C’est, selon les mots du journaliste spécialisé Olivier Tesquet, la « Rolls-Royce du big data ». En quelques années, l’entreprise américaine Palantir Technologies a acquis une solide réputation dans l’analyse des données extrêmement volumineuses (les fameuses « mégadonnées »). À tel point que, selon un document interne qui a fuité début 2015, ses services sont recherchés par des organismes tels que le FBI, la CIA, la NSA , mais aussi par le ministère de l’Intérieur ou les forces armées.
De ce côté-ci de l’Atlantique, Palantir ne jouit pas d’une très grande notoriété. Son nom avait été associé à une affaire de déstabilisation de WikiLeaks en 2011, projet qui avait été confirmé par le président de la société, Alex Karp, avant que celui-ci ne présente ses excuses. On lui prête également un rôle dans la traque d’Oussama Ben Laden, tué en 2011, mais la réalité de cette contribution n’a jamais été vérifiée ni démentie. Ce qui a pour effet de nourrir le mythe autour de Palantir.
Des pierres magiques pour voir loin
Ce qui est documenté par contre, c’est l’origine du nom de l’entreprise. En 2013, Forbes a raconté que Peter Thiel, le cofondateur, a choisi ce nom après avoir constaté que c’est ce nom qu’a retenu l’écrivain britannique J. R. R. Tolkien pour désigner des artefacts magiques qui apparaissent dans Le Seigneur des anneaux, Le Silmarillion et Les Contes et Légendes inachevés. Leur nom ? Les « Palantíri » (Palantír au singulier), des « pierres de vision » dont le nom signifie « voir au loin » en quenya.
Dans son dictionnaire consacré à Tolkien, l’universitaire Vincent Ferré consacre toute une entrée à ses objets. Ceux-ci permettent « de voir à de longues distances ». Ils sont des « sphères parfaites » (ce qui a manifestement inspiré le logo de Palantir Technologies, où l’on peut distinguer un Palantír stylisé reposant sur son socle), « composées d’une matière proche du verre ou du cristal, d’une couleur noire ». Elles peuvent en outre être de tailles et de poids différents (certaines font plusieurs mètres de diamètre).
« Fondamentalement, un Palantír permet à son utilisateur de voir des scènes en se jouant des contraintes spatiales. Il le laisse voir à travers n’importe quel objet, de la montagne au mur, mais sa vue ne peut transpercer les ténèbres. Une chose non éclairée demeure donc cachée », est-il expliqué. Un tel objet peut servir à espionner, mais aussi à communiquer, d’esprit à esprit. Dans l’Œuvre de Tolkien, plusieurs personnages d’importance se servent de ces artefacts, comme Aragorn et Saroumane.
Des objets redoutables… mais trompeurs ?
Au regard de la fonction du Palantír, on comprend assez aisément pourquoi Pether Thiel, qui a cofondé l’entreprise en 2003, a jeté son dévolu sur ce nom. Palantir Technologies veut « voir » ce qui n’est pas visible, en analysant des quantités phénoménales de données, en les croisant, en les comparant, en les passant au tamis. Une capacité qui intéresse aussi les services gouvernementaux en France : il a été rapporté en 2016 que le renseignement intérieur (DGSI) a signé un contrat avec l’Américain.
Le rapprochement entre le contre-espionnage français et une startup qui est proche de Washington (le premier investisseur de Palantir est In-Q-Tel, le fonds d’investissement de la CIA, tandis que Peter Thiel est un proche de Donald Trump : il le conseille dans le secteur du numérique) a causé une polémique, parce que, tout comme les orbes de Tolkien permettent de voir des deux côtés, Palantir Technologies pourrait aussi donner une vue imprenable aux Américains sur certaines activités françaises.
Dans son article, Forbes décrivait ces objets comme des « orbes qui permettent à leur détenteur de regarder sur de grandes distances pour suivre ses amis et ses ennemis ». Il ajoutait, citant un ancien ingénieur de l’entreprise, que « les fondateurs de Palantir ne comprennent pas très bien les Palantíri ». Ces orbes, disait-il, « ne donnent pas vraiment à leurs détenteurs un point de vue fiable ». « Le Palantír déforme la vérité […] Et ceux qui les regardent ne voient que ce qu’ils veulent voir ».
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Abonnez-vous à Numerama sur Google News pour ne manquer aucune info !