À la rédaction, le potager connecté ne fait pas l’unanimité. Un collègue a récemment décidé de se séparer du sien, après quelques mois de bons et loyaux services. Il s’était rendu compte que le produit marchait au-delà de ses espérances et qu’il n’avait pas très envie, finalement, de « manger du basilic et du persil tous les jours ». Une collègue a renchérit. « Je trouve que c’est inutile. T’as un truc qui fait de la lumière en permanence pour des petites pousses un peu nulles », a-t-elle témoigné.
Alors, les potagers connectés, trop bons ou pas assez utiles ? La rédaction essaie de faire le point.
À quoi ça sert vraiment, un potager connecté ?
Le concept d’un potager connecté est relativement simple. Il s’agit d’un appareil qui contient plusieurs pots (entre 2 et 9) dans lesquels on trouve des herbes aromatiques ou des plants de fruits et légumes.
Le potager fait une partie du travail à notre place : on y insère des capsules dans lesquelles on trouve un mélange de graines, substrats et petits compléments énergétiques pour la plante. Il suffit d’acheter des capsules, de les mettre dans son potager et celui-ci s’occupe de leur fournir une luminosité parfaite. Il existe plusieurs modes de lumière afin de recréer des saisons de manière artificielle. L’objet vous indique également quand il est nécessaire de remettre de l’eau dans vos plants, grâce à une application mobile.
Les marques les plus populaires en France sont Prêt à pousser, Véritable et Click and Grow. Les deux premières sont françaises, la dernière est estonienne. Elles vantent chacune des mérites différents pour leurs produits.
Click and Grow par exemple, y voit un moyen de réduire le stress des citadins. Martin Laidla, le responsable communication de l’entreprise, précise à Numerama : « Nous le recommandons aux personnes qui se soucient de leur bien-être physique et mental ou de celui de leurs proches et de ce qu’ils mangent ». Cette idée peut sembler absurde mais des études ont montré que de simples jardins (d’extérieur en l’occurrence) pouvaient contribuer à améliorer la qualité de vie de certaines personnes, notamment les personnes âgées.
Martin Laidla ajoute que cela permet d’« expérimenter le jardinage quand on n’a pas le temps d’avoir un vrai jardin »… ni la place. Pour lui, c’est aussi « un produit avec un beau design » à avoir chez soi — et il faut reconnaître que lorsque ça pousse, c’est assez joli.
Lucie Poncet, de Prêt à Pousser, admet qu’au départ, les potagers connectés étaient vus comme de simples « gadgets high-tech » destinés aux amateurs de nouvelles technologies. Elle va aujourd’hui bien plus loin et les décrit comme un « nouvel usage ». Elle y voit un moyen de « revenir au vert » et à une alimentation autonome, accessible même aux personnes qui ne peuvent pas avoir de jardin.
Chloé Verneuil, directrice générale de Véritable, nous explique que leurs potagers sont « des systèmes haut de gamme conçus pour un usage culinaire avant tout. »
Ces arguments ont séduit un certain public. Click and Grow nous a indiqué avoir vendu plus de 500 000 potagers connectés à travers le monde depuis 2014. Prêt à pousser qui a été lancé en 2015 mais n’est vendu dans des magasins d’électroménager que depuis 2017, avance le chiffre d’environ 70 000, « bientôt 75 000 ». Le tout, à un prix plutôt élevé.
Un potager connecté coûte entre 100 et 250 euros environ. Il existe des modèles moins chers sur Amazon, mais entre les produits d’importation et les entourloupes, la qualité ne semble pas toujours au rendez-vous — en témoignent les nombreux avis négatifs publiés. Au prix de l’appareil, il faut ajouter celui des recharges, à changer tous les trois mois. Elles coûtent 5 euros en moyenne chez les 3 marques citées plus tôt. Enfin, comptez aussi 12 euros de consommation électrique par an en moyenne (si l’on se base sur les prix moyens pratiqués par EDF).
