Elon Musk n’est pas le seul, dans la Silicon Valley, à vouloir connecter le cerveau humain à des ordinateurs. En 2017, Facebook avait annoncé un programme dédié à l’écriture et l’envoi de messages sans l’utilisation du moindre clavier. Après trois ans de silence, la multinationale en a dit un peu plus, le 30 juillet dernier, sur ses avancées et sur ses intentions.
Le principe de cette interface cerveau-machine est d’être « non-invasive » et « portable ». Elle permettrait d’écrire puis d’envoyer des messages simplement en les pensant. Pour développer cette technologie, Facebook s’est associé au laboratoire d’Edward Chang, une équipe de chercheurs de l’Université de Californie à San Francisco (UCSF), dédiée à la compréhension des mécanismes de la parole dans le cerveau humain. Ce laboratoire se penche surtout sur l’aspect médical, dans le but de venir en aide aux patients atteints d’un trouble de la parole. Mais Facebook compte bien élargir le principe.
Décoder le cerveau humain en temps réel
Les chercheurs de l’UCSF ont publié dans la revue Nature leur dernière avancée majeure. Sur le crâne de trois volontaires, ils ont placé un patch connecté à de petites électrodes. Grâce à ce dispositif, ils ont pu traduire sous forme verbale leur activité cérébrale. Ce n’est pas la première fois qu’un tel décodage est possible… mais cette fois-ci, c’était en temps réel.
« Ces résultats font la démonstration d’un décodage en temps réel de la parole, dans un contexte interactif de conversation, ce qui a d’importantes implications pour les patients incapables de communiquer », se réjouissent les chercheurs.
Durant une première étape, les données du cerveau étaient enregistrées par un algorithme alors que les participants écoutaient une série de questions (comme « De 0 à 10, comment vous sentez-vous ? »). Ils devaient ensuite prononcer la réponse à haute voix parmi un choix de 24 réponses possibles. Par machine learning, l’algorithme a appris à repérer les différences entre le moment de la question et celui de la réponse, ainsi qu’à identifier (avec 75 % de réussite) quelle réponse était fournie parmi celles listées.
Les chercheurs précisent sur le site de l’université que cet accomplissement technologique n’est qu’une première étape et ne fonctionne pour l’instant qu’avec un vocabulaire réduit. Pour le futur, ils sont bien décidés à « augmenter la flexibilité autant que la précision de ce que nous pouvons traduire de l’activité cérébrale ». L’objectif à moyen terme : décoder les signaux cérébraux à une vitesse de 100 mots par minute, avec un vocabulaire de 1 000 mots, et un taux d’erreur inférieur à 17 %.
L’importance du contexte
L’une des découvertes fondamentales de l’étude conduite par les équipes de Chang est que le contexte est l’élément fondamental pour permettre un tel décodage. L’algorithme était holistique, confronté à la réponse, mais aussi à la question, dans leur ensemble.
La plupart des anciennes approches ne s’intéressaient qu’à la réponse, « mais ici nous montrons la valeur du décodage des deux côtés de la conversation ». Les tentatives pour venir en aide aux patients avec des troubles de la parole « seront améliorées par la prise en compte du contexte entier dans lequel ils essayent de communiquer ».
Un dispositif de lunettes en réalité augmentée
Dans son communiqué, Facebook se réjouit de cette avancée, mais précise que « nous sommes encore loin d’obtenir les mêmes résultats (…) de manière non invasive ». C’est bien là l’objectif du réseau social : obtenir un dispositif non invasif… sous forme de lunettes en réalité augmentée, petites, pratiques et portables, qui pourraient être achetées dans le commerce.
Ce n’est effectivement pas pour tout de suite. La réalité augmentée est encore en phase de maturation, les projets grand public n’étant pas assez confortables et bon marché. Les Google Glass, par exemple, se sont soldées par un échec, au point d’en enterrer la version grand public (une nouvelle mouture dédiée aux entreprises est cela dit pour bientôt).
Cela n’empêche pas Facebook d’insister sur sa vision positive d’un futur où les humains communiqueraient au travers de lunettes en réalité augmentée, de cerveau à cerveau, sans clavier.
« Plutôt que de baisser le regard un écran de téléphone ou d’ouvrir un ordinateur portable, nous pourrions maintenir le contact visuel et récupérer des informations utiles sans rien en manquer ». Facebook affirme que ce n’est pas de la science-fiction, mais une véritable possibilité et qu’il faut s’assurer dès aujourd’hui que tout le monde puisse potentiellement en bénéficier.
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