« Se connecter avec Facebook », « Se connecter avec Google », « Se connecter avec Twitter » ou encore, « Se connecter avec LinkedIn » sont des boutons communs sur le web. Leur fonctionnement est du pain bénit pour les utilisatrices et utilisateurs : ils permettent de faciliter la connexion à des milliers de services, en utilisant des informations déjà renseignées sur un de ces comptes sociaux. Ils agissent sur le web et dans les applications comme une sorte de carte d’identité numérique, permettant de passer rapidement l’étape pénible de l’inscription ou de la connexion.
Mais, évidemment, il y a un twist. Cette facilité n’est pas gratuite : comme les cookies, utiliser ces boutons imprime une marque sur votre compte, enrichit votre profil publicitaire ou transmet des informations aux sites qui les utilisent. Un business model qui ne présente pas de danger immédiat, mais qui participe à la création de modèles publicitaires ultra-ciblés, sublimant les pulsions consuméristes des individus. Le tout, en augmentant le risque lié à une éventuelle faille de sécurité : plus un service en sait sur moi, plus nombreuses seront les données qui pourraient être piratées et utilisées à mauvais escient contre moi.
Apple Connect vs The World
Un risque qu’aujourd’hui, après les multiples scandales liés aux données personnelles, de plus en plus de particuliers ne veulent plus prendre. Et à ceux qui souhaiteraient mieux éduquer les internautes à l’informatique, au web et à leurs enjeux, Apple répond : « Laissez, on s’occupe de tout ». Depuis quelques années, le géant de Cupertino a fait de la vie privée son cheval de bataille. Messagerie chiffrée, données chiffrées matériellement et logiciellement par défaut, puces dédiées à la sécurité dans tous les nouveaux produits, mises à jour logicielles pour empêcher les publicitaires de cibler les internautes… l’écosystème Apple s’est imposé comme la référence absolue dans le domaine. Le tout, en gardant une expérience utilisateur fluide, moderne et sans friction.
Mais jusqu’à la WWDC 2019, Apple ne s’était soucié que de ses clients directs. Avec Sign In with Apple, la firme de Tim Cook déclare la guerre à Google, Facebook, Twitter ou Microsoft (propriétaire de LinkedIn) sur tous les fronts — et notamment, sur celui ô combien rémunérateur des applications mobiles. Le bouton, pas encore traduit officiellement en français, permettra à tout utilisateur d’iOS de se connecter ou de s’inscrire à une application avec son compte Apple.
Et Apple, à première vue, ne propose aucune contrepartie aux développeurs en dehors d’une détection des bots pour cette intégration : pas de partage de données comportementales, pas de ciblage publicitaire affiné, pas d’envoie de données liées au compte. Rien. Plus encore : si l’utilisateur n’a même pas envie de partager son mail, Sign In with Apple se charge de créer une adresse mail jetable liée au compte, que l’utilisateur pourra supprimer à tout moment. De son côté, le développeur n’aura qu’un identifiant, numéro anonyme envoyé par le bouton — au mieux, une adresse mail.
À la question de savoir pourquoi un développeur intégrerait cette option plutôt qu’un autre bouton de connexion qui pourrait lui rapporter de l’argent ou des informations pour son travail, Apple a la réponse, froide et juridique : tout application proposant un bouton de connexion qui n’est pas un formulaire développé par l’app doit aussi proposer le bouton Sign In with Apple en alternative. Cela signifie que toutes les applications proposant du Facebook Connect ou du Google Connect devront proposer l’option Apple, sous peine d’être éjectées de l’App Store.
Couper le problème à la source
Pour les clients Apple, c’est une option incroyable, qui va faciliter la connexion aux applications : même plus besoin d’avoir un compte sur un réseau social pour profiter d’une inscription rapide. Elle est tellement simple à intégrer que des développeurs que nous avons rencontré à la WWDC comptent étudier sa viabilité, même après avoir été déçus du comportement des autres boutons. « Se connecter avec Google n’était jamais utilisé. Se connecter avec Facebook un peu plus, mais pas assez pour qu’on décide de le maintenir », nous dit un développeur de l’application MyCanal, avant de poursuivre : « Sign In with Apple est très intéressant pour le parcours utilisateur, qui doit être le plus simple possible. On va se mettre à travailler dessus très vite ».
Pour eux, l’équation est simple : plus vite l’utilisateur est logué, plus vite il peut avoir accès aux services et, éventuellement, payer pour s’abonner. Et quel client Apple choisirait aujourd’hui autre chose que le bouton de connexion présenté par défaut par le système d’exploitation et configuré au premier allumage de son appareil ? En plus, Apple a pensé à tout : l’outil ne sera pas limité à iOS et pourra être intégré sur Android et sur le web, pour les applications qui proposent des services pouvant s’utiliser sur plusieurs appareils.
Restent tout de même quelques inconnues qui devront être levées d’ici la sortie des prochaines versions d’iOS : que faire, par exemple, si un utilisateur paie un abonnement à une application et révoque le mail ? Est-ce que cela entraînera une friction où il faudra débloquer la situation par un SAV téléphonique ? Que dire également des applications sociales, qui basent leur croissance sur les amis potentiellement inscrits et invitables à partir des bases de données récupérées sur d’autres réseaux sociaux ? En se connectant avec Apple, les interactions sur une telle plateforme risquent d’être bien peu nombreuses.
Quoi qu’il en soit, face à cette potentielle perte sèche, les concurrents d’Apple vont devoir réagir : Cupertino a décidé non pas de se battre dans la guerre de la donnée, mais d’empêcher qu’elle ait lieu. Et sans elle, Facebook, Google et les autres vont devoir accélérer leurs plans pour repenser leur modèle économique.
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