Vous pensez que votre conjoint ou conjointe surveille vos déplacements, fouille dans votre smartphone, lit vos SMS ou vous traque en utilisant un logiciel-espion ? Voici quelques conseils pour se protéger de ce qu’on nomme la cyberviolence conjugale.

Les cyberviolences conjugales sont un phénomène méconnu mais très courant. D’après un rapport du centre Hubertine Auclert, 9 victimes de violences conjugales sur 10 en subiraient.

Elles ne sont pas toujours faciles à identifier car elles sont très diverses. Cela va de la surveillance des SMS à l’utilisation de logiciels espions, en passant par la manipulation de comptes administratifs en ligne (CAF, Pôle Emploi, impôts) ou le revenge porn — pratique qui consiste à publier des images dénudées d’une personne sans son consentement.

Si vous êtes victime de cyberviolences conjugales ou que vous craignez l’être, voici quelques conseils que vous pouvez appliquer.

Comment savoir si je suis victime de cyberviolence conjugale ?

Le terme de cyberviolence cache des procédés extrêmement divers. Dans un précédent article, nous avons échangé avec de nombreuses victimes qui décrivaient leur quotidien oppressant.

Les violences conjugales peuvent prendre des formes très diverses. // Source : Claire Braikeh / Numerama

Les violences conjugales peuvent prendre des formes très diverses.

Source : Claire Braikeh / Numerama

On peut globalement distinguer plusieurs catégories de cyberviolences, comme nous l’explique le centre Hubertine Auclert :

  • Le cybercontrôle : le conjoint va demander à ce que la victime soit joignable en permanence, à ce qu’elle justifie sa présence dans des lieux en envoyant des photos, il va demander ses codes d’accès au téléphone ou aux réseaux sociaux ;
  • Le cyberharcèlement : il s’agit d’insultes ou menaces répétées, envoyées par des moyens de communication comme les SMS, des applications de messagerie ou des réseaux sociaux ;
  • La cybersurveillance : le partenaire surveille les déplacements de la victime grâce à un GPS, un smartphone ou une tablette où la géolocalisation est activée ou un logiciel espion ;
  • La cyberviolence via les enfants : on donne aux enfants une tablette qui permettra de géolocaliser le ou la conjointe, on se sert de leurs comptes sur les réseaux sociaux pour espionner des personnes ;
  • La cyberviolence économique et administrative : le conjoint va couper les sources de revenus de la victime (CAF, sécurité sociale, compte bancaire…) ou faire de fausses déclarations administratives dans le but de lui nuire (Pôle Emploi, impôts).

Si vous vous reconnaissez dans l’une de ces situations, ou si la vôtre vous semble similaire (la liste n’étant pas exhaustive), vous êtes victime de cyberviolences.

J’ai des soupçons, mais pas de preuves

Certaines méthodes utilisées pour exercer des cyberviolences sont particulièrement discrètes. Les victimes ne se rendent pas toujours compte qu’elles en sont victimes. Elles soupçonnent souvent que quelque chose cloche, par exemple si le conjoint semble un peu trop en savoir sur ses déplacements, mais sans parvenir à mettre le doigt sur le moyen utilisé.

Le plus simple si vous êtes inquiet ou inquiète est de vous rapprocher de professionnels qui pourront vous aiguiller sur votre cas précis (une liste de contacts utiles se trouve plus bas dans cet article). Vous pouvez également vérifier quelques paramètres de manière simple. Aucune compétence technique avancée n’est nécessaire.

Est-ce qu’elle ou il me géolocalise ?

Pour vérifier si vous êtes géolocalisé ou géolocalisée sans le vouloir, il existe quelques techniques simples. Sur votre téléphone, allez dans vos réglages. Sur un iPhone, dans l’onglet « identifiant Apple », vous pouvez cliquer sur « partager ma position ». Vous pouvez voir ici si votre géolocalisation est automatiquement partagée avec une personne.

Il est aussi possible de le voir depuis l’application de messagerie, en cliquant sur « infos ». Si vous voyez la mention « ne plus partager », c’est que la géolocalisation est bien activée.

Est-ce qu’il lit mes SMS ou messages privés ?

Pour vérifier si quelqu’un lit vos messages privés ou SMS, vous devez d’abord regarder l’application que vous utilisez. Les messages ont-ils été ouverts sans que vous les ayez lus ? Sur Facebook, ils apparaissent par exemple en gras lorsqu’ils ne sont pas lus. La plupart des réseaux sociaux affichent aussi des petites icônes qui permettent de voir quand on a lu un message ou de quand date notre dernière connexion à la conversation.

Vous pouvez aussi vérifier si vos SMS sont transmis à une personne tierce. Pour cela, rendez-vous dans les paramètres ou réglages puis dans « messages ». Sur iPhone, la catégorie concernée s’appelle « Envoi et réception ». Elle permet de voir quels appareils reçoivent vos messages.

A-t-il accès à mes réseaux sociaux ?

Ceci peut être vérifié grâce à la méthode citée ci-dessus, des messages privés. Il est également possible de regarder depuis quels appareils quelqu’un s’est connecté à votre compte, en suivant ces liens :

Si vous reconnaissez dans les appareils indiqués la marque du téléphone ou de l’ordinateur de la personne soupçonnée, cela peut être un signe. Les jours et heures de connexion vous aideront également. Ne vous fiez pas trop à la localisation qui est parfois approximative (Twitter indique à Numerama nous sommes à Neuilly-sur-Seine alors que nous sommes situés à Paris, par exemple).

Utilise-t-il une application-espion ?

Les applications espions sont des applications qu’une personne a installé sur votre téléphone sans votre consentement, dans le but de recueillir des données (messages envoyés ou reçus, géolocalisation, etc). Il en existe des dizaines sur le marché. Pour les repérer plus facilement, voici une liste des plus connues effectuée par le centre Hubertine Auclert : Mspy, Mobipast, Promibs, FlexiSpy, Bibispy, TopEspion, SpyStealth, SpyMasterPro, SoluSpy, GSM Spy, SpyMoob, Hoverwatch, Spytomobile, I monitor phone et Spyera.

Des stories sur lesquelles figurait une géolocalisation ont été collectées. // Source : Montage Numerama

Des stories sur lesquelles figurait une géolocalisation ont été collectées.

Source : Montage Numerama

Ces applications n’apparaîtront pas aux côtés de vos applications classiques sur votre écran d’accueil. Des indices peuvent vous alerter sur leur présence notamment :

  • Une lenteur anormale de votre smartphone, une batterie qui se décharge très vite ou un téléphone qui redémarre sans raison. Attention : cela peut aussi toutefois être aussi le signe d’une simple obsolescence de l’appareil ;
  • Une alerte ou notification à propos d’une application inconnue ;
  • Une forte utilisation des données cellulaires, de manière inexpliquée. Cela peut indiquer une utilisation intensive d’Internet, qui peut s’expliquer par le fait que votre téléphone envoie des données vers un autre appareil ;
  • La présence de l’application Cydia sur votre écran d’accueil. Cette application qui n’est pas en soi un logiciel espion est parfois utilisée pour débrider un smartphone et ensuite espionner via cet appareil ;
  • D’étranges SMS reçus : les logiciels espions ont parfois besoin d’envoyer des messages chiffrés sur votre téléphone. Lorsqu’ils sont mal conçus, ils peuvent apparaître parmi vos messages classiques.

Sur ordinateur, certains logiciels peuvent détecter les mouchards. C’est le cas de MalwareBytes, disponible sur PC ou Mac. Contentez-vous de l’essai gratuit, vous n’aurez plus qu’à désinstaller l’application par la suite.

Faut-il couper les accès ?

Si vous ne vous sentez pas menacé ou menacée, vous pouvez couper des accès. Pour ceci :

  • Désactiver la géolocalisation depuis vos paramètres;
  • Changer tous vos mots de passe ;
  • Mettre à jour votre téléphone (sur iPhone, certains logiciels espions peuvent être reconnus et supprimés à ce moment-là) ;
  • Restaurer votre appareil. Prenez alors bien soin de tout sauvegarder (images, vidéos, messages ou autres) sur un appareil tiers.

Si vous sentez que votre conjoint pourrait se montrer menaçant ou violent lorsqu’il verra que vous avez coupé ses accès, il vaut mieux d’abord chercher de l’aide auprès de professionnels.

À qui demander de l’aide ?

Vous pouvez dans un premier temps demander de l’aide à votre entourage. Si vous n’avez pas d’ami de confiance ou de famille proche, ou si vous n’osez simplement pas leur en parler, vous pouvez vous adresser à votre médecin traitant. Si vous êtes mineur·e, n’hésitez pas aussi à vous adresser à quelqu’un de votre école : un ou une professeure à qui vous faites confiance, le ou la CPE, l’infirmier ou infirmière de l’établissement. Cela fait aussi partie de leur travail.

Il existe sinon de multiples associations auxquelles vous pouvez vous adresser de manière anonyme.

Vous avez moins de 25 ans

  • Il existe un numéro de téléphone gratuit (0800 200 000), celui de la plateforme Net Écoute. Vous y trouverez un soutien psychologique, et juridique si nécessaire. Il est adapté aussi bien aux personnes mineures qu’aux adultes.
    Sur le site de Net Écoute, on trouve aussi un chat en ligne, lui aussi anonyme et gratuit. Enfin, il est possible de discuter avec des membres de la plateforme directement sur Messenger, la messagerie Facebook. Votre nom et prénom resteront entièrement confidentiels et personne ne sera mis au courant que vous avez contacté la plateforme. N’hésitez pas à supprimer la conversation une fois qu’elle est terminée, si d’autres personnes que vous peuvent avoir accès à votre compte.
    Le numéro est le 0800 200 000. Le chat est disponible sur ce lien. Pour Messenger, cliquez ici.
En avant toute(s) a un tchat en ligne. // Source : En avant toute(s)

En avant toute(s) a un tchat en ligne.

Source : En avant toute(s)
  • L’association En avant toute(s) a mis en place un chat en ligne sur lequel vous pouvez raconter votre histoire et poser des questions. Il est sécurisé, gratuit et anonyme. On vous demandera pour des raisons pratiques un prénom ou pseudonyme et un numéro de département, mais vous pouvez tout à fait renseigner de fausses données : cela sert juste à ne pas avoir à répéter son histoire deux fois si vous recontactez la même membre de l’association. La conversation disparaît dès que vous fermez le site et un bouton « fermer le site » en haut à droite de l’écran permet de quitter rapidement la page si quelqu’un arrive dans la pièce.
    Chat ouvert le lundi et mardi de 15 à 17h, et le mercredi de 14 à 18h. Cliquez ici pour y accéder.
  • Si vous avez entre 12 et 25 ans, vous avez également le numéro de Fil santé jeunes à disposition (0800 235 236). Il est ouvert tous les jours entre 9h et 23h. Sur le site, on peut aussi avoir accès anonymement à un chat individuel (où vous parlerez à une personne de la plateforme) ou un chat collectif, où d’autres internautes peuvent être présents, ainsi que des psychologues, conseillères conjugales ou familiales, ou même des médecins. Enfin, il existe un forum en ligne où vous pouvez poser des questions.
    Le numéro est le 0800 235 236. Le forum est accessible en cliquant sur ce lien et le tchat via ce lien.

Vous êtes adulte

  • Il existe un numéro dédié aux violences faites aux femmes, y compris les violences conjugales. Il s’agit du 3919. L’appel est anonyme et entièrement gratuit, en métropole comme dans les DOM. Une écoute vous y sera donnée mais aussi des informations sur votre situation et ce que vous pouvez faire pour vous en sortir. Les professionnels au bout du fil peuvent vous rediriger vers des structures d’accompagnement et de prise en charge.
    Appelez le 3919. Numéro ouvert 7 jours sur 7, du lundi au vendredi de 9 à 22 heures et les samedis, dimanches et jours fériés de 9h à 18h.
  • Pour les adultes (hommes ou femmes), il existe un répertoire très complet des associations locales, classées par département, sur le site gouvernement. Les moyens d’entrer en contact avec elles sont renseignés à chaque fois.
    Cliquez sur ce lien pour accéder à la liste.
  • En cas d’urgence (situation de menace, de violence), appelez le 17, le 112 ou le 114 pour les personnes sourdes ou malentendantes.

Si vous utilisez un ordinateur familial ou commun avec une autre personne, vous pouvez par précaution vider votre historique et effacer les cookies après avoir consulté ces sites. Sur Chrome, cliquez sur les trois petits points en haut à droite de l’écran puis deux fois sur historiquement (ou directement sur ce lien), puis « effacer les données de navigation ». Sur Firefox, cliquez sur les trois traits en haut à droite puis « bibliothèque », et « historique ». Sélectionnez « effacer l’historique récent ».

