore plus vrai).

Des liens qui se resserrent

Concrètement, Qwant va recourir à Microsoft Azure en appui de ses propres serveurs. Azure est la solution maison de Microsoft en matière de cloud. Les entreprises clientes bénéficient alors d’une capacité de stockage et d’une puissance de calcul revues à la hausse, sans avoir besoin de construire et de maintenir leur propre installation. Qwant justifie cela par sa « forte croissance annuelle ».

De fait, le recours à Microsoft doit répondre aux déboires que connait Qwant depuis quelques années concernant la disponibilité du service. Si les incidents étaient manifestement assez rares avant 2017, plusieurs soucis ont été relevés en 2018 (en mars, en avril, en mai, en octobre). Certes, c’est bon signe parce que le moteur connait un succès croissant (à relativiser : (0,65 % en France, non calculé en Europe) mais celui-ci peinait à être absorbé.

Le fait est que Qwant s’en remet déjà à Microsoft et pas pour des activités accessoires : si Qwant utilise « de plus en plus » (proportion non divulguée) ses propres outils pour indexer le web, il est encore obligé de compléter ses résultats avec ceux de Bing — un partenariat de longue date avec Microsoft. Un autre accord existe avec la firme de Redmond pour la partie publicitaire. Ces deux liens sont rappelés dans le communiqué de Qwant.

Régions Microsoft Azure

Les régions Azure.

Source : Microsoft

Un mouvement discuté

L’annonce de la nouvelle a évidemment suscité quelques réactions. Sur Twitter, le député Éric Bothorel, qui est membre de la commission des affaires économiques et figure dans quelques groupes d’études sur le numérique (il est notamment le vice-président de celui consacré à la souveraineté numérique) attend des précisions qui vont certainement dissiper quelques inquiétudes.

« Je pense que Qwant apportera des précisions pour lever toute ambiguïté qui laisserait à penser que cela signifierait un abandon de souveraineté et de son modèle. Le reniement n’étant pas le vocabulaire d’Éric Léandri, j’ai confiance. Plus de puissance n’est pas outsourcer », déclare-t-il. Dans son communiqué, Qwant déclare en tout cas garder la main sur sa technologie, même si elle tourne ailleurs.

« Qwant reste maître de sa technologie, y compris son algorithme, son index et son infrastructure clients, sans collecte de données personnelles », lit-on dans l’annonce. La confidentialité des recherches passées par les internautes et l’absence de recueil des données personnelles, c’est-à-dire la défense de la vie privée en ligne, constituent l’autre grand versant de la stratégie de Qwant pour se démarquer.

La pilule risque toutefois de passer avec difficulté auprès de celles et ceux qui sont vent debout contre les géants (américains) du net et qui avaient basculé sur Qwant, heureux de voir une initiative continentale prendre de l’ampleur et apparaître comme une alternative possible. En outre, le mouvement risque de décontenancer tous les acteurs institutionnels qui ont basculé ces derniers mois sur Qwant.

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Et pour l’internaute ?

Alors, pourquoi un acteur américain et pas une solution française, voire européenne ? À en croire Éric Léandri, cité par Les Échos, il n’y a pas personne sur le Vieux Continent pour fournir l’infrastructure adaptée aux besoins de Qwant. « OVH n’a pas la puissance pour un moteur de recherche », a-t-il estimé, malgré le développement remarquable qu’a connu l’hébergeur français ces dernières années.

Reste une question : Microsoft pourra-t-il voir les requêtes des internautes passant par Qwant ?

À en croire le moteur de recherche français, non. Autrement dit, il faut comprendre que la promesse de Qwant concernant la défense de la vie privée n’est pas fondamentalement trahie. Qwant aurait même fait appel à la CNIL et à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) pour s’assurer de la fiabilité de son dispositif, rapporte Le Figaro.

Des tests de sécurité et des vérifications en pagaille ont été réalisés pour voir si Microsoft pouvait remonter jusqu’à l’historique de recherche et ainsi compromettre l’anonymat des internautes. Quant aux pages présentées comme les plus sensibles, notamment celles des espaces internes de clients professionnels, elles seront exclusivement traitées sur les serveurs opérés par Qwant.

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