C’est la suite logique de son bannissement par les États-Unis : Huawei doit désormais s’interroger sur le niveau de production de ses smartphones, faute pour le constructeur chinois de pouvoir les écouler prochainement sur le marché américain, mais aussi parce que l’approvisionnement en composants va se tarir, à moins d’un dénouement heureux dans le long bras de fer commercial entre Pékin et Washington.
D’après le South China Morning Post, un coup de frein dans les usines chinoises aurait eu lieu fin mai. Le journal hongkongais évoque l’arrêt de plusieurs lignes de production de mobiles Huawei dans les centres d’assemblage de Foxconn. La suspension aurait été prise il y a quelques semaines, quand Huawei a pris la décision de revoir à la baisse le volume de ses commandes à son partenaire taïwanais.
Ce compte-rendu de la presse chinoise, Huawei le conteste toutefois. « Nos niveaux de production à l’échelle mondiale sont normaux, sans aucun ajustement notable », déclare le constructeur dans un communiqué adressé aux rédactions.
La dépendance de Huawei
Si la révocation de la licence Android par Google a eu un écho particulièrement fort dans les médias et chez les mobinautes, c’est sans doute sur le plan matériel que la situation est la plus critique pour Huawei. Car si l’entreprise peut déployer relativement rapidement un plan de secours en déployant son propre système d’exploitation mobile, elle a nettement moins de latitude pour la partie hardware.
Mi-mai, d’importants constructeurs américains de puces et autres processeurs (Intel, Qualcomm, Xilinx et Broadcom) ont arrêté leurs relations avec le géant chinois à la suite de la directive présidentielle signée par Donald Trump. Et si la perte de Qualcomm peut être contrebalancée par une production réalisée en interne, via HiSilicon, une filiale de Huawei, elle ne pourra pas compenser rapidement le reste.
D’autant que cet assèchement de l’approvisionnement ne se limite pas à des entreprises américaines. Des firmes japonaises et britanniques (ARM, Toshiba et Panasonic) ont suivi le mouvement. L’implication d’ARM dans cet embargo est certainement celle qui gêne le plus Huawei : ce groupe britannique est à l’origine de l’architecture de processeurs mobiles qui équipe la quasi-totalité des smartphones actuels.
Comme nous l’indiquions précédemment, tous les processeurs des iPhone, même s’ils sont conçus par Apple, reposent sur l’architecture ARM. Idem pour Qualcomm. Quant aux processeurs Kirin, conçus par HiSilicon , la filiale de Huawei, ils sont aussi basés sur ARM. Or, ARM a demandé à son personnel de mettre fin aux contrats actifs et aux engagements futurs avec Huawei.
Une place dans le top 3 menacée
Dans ces conditions, maintenir un rythme de croisière dans sa production n’a pas grand sens pour Huawei.
D’abord, parce que la compagnie risque de se retrouver avec des stocks d’invendus qu’elle aura du mal à écouler — outre la fermeture du marché américain, l’achat d’un smartphone Huawei n’apparaît clairement pas comme une option tendance avec la perte future de la licence Android. Ensuite, parce que la construction même des smartphones ne sera plus possible, faute de composants à utiliser.
Si cette situation dure, c’est la place de Huawei dans le top 3 des plus gros vendeurs de smartphones dans le monde qui pourrait être remise en cause. Aujourd’hui, la société est sur le podium, avec Samsung et Apple. Mais la conjugaison de plusieurs mauvaises nouvelles rend incertain l’avenir du groupe chinois dans le trio de tête. Elle pourrait même l’en faire sortir.
Un comble pour un groupe qui visait au contraire la première place d’ici 2020.
(mise à jour avec la réaction de Huawei)
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