La France n’est pas le seul pays à s’organiser pour le coup d’envoi de la 5G. Tout autour du monde, les gouvernements, les autorités de régulation, les opérateurs télécoms et les équipementiers établissent leur plan de bataille national pour bénéficier de l’ultra haut débit mobile. Les États-Unis aussi. Seulement, le pays pourrait se retrouver face à un problème de sécurité civile.
Ce sont les patrons de l’agence spatiale (NASA) et de l’agence d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) qui ont tiré la sonnette d’alarme, rapporte le Washington Post. Ils craignent que l’exploitation de certaines fréquences pour la 5G ne réduise les capacités de prévision météorologique de l’Amérique. Ce serait même un retour de quarante ans en arrière dans l’anticipation, dit le patron du NOAA.
Pour un pays comme les États-Unis, c’est particulièrement grave : le territoire est chaque année exposé aux cyclones tropicaux qui naissent dans l’océan Atlantique et qui remontent le golfe du Mexique, ravageant au passage les Caraïbes et la côte sud-est des USA. D’une année sur l’autre, on dénombre quelques dizaines à plusieurs milliers de morts, et bien plus de déplacés.
Et l’on ne parle même pas des tornades, qui apparaissent fréquemment dans le centre du pays et qui sont responsables aussi de nombreux morts, blessés et déplacés.
Les fréquences qui posent problème sont celles qui sont au début du segment des ondes dites millimétriques — elles sont appelées ainsi parce que l’écart entre deux crêtes va d’un centimètre à un millimètre. Ces ondes démarrent à partir de la bande 24 GHz. Or, il s’avère que c’est aussi dans ce segment que les satellites positionnent leurs instruments de mesure pour voir ce qui se passe dans l’atmosphère.
Comme en France, l’industrie américaine des télécoms entend bien exploiter certaines tranches de la bande 24 GHz parce que les ondes millimétriques ont des qualités certaines. Elles « vont permettre d’atteindre des débits beaucoup plus importants », explique l’agence française des fréquences (ANFR). Elles seront même « la clé du très haut débit de ‘la fibre sans fil’ que promet la 5G ».
Mais ces ondes millimétriques sont aussi très proches des fréquences utilisées par les satellites météorologiques pour échantillonner les couches de l’atmosphère et ainsi aider aux prévisions météo.
Tous les objets émettent de l’énergie micro-ondes, rappelle le Washington Post. Les fréquences, les quantités et la polarisation dépendent de la structure moléculaire et cristalline de l’objet, ainsi que de sa température. C’est pour cela que les émissions de micro-ondes pour mesurer des propriétés qui, autrement, ne pourraient pas être détectées à distance. C’est-à-dire depuis l’espace.
Le patron de la NOAA estime qu’avec le plan de déploiement actuel de la 5G aux USA, les satellites perdraient environ 77 % des données qu’ils recueillent actuellement, réduisant notre capacité de prévision jusqu’à 30 %. Cela ramènerait l’anticipation au niveau des années 1980. « Il en résulterait une réduction d’environ 2 à 3 jours du délai d’exécution prévu pour la prévision de la trajectoire des ouragans ».
Et en France ?
En France, ces problèmes se posent avec un degré de criticité moindre puisque le pays ne fait pas face aux mêmes particularités météorologiques. Du moins, pour ce qui est de la métropole. Il ne faut pas en effet perdre de vue les Antilles françaises (la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy), qui sont fortement exposées, comme l’a malheureusement rappelé le passage de l’ouragan Irma en 2017.
Mais si ces problèmes d’interférence revêtent en France un degré globalement moins critique qu’aux USA, ils se posent quand même, dans des termes parfois différents, car les ondes millimétriques font partie des tranches du spectre électromagnétique qui seront mobilisées pour la 5G — même si elles ne seront pas les premières à être libérées au profit des opérateurs. Ce sera d’abord la bande 3,5 GHz.
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes n’ignore pas ce sujet. Concernant la bande 26 GHz (24,25 ‑ 27,5 GHz), le régulateur des télécoms précise que seule une portion réduite (26,5 – 27,5 GHz, soit 1 GHz) « est libre et peut être utilisée dès 2020 ». Par contre, rendre disponible l’intégralité du segment dépendra « de conditions de coexistence avec les services de radioastronomie et d’exploration de la terre », prévient l’autorité.
En la matière, des travaux sont menés, et pas juste sur les enjeux de la météo, pour « évaluer l’utilisation partagée du spectre » entre la 5G et les stations terriennes des services par satellite pour « éviter un impact significatif sur la couverture et le déploiement 5G dans cette bande ». Une consultation publique dédiée a eu lieu en 2018 pour recueillir l’opinion des différentes parties prenantes.
Les différents bénéficiaires du découpage actuel de la bande 26 GHz sont l’Arcep (pour le service fixe par satellite), l’agence spatiale française (CNES), le ministère des Armées, et l’administration de la météorologie pour le service d’exploration de la Terre par satellite (sens espace vers Terre) et le service de recherche spatiale (sens espace vers Terre).
Toutes ces parties, ainsi que l’ANFR et le ministère de l’Économie et des Finances, à travers la Direction générale des entreprises, participent à un groupe de travail qui a pour mission d’étudier les conséquences d’une approche de partage et de fournir des recommandations pour protéger les services passant par ces fréquences et éviter des interférences ou des brouillages.
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