Il était temps ! Alors que la 5G est déjà allumée dans une dizaine de pays européens, certes à un stade très embryonnaire, la France de son côté tardait à faire avancer son processus d’attribution des fréquences que se partageront Orange, Free Mobile, SFR et Bouygues Telecom. Une étape clé vient toutefois d’être franchie le 21 novembre, avec le choix de la taille des premiers blocs de fréquences (50 MHz) que pourront décrocher les opérateurs courant 2020.
Mais surtout, cette étape grave dans le marbre les obligations auxquelles vont devoir se soumettre les lauréats du processus d’attribution. Ces exigences servent à organiser le déploiement de l’ultra haut débit mobile sur le territoire national, en imposant diverses contraintes aux opérateurs. En effet, leur laisser une totale liberté risquerait par exemple de provoquer des déséquilibres entre les mobinautes des villes et ceux des champs, et ainsi entraîner une nouvelle fracture numérique.
Top départ en 2020, zones rurales, tempo…
Le régulateur des télécoms exige donc qu’à partir de 2022 les opérateurs fassent en sorte qu’un quart des objectifs qu’ils doivent atteindre ensuite concerne des zones situées hors des principales agglomérations, que ce soit des bassins industriels ou des zones peu denses. Cette condition est là pour « s’assurer que les zones non urbaines bénéficieront de ces déploiements ». Le gouvernement avait demandé que l’enjeu de l’aménagement du territoire soit pris en compte.
Les opérateurs devront aussi lancer dès 2020 leurs offres commerciales dans la 5G, quand ils recevront leurs fréquences. Cela concerne spécifiquement la bande 3,4 – 3,8 GHz (dite 3,5 GHz), puisque c’est la seule qui est actuellement disponible pour faire de l’ultra haut débit mobile. Par la suite, d’autres segments du spectre seront utilisés, mais ils feront l’objet de procédures distinctes et ultérieures (26 GHz, 1,5 GHz, 700 MHz, 800 MHz, etc.).
Concernant le rythme du déploiement lui-même, chaque opérateur devra proposer des offres en 5G « dans au moins deux villes » avant la fin 2020. Ensuite, en 2022, chaque lauréat devra avoir déployé 3 000 sites en 5G, puis 8 000 en 2024 (dont 4 000 en zone peu dense) et 10 500 en 2025 (dont 2 625 en zone peu dense). Cette trajectoire est qualifiée « d’exigeante », mais libre aux opérateurs d’aller plus loin que ces paliers — la concurrence incitera très certainement à une relative surenchère.
Débits, support IPv6, axes routiers
En termes de débits, le régulateur des télécoms souhaite qu’à partir de 2022, au moins 75 % des sites délivrent un débit au moins égal à 240 Mbit/s. Ensuite, entre 2022 et 2030, ce seuil minimal de débit devra être généralisé à l’ensemble des installations. Ce plancher « paraît proportionné, au regard notamment des vitesses de déploiement constatées par le passé à la suite de l’attribution de nouvelles bandes de fréquences », est-il avancé. D’autant que de nombreux sites respectent déjà ce minimum.
Concernant les axes routiers, deux échéances sont prévues : en 2025, il faudra couvrir les autoroutes et les axes du même type. Cela concerne 16 642 km de routes. En 2027, ce sera au tour des routes principales, c’est-à-dire 54 913 km de réseau routier. Concernant les autoroutes, le régulateur réclame des débits d’au moins 100 Mbit/s et une latence inférieure à 10 ms à l’extérieur des véhicules en déplacement. Pour les routes, il est juste question d’un débit de 100 Mbit/s à l’extérieur des véhicules.
Évidemment, le support avec IPv6 (qui est le nouvel identifiant des appareils connectés à Internet, en remplacement d’IPv4) doit être assuré. Rien d’étonnant quand on sait que cela fait des années que le signal d’alarme est tiré sur la pénurie des adresses IPv4. Ce critère « assure l’interopérabilité des services et ne freine pas l’utilisation de services uniquement disponibles en IPv6 », considère l’autorité de régulation des télécoms, tout en organisant l’accélération de la transition vers ce nouveau protocole.
Mutualisation, « slicing » et points d’étape
Les opérateurs devront aussi être en mesure de proposer des services différenciés (du « slicing »). La 5G n’est en effet pas juste de la « 4G+1 », mais un changement de paradigme. Dans l’industrie, l’automobile, la santé, les médias, la 5G va permettre de mettre en place des usages inconcevables avec les générations précédentes. Il faudra alors pouvoir fournir des « réseaux et des offres sur mesure », capables de répondre à des « besoins spécifiques ». Cette 5G à la carte devra être possible au plus tard en 2023.
Concernant les zones blanches, c’est-à-dire les endroits du territoire qui ne bénéficient pas de la moindre couverture, le gendarme des télécoms impose une obligation de partage de réseaux. Cela concerne spécifiquement les sites recensés dans le programme « zones blanches-centres bourgs » et du dispositif de couverture ciblée, lorsque des modifications ont lieu. « Cette obligation vise à faciliter la montée en performance des réseaux dans les zones les plus rurales », note l’ARCEP.
Afin de vérifier que les opérateurs respectent bien leurs obligations, le régulateur prévoit deux grands rendez-vous intermédiaires : le premier surviendra en 2023 et le second cinq ans plus tard, en 2028. Il s’agit de « faire un point sur la mise en œuvre des obligations et sur les besoins : couverture, qualité des services des réseaux mobiles ». Si des adaptations doivent être envisagées, le régulateur assure qu’elles le seront « de façon proportionnée et dans le respect d’un équilibre global ».
Le gouvernement a maintenant la main
Ce cahier des charges vise ainsi à fixer à tempo aux opérateurs et à baliser le chemin qu’ils vont devoir emprunter pour les quinze prochaines années (en effet, les fréquences pour la bande 3,4 – 3,8 GHz sont attribuées pour 15 ans). Mais avant de savoir si ces critères seront bien respectés, il va falloir boucler le processus d’attribution. Or, il reste encore des étapes à franchir, à commencer par la phase des enchères. Celle-ci doit aboutir en principe au cours du premier semestre 2020.
Maintenant, c’est au gouvernement de reprendre la barre et de déterminer à quel prix vont être cédés ces blocs de fréquences. Il existe une divergence de vues entre le ministère de l’Économie et des Finances, qui aimerait bien céder des blocs de fréquences au prix fort, et le régulateur des télécoms, qui ne tient pas à essorer les opérateurs pour leur laisser des moyens d’investissement. « L’Arcep sera extrêmement vigilante » sur ce point et rappelle qu’elle aura son mot à dire.
Le processus d’attribution repose sur un mécanisme mixte : une première phase permet jusqu’à quatre opérateurs de candidater pour obtenir chacun un bloc de fréquences de 50 MHz, vendu à prix fixe et dont le montant est déterminé par le gouvernement. Ce bloc sera soumis aux obligations décrites ci-dessous et à des engagements optionnels. Ensuite, une deuxième phase permettra d’obtenir des fréquences additionnelles (des blocs de 10 MHz) avec les mêmes obligations, jusqu’à 100 MHz maximum.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !