Buzzfeed l’affirme : une publication sur Instagram qui est censée être privée ne le serait pas vraiment. Dans les faits, le souci mis en avant repose sur ce qu’est fondamentalement le web, et surtout sur la malveillance des internautes.

« Vos publications privées sur Instagram ne sont pas exactement privées ». Voilà de quelle façon le site américain Buzzfeed a décidé de titrer son récit de sa « découverte », publiée le 9 septembre. D’après les journalistes à l’origine du papier, une solution « incroyablement simple » permet à des abonnés d’un compte privé sur Instagram de récupérer et partager des photos et des vidéos privées publiées dessus.

La solution en question ?

Se servir tout bêtement des outils de son navigateur web ! Avec cette astuce, qui laissera pantois les informaticiens et les informaticiennes, il est possible de récupérer lesdits médias directement sur son PC ou bien de se servir de l’adresse qui dirige vers eux (car ceux-ci sont bien stockés quelque part et il existe forcément un chemin pour y accéder) pour la partager à d’autres internautes, qui ne suivent pas forcément le compte en cause.

Source : Numerama

Rien de neuf sous le Soleil

Ce qui est curieux, c’est qu’il ne s’agit absolument pas d’un sujet nouveau. Lorsque nous évoquions le service DownloadGram fin avril, nous rappelions qu’il suffit de se servir des options de son navigateur (par exemple Google Chrome ou Mozilla Firefox) pour afficher et télécharger les photos. D’ailleurs, DownloadGram ne fait rien d’autre que d’automatiser le processus, en faisant la même chose.

Sur Firefox par exemple, une méthode très banale consiste à demander au navigateur de montrer les « informations sur la page » en faisant un clic droit dessus — évidemment, là où se trouve la photo convoitée. Ensuite, dans la fenêtre qui est apparue, l’onglet « Médias » regroupe toutes les photos et les vidéos de la page. Il suffit de les passer en revue et de trouver l’adresse du cliché pour l’enregistrer.

Instagram Inspection page

Le navigateur web fait son travail : il accède à des contenus sur le web, comme des photos, et indique comment il les as trouvés.

L’autre solution consiste à passer par les outils de développement du navigateur (qui sont accessibles avec la touche F12 du clavier). Via l’inspecteur d’élément sur la photo qui vous intéresse, vous aurez un extrait de code source de la page. Il suffit de déplier les balises et vous tomberez à un moment sur le lien, stocké dans une balise HTML DIV. L’approche est un peu plus technique que la précédente, mais abordable.

Et on ne parle même pas des captures d’écran, des captures d’écran vidéo (trois touches à actionner sur macOS) ni des extensions de navigateur taillées pour cette tâche qui sont capables de fournir le même service.

Si l’on était taquin, cela reviendrait presque à révéler qu’avec un écran d’ordinateur relié à un PC, il est possible de visualiser toutes sortes de médias, une fois connecté à Internet. Y compris des contenus censés être « privés » — une notion toujours quelque peu étrange lorsqu’on met ladite ressources en ligne, vu les fuites qui peuvent arriver : les stars victimes de fuites de photos intimes en 2014 pourraient en témoigner.

Le web, une histoire de liens

Car c’est comme ça que le web fonctionne. Les pages et les contenus (comme des photos et des vidéos) sont reliés entre eux par des hyperliens (ou liens hypertextes). C’est pour cette raison que le web (qui veut dire toile en anglais) est nommé ainsi : tous ces liens connectant les pages les unes aux autres forment symboliquement une sorte de « toile ». Et il s’avère qu’Instagram se trouve aussi sur le web.

Le site sur lequel vous vous trouvez actuellement est une page web qui dispose de sa propre adresse (https://www.numerama.com). Sur celle-ci se trouve une multitude d’autres adresses qui vous permettent d’aller d’un article à l’autre : tous les médias que vous voyez sont logés à la même enseigne, même des éléments aussi insignifiants qu’une petite icône de réseau social.

Une toile d'araignée. // Source : Pixabay

Une toile d'araignée.

Source : Pixabay

Instagram ne déroge pas à la règle, pas plus que sa maison-mère Facebook : que le profil soit public et privé, il y a nécessairement des liens qui relient les médias entre eux et ceux-ci sont nécessairement vus et lus par votre navigateur web. En réalité, le problème que soulève indirectement Buzzfeed avec son article, c’est le comportement des abonnés vis à vis du compte Instagram privé.

En effet, un internaute qui n’est pas placé dans la liste blanche de la personne qui tient le profil privé ne verra pas les photos et les vidéos qui ont été publiées dessus (sauf dans un cas particulier où on lui adressera soit le média directement, parce qu’il aura été récupéré par un tiers qui y a accès, soit avec une URL spécifique qui ne permettra pas de savoir qui voit le média).

Le problème, en somme, ce sont les personnes approuvées par le compte privé qui font fuiter les médias, soit en dupliquant les photos et les vidéos pour les republier ailleurs, soit en distribuant les liens adéquats. Le problème n’est d’ailleurs pas spécifique à Instagram. Tout ce qui se trouve sur le web y est confronté, de Facebook à Snapchat, en passant par Patreon et compagnie.

Le caractère privé sur le net, une notion périlleuse

Sur un point toutefois, Buzzfeed a toutefois mis en exergue un vrai sujet : même pour les photos et les vidéos qui sont censées avoir été supprimées, il est possible de les visualiser encore si l’on a accès aux bons liens (qui pointent sur un stockage chez Facebook). Signe que la demande de suppression n’a pas été totalement suivie par Facebook ou qu’elle n’a pas été exécutée assez vite. Dans ce cas-là, le fait d’avoir une URL à portée de main facilite de fait le partage de photos privées qui auraient dû être effacées.

Cela étant, Buzzfeed soulève indirectement d’autres enjeux : outre la méconnaissance plausible qu’a une partie des internautes à l’égard du fonctionnement du web et d’un navigateur, y compris chez les « millennials » qu’on décrit comme très à l’aise avec l’outil informatique; mais qui ne savent pas forcément ce qui se passe sous le capot, il y a aussi le comportement que l’on adopte en ligne.

Pixabay

Gare à ce que vous mettez en ligne, ça pourrait fuiter et être vu par tout le monde. // Source : Pixabay

Il faut avoir en tête que tout ce qu’on met en ligne est une cible potentielle et peut finir par être rendue public. Prudence étant mère de sûreté, il vaut mieux être précautionneux et se retenir dans ce que l’on partage (ou être bien au courant de comment on le fait et quels sont les risques). Il est toujours moins risqué, malheureusement, de se demander systématiquement si tel message ou tel cliché pourra être assumé publiquement.

En effet, le problème de ces comptes Instagram privés qui ne sont pas totalement privés vient du fait qu’il y a des gens qui y ont accès et qui partagent publiquement leurs contenus. C’est parce qu’il y a des actes de malveillance. Si ce sont des amis qui prennent vos publications privées et les publient, il faudra certainement reconsidérer vos liens avec eux. Passez en revue votre liste d’abonnés à votre compte privé, il est peut-être temps pour un petit ménage d’automne.

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