Des plants qui ne poussent pas
Nous avons demandé sur Twitter aux autres propriétaires de potagers connectés ce qu’ils en pensaient. Les résultats sont plutôt sans équivoque. 62 % des 272 personnes qui ont répondu n’utilisent pas vraiment leur appareil. Dans 17 % des cas, ils tentent de l’utiliser mais leurs plants ne tiennent pas le coup.
https://twitter.com/Perrinst/status/1165987308140748800
Plusieurs personnes ont témoigné qu’elles n’arrivaient à rien faire pousser. C’est le cas de Nicolas, qui avait pourtant tout donné pour ses plants, Baba, Toto et Cici :
Il avait un modèle Smart garden de Click and Grow — une édition qui n’est aujourd’hui plus commercialisée. Il a tenté plusieurs fois d’y faire pousser quelque chose, mais sans succès. « J’utilise peu le plant, il pousse n’importe comment et à la fin il meurt, au bout de 4 ou 5 mois », témoigne-t-il.
Le potager qui lui avait été offert en 2017 a même connu un funeste destin. « J’ai laissé un plant jusqu’à sa mort. Les racines avaient largement débordé du pot et s’étaient infiltrées jusque dans le système d’approvisionnement en eau », nous dit-il. Il les a coupées, a tenté de gratter, mais elles s’étaient incrustées, menaçant son appareil à chaque instant.
Ses tomates et fraises des bois, qu’il trouvait pourtant très chères, n’ont pas non plus séduit Nicolas. « Ça produit 2 ou 3 fruits par plants au maximum, et ce n’est pas forcément goûtu », se souvient-il. Aujourd’hui, il est catégorique : les potagers connectés ne seraient qu’une « vague gamification » de la pousse des plantes, « inutile » ou du moins « trop gadget ». On est donc loin de l’alternative aux supermarchés que voudraient réaliser certaines marques pour le moment.
Les propriétaires de chats semblent également avoir des déconvenues avec les potagers connectés, ce que notre expérience personnelle a malheureusement pu confirmer.
Un potager efficace mais un peu cher ?
Tous les avis ne sont pas négatifs. Certains nous ont dit avec humour « revendre de la menthe au kilo », d’autres comme Romane nous ont envoyé des photos de potagers en pleine forme :
Bérangère fait pousser de la ciboulette, de la menthe et de la moutarde dans un modèle Lilo et selon ses dires, ils iraient eux « super bien » — ce que notre modèle de cette marque a permis de confirmer. Elle raconte à Numerama qu’elle avait envie « d’avoir des aromates frais à disposition » mais qu’elle manquait malheureusement d’extérieur. « Est-ce que ça pousse mieux qu’avec des plants classiques ? Honnêtement je n’en sais rien. Je crois que c’est surtout rassurant d’être guidé par l’application et il y a un côté ludique », dit-elle, précisant que son basilic qui n’est pas connecté pousse également très bien dans son appartement.
Malgré le fait que l’objet fonctionne et qu’elle le trouve esthétique dans sa cuisine, elle nous explique qu’elle ne l’aurait pas acheté au prix neuf. Elle, l’a déniché sur un vide-grenier pour 10 euros. « Le prix de vente initial de la « structure » se justifie mal, concrètement ce sont 3 pots et une LED », détaille-t-elle (ndlr : et un module Bluetooth associé à une carte mère pour gérer l’éclairage).
Véritable est la seule marque qui assure que les plantes poussent plus vite avec elle. Elle promet une « croissance inégalée » et des « récoltes généreuses. » « La vitesse de croissance (2 à 3 fois plus rapide) et la saveur prononcée des plantes » serait liée à un éclairage LED horticole spécifique. C’est aussi ce qui justifierait les prix plus élevés des appareils de la marque.
Au cours de nos discussions, nous avons aussi appris quelques astuces qui pourraient vous permettre de garder vos plants ou votre potager en vie plus longtemps :
- Les plants se changent tous les trois mois environ (4 à 6 chez Véritable) : au-delà, il faut les rempoter si l’on ne souhaite pas que les racines prennent (trop) leurs aises.
- Les potagers connectés ne promettent pas que vos plantes pousseront plus vite. Les marques nous ont dit avoir sélectionné pour elles des conditions optimales qui peuvent jouer là-dessus, mais ce n’est pas garanti. Les clients l’ont un peu remarqué, mais sans plus.
