Pour qui suit le bras de fer commercial sino-américain, le chapitre concernant Huawei gagne en confusion à mesure que les semaines passent. Que cherchent les États-Unis ? L’équipementier chinois est-il vraiment un péril pour la sécurité nationale, comme l’a suggéré Donald Trump en l’ajoutant sur sa liste noire ? Ou n’est-il qu’un levier bien commode dans les interminables négociations avec Pékin, comme l’a laissé entendre ce même Donald Trump quelques jours plus tard ?
Chez les alliés de Washington aussi, la posture américaine doit provoquer de sacrés nœuds au cerveau. Voilà maintenant quelques mois que l’on entend une petite musique suggérant que le niveau de coopération des services de renseignement américain pourrait descendre de quelques échelons avec les pays acceptant d’ouvrir tout ou partie de leur futur réseau 5G à Huawei. On sait que l’Allemagne a reçu un tel message, tout comme le Royaume-Uni, qui est pourtant l’allié historique.
Double discours
Mais c’est un discours autrement plus accommodant qu’a tenu Donald Trump, alors qu’il participe au 75è anniversaire du débarquement allié sur les côtes normandes. Lors de sa visite d’État outre-manche, le locataire de la Maison-Blanche a assuré « ne voir absolument aucune limite » au partage d’informations sensibles avec la partie britannique. Et cela, même si Londres est pourtant disposé à ouvrir, mais en partie seulement, son marché 5G à Huawei.
« Nous trouverons une solution à nos différences », a ajouté le président américain, se disant très confiant à la perspective de trouver un accord sur ce dossier hautement politique. Les États-Unis soutiennent que Huawei est le cheval de Troie, volontaire ou non, de Pékin pour s’immiscer au cœur des réseaux occidentaux et conduire des activités de sabotage et d’espionnage . Washington n’a toutefois pas étayé ses affirmations par des preuves — mais pourraient-elles être rendues publiques ?
Interprété comme un signe d’apaisement à l’égard de ses alliés, en tout cas de Londres, le propos de Donald Trump tranche avec le discours plus sévère de Mike Pompeo, l’ancien directeur de la CIA devenu ministre des Affaires étrangères. « Nous avons clairement indiqué que si le risque dépasse [un certain] seuil pour les États-Unis, nous ne serons tout simplement plus en mesure de partager cette information », a-t-il lancé en avril lors d’une réunion de l’OTAN.
La France sur une autre ligne
Sans doute le dossier Huawei sera-t-il évoqué lors de la réunion que doivent avoir ce jeudi 6 juin Donald Trump et Emmanuel Macron. La France ne souhaite pas non plus tenir une ligne aussi dure que les États-Unis ou d’autres alliés, comme le Japon ou l’Australie. « Notre perspective n’est pas de bloquer Huawei ou toute autre entreprise » a déclaré le chef de l’État. « Déclencher maintenant une guerre technologique ou une guerre commerciale vis-à-vis d’un autre pays n’est pas judicieux »,
« Nous sommes extrêmement attentifs au sujet de l’accès aux technologies essentielles pour préserver notre sécurité nationale », a poursuivi le président de la République. Cette conscience des enjeux de sécurité dans le domaine des télécoms est partagée par les députés, qui ont voté à l’unanimité une loi spéciale pour exiger un degré accru de sécurité sur les futurs réseaux. Par ailleurs, le cyber-garde du corps de l’État, l’ANSSI, surveille de très près ce dossier.
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