Nous avons découvert Shadow à une époque où l’entreprise siégeait dans un petit appartement lugubre, n’avait qu’un prototype sans coque à nous présenter côté matériel et testait son concept dans l’ombre. Avance rapide, octobre 2019 : Shadow a levé plusieurs fois plusieurs millions d’euros, siège dans un immense bâtiment au cœur de Paris, emploie des centaines de personnes et a su séduire un peu moins de 70 000 clients avec ses premières offres. Aujourd’hui, la startup française qui peut se targuer d’avoir pris Google de court sur le cloud gaming enclenche une véritable deuxième phase : la conquête.
L’année qui s’est écoulée n’aura pas été de tout repos pour Shadow et Emmanuel Freund, fondateur qui a laissé récemment son poste de CEO pour se concentrer sur la stratégie. Les Français ont connu l’épreuve du feu : c’est une chose de faire fonctionner un service aussi novateur dans un environnement contrôlé ou chez des journalistes bien équipés, c’en est une autre de proposer une expérience grand public, avec les aléas des connexions et des configurations des clients. Sans même évoquer les problèmes d’échelle rencontrés par l’entreprise. Emmanuel Freund ne le cache pas, dans un entretien donné à Numerama en amont de la conférence : « Aujourd’hui, je ne peux presque plus avoir de nouveaux abonnés » avec l’infrastructure en place.
Et après avoir esquissé un plan pour réinventer le gaming qui semblait se perdre dans des fantaisies et des gimmicks de geeks, Shadow semble retrouver une direction pertinente : convaincre le grand public avec de véritables arguments. Pour Emmanuel, cela passe par deux éléments.
De nouvelles offres
Le premier est tarifaire. À plus de 30 €, le prix de Shadow est aujourd’hui trop élevé pour séduire. C’est pour cela que l’entreprise lance trois offres, répondant à trois besoins identifiés par sa clientèle, disponibles dès maintenant.
- Shadow Boost : pour 12,99 € (14,99 € sans engagement), l’utilisateur a accès à une configuration Shadow capable de lui proposer une expérience en Full HD. Elle repose sur des cartes graphiques GTX 1080, 12 Go de RAM, 256 Go de stockage et un processeur quadruple cœur à 3,4 Ghz.
- Shadow Ultra : pour 24,99 € (29,99 € sans engagement), soit à peu près le prix actuel, Shadow passe à la vitesse supérieure pour du jeu en 4K, embarquant les dernières RTX 2080, 16 Go de RAM, 512 Go de stockage et un processeur à 4 Ghz.
- Shadow Infinite : pour 39,99 € (49,99 € sans engagement), Shadow propose une expérience haut de gamme, presque inutile, mais qui correspond aux attentes d’une niche exigeante. La carte graphique est une Titan RTX, le processeur passe à 6 cœurs et la RAM à 32 Go. 1 To de stockage est inclus.
Les deux abonnements les plus onéreux sont une mise à niveau de l’abonnement actuel et ont finalement moins d’intérêt que l’abonnement le moins cher. C’est cette offre plancher accessible à partir de 12,99 € par mois qui pourrait faire sauter le pas : elle correspond à ce que les clients ont depuis la sortie de Shadow, avec un prix divisé par deux. Et mentalement, Shadow se rapproche de la prestation Stadia, son principal concurrent, en proposant un ordinateur complet sous Windows 10 et pas simplement un accès à une bibliothèque de jeux. Là où Google pense console dans le cloud, Shadow veut prouver que le PC dans le cloud a toujours des arguments.
Et si cet abonnement convainc, Shadow a désormais de quoi satisfaire ses clients. Emmanuel Freund s’est rapproché d’Octave Klaba, fondateur d’OVH, qui a cru au projet français. En travaillant ensemble, les deux entreprises forment un cercle vertueux : OVH apporte sa maîtrise des infrastructures réseau et serveur et sa capacité à déployer rapidement des machines pour soutenir la croissance de Shadow, et la startup devient un gros client dont la demande ne faiblira pas avec le temps.
L’ombre Stadia
Alors que les géants de la tech commencent à aligner leurs pions sur l’échiquier du cloud gaming, Shadow semble avoir compris qu’il fallait sortir de la niche nerd de ses early adopters et s’engouffrer dans la brèche avant qu’elle sature. Par ces nouveaux positionnements tarifaire et technique, accompagné d’une refonte des interfaces, notamment sur les téléviseurs, Shadow a aujourd’hui ce qu’il faut pour convaincre.
Mais ce chapitre 2 de son histoire ne s’écrira pas sans une exécution parfaite du plan : au moindre souci, entraînant par exemple une indisponibilité pour les utilisateurs, l’informatique dans le cloud adaptée aux jeux vidéo sera reléguée au rang de bonne idée sortie trop tôt. En clair, c’est à Shadow, comme à Stadia, de prouver que les joueuses et joueurs de demain pourront leur faire confiance.
Ulrich Rozier,
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