- Si votre plante ne pousse pas du tout, c’est peut-être que la recharge est défectueuse. Chez Prêt à pousser, on nous a expliqué que certaines graines étaient très sensibles aux changements de température qu’ils ne maîtrisent pas toujours durant le transport. On peut les renvoyer et se les faire échanger en cas de pépin.
Est-ce vraiment écologique ?
On a tous eu envie d’acheter un jour un potager connecté à un ami écologiste, en se disant qu’il aimerait forcément ça. Pourtant, on peut se demander si un potager connecté est vraiment si vert qu’il n’en a l’air.
Côté consommation d’énergie, les modèles les plus populaires passent le test : c’est assez peu gourmand en électricité grâce à l’utilisation de LED. La consommation est de 8W, soit à peu près la même consommation qu’un radio-réveil branché en permanence.
Concernant la fabrication, nous sommes allés poser la question aux marques. Véritable n’a pas répondu à nos sollicitations mais sur son site, la marque assure que 90 % de ses produits sont fabriqués en France, près de Lyon, dans un rayon de 200 kilomètres à la ronde autour du siège. Cela peut justifier en partie les prix plus élevés.
Prêt à pousser nous a indiqué que la structure en plastique venait de Chine. La bonne nouvelle c’est que les graines et les capsules sont produites dans le sud de la France et qu’elles sont biodégradables et compostables. C’est d’autant plus important qu’il faudra en recommander tous les trois mois environ : cela fait moins de transport — mais quelques emballages à chaque fois. Les LED proviennent du nord de la France.
Click and Grow revendique une production estonienne. Martin Laidla nous a indiqué que les capsules étaient faites avec un mélange de tourbe et de noix de coco sur une petite île où l’on irait bien faire pousser un immense potager. Elles sont biodégradables et les emballages sont recyclables.
Les trois marques assurent que leurs produits sont sans pesticides ou OGM.
En résumé, ce n’est pas forcément plus écologique que de planter ses légumes soi-même. La structure est toujours en plastique alors qu’avec des graines classiques, on peut opter pour un pot en terre réutilisable à l’infini. Il faut aussi songer au transport : il est limité pour ces startups, sauf pour les composants chinois. Il sera plus important pour certains produits trouvés sur Amazon et fabriqués entièrement à l’étranger, recharges y compris. Même si elles proviennent de France, vos recharges à changer tous les 3 mois nécessitent par ailleurs un peu de transport et de l’emballage : c’est à vous de voir si cela vous paraît être acceptable ou si c’est déjà trop.
Faut-il craquer ?
Difficile de répondre à cette question en l’état, tant le pour et le contre se balancent. Mais nous pouvons donner quelques pistes.
Vous pourrez apprécier un potager connecté si :
- Vous aimez vraiment beaucoup les herbes aromatiques et de manière générale, vous cuisinez beaucoup ;
- Vous avez de l’espace chez vous (notamment une pièce où l’appareil peut être allumé sans vous déranger), mais pas suffisamment pour avoir un jardin et / ou un balcon ;
- Vous êtes en manque de verdure ;
- Vous avez laissé mourir plus de 5 cactus ces dix dernières années ;
- Vous consommez 10 kilos de pesto par mois ;
- Vous cherchez un cadeau un peu chic pour vos beaux-parents que vous connaissez mal.
Passez votre chemin en revanche si :
- Vous cherchez avant tout à faire pousser des fruits ou légumes ;
- Vous ne consommez pas beaucoup d’herbes aromatiques ;
- Vous aimez partir un mois en vacances — les racines incrustées risquent de vous poser problème ;
- Vous vivez en studio et vous avez besoin d’obscurité pour dormir (ça éclaire vraiment une pièce) ;
- Vous pensiez pouvoir éviter la corvée de l’arrosage ;
- Vous avez chez vous un chat, un lapin ou un chien qui aime renverser toutes vos plantes ou s’y soulager.
Si vous vous retrouvez dans la première catégorie, patience : nous publierons très bientôt un guide comparatif de ces différentes solutions !
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