Faut-il porter plainte ?

Une fois que vous vous sentirez suffisamment en sécurité, vous pouvez porter plainte. En effet, les cyberviolences sont punies par la loi.

La loi est malheureusement assez complexe en la matière. Chaque partie des cyberviolences correspond à un crime ou délit différent. On ne peut donc pas porter plainte pour « cyberviolences conjugales », mais on peut porter plainte et obtenir réparation pour harcèlement moral, pour violation des correspondances privées, pour des menaces et bien d’autres choses.

Le plus simple est de vous faire aider par une association dans ces démarches. Les professionnels disponibles aux numéros d’aide ci-dessus vous épauleront. La police peut également vous aiguiller au moment du dépôt de plainte. En décrivant les faits, elle vous dira quelle qualification vous pouvez retenir. Quoiqu’il en soit, la police ne peut pas refuser votre plainte. Si elle refuse, dirigez-vous vers un autre commissariat ou faites appel à une association d’aide aux victimes.

À titre informatif, voici un aperçu des peines encourues pour chaque motif, réalisé par le Centre Hubertine Auclert (cliquez sur les images pour les agrandir) :

Vous pouvez aussi saisir un tribunal civil. Dans ce cas, le litige sera réglé rapidement (moins d’une semaine). Attention toutefois : il pourra déboucher sur des mesures restrictives à l’égard du conjoint ou de la conjointe qui exerce les violences, sur une amende, mais pas sur une peine de prison. Une fois que l’affaire est réglée au civil, les mêmes faits ne peuvent plus faire l’objet d’une plainte classique. Pour en savoir plus, cliquez-ici.

Il existe aussi une plateforme en ligne pour signaler les violences sexistes ou sexuelles, accessible via ce lien. Il s’agit d’un chat avec des membres de la police, qui pourront vous aiguiller. Elle contient un bouton pour quitter rapidement le site en cas de besoin.

Comment se protéger et sécuriser ses appareils ?

Que vous ayez été victime ou cyberviolences ou non, il existe quelques moyens simples pour se prémunir de certains abus.

smartphone

TikTok est une application très prisée des jeunes. Image d'illustration.

Source : E1N7E

Ne partagez pas vos mots de passe

La première chose à faire est de garder ses mots de passe pour soi, et soi seul. Il est très tentant de le partager à des personnes à qui l’on fait entièrement confiance, mais cela peut malheureusement menacer notre vie privée et / ou notre sécurité. Choisissez donc un mot de passe que votre conjoint ou conjointe ne trouvera pas trop facilement grâce à notre guide dédié.

Évitez la simple date de naissance, ou inversez le jour et le mois pour un code PIN si vous craignez d’oublier des séries plus complexes, par exemple. Il existe aussi des gestionnaires de mots de passe pour les personnes un peu tête en l’air, comme LastPass, KeePass ou Dashlane.

Faites attention lorsque vous tapez votre mot de passe devant d’autres personnes ou à ne pas le donner sans faire exprès (par exemple, si vous avez les deux mains occupées et qu’une personne demande votre code pour accéder à votre place à votre téléphone).

Changez régulièrement vos mots de passe sur les réseaux sociaux.

Utiliser la double-authentification

Vous pouvez aussi mettre en place très facilement ce qu’on appelle la double-authentification. C’est vraiment facile et très important. Lorsque vous connecterez depuis un nouvel appareil, le site vous demandera de valider la connexion grâce à un code envoyé par SMS sur votre smartphone. Elle est disponible sur Facebook, Twitter, Instagram, les comptes Gmail, etc. Vous pouvez vous référer à notre guide dédié pour l’activer.

Limiter les appareils en commun

Si possible, n’utilisez pas d’ordinateur familial, mais plutôt un ordinateur personnel. De la même manière, il est préférable de limiter les comptes communs. Certains couples partagent un compte Facebook, ou leurs comptes des impôts sont rattachés. Mieux vaut garder son indépendance pour se prémunir d’éventuels abus. Il en va de même pour les comptes en ligne des impôts ou autres, qui peuvent également être utilisé en temps qu’outil de cyberviolence conjugale.

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