Dans le domaine de la recherche en ligne, Google n’est pas le seul adversaire de Qwant. Si le service du géant américain représente le principal rival du moteur de recherche français, du fait de son insolente part de marché dans l’Hexagone, mais aussi en Europe (plus de 9 recherches sur 10 passent par Google), d’autres compétiteurs sont à prendre en compte. Y compris dans le segment de la vie privée.
Car c’est en effet sur ce créneau que Qwant se positionne : l’entreprise fondée en 2011 par Éric Léandri clame d’ailleurs être le « premier moteur de recherche qui protège les libertés de ses utilisateurs et veille à préserver l’écosystème numérique », dans sa page à propos. Le premier ? Ce n’est pas l’avis de certains internautes, qui rétorquent que DuckDuckGo, dont la philosophie est similaire à celle de Qwant, existe depuis… 2008.
C’est justement l’un des points sur lequel Éric Léandri et quelques membres de Reddit ont échangé leurs vues, lors d’une séance de questions / réponses, ce lundi 2 décembre. Le chef d’entreprise a maintenu l’idée que Qwant est bien le premier moteur de recherche qui est centré sur la vie privée, simplement parce que DuckDuckGo… n’en est pas vraiment un. C’est un méta-moteur de recherche.
En clair, l’adversaire de Qwant sur la vie privée va chercher ailleurs les informations dont il a besoin pour répondre à une requête d’un internaute, contrairement à Qwant, qui s’appuie sur ses propres ressources, du moins en partie. Éric Léandri a ainsi fait remarquer que si Qwant « peut évidemment compléter [ses résultats] avec [des données] venant d’ailleurs », il exploite ses propres algorithmes, outils d’indexation et de classement.
DuckDuckGo ne s’en cache pas d’ailleurs : dans ses pages d’aide, il explique se servir de plus de 400 sources pour produire ses résultats, dont Wikipédia, Yahoo ou encore Bing, le moteur de recherche de Microsoft. Cela étant, DuckDuckGo met aussi en œuvre un robot d’indexation (DuckDuckBot), qui a la responsabilité de parcourir les pages web pour en tenir compte et de relever d’éventuels changements.
Sur Reddit, quelques esprits taquins ont toutefois fait observer que Qwant agit aussi en partie comme un méta-moteur. En effet, à ses débuts, Qwant n’était qu‘une interface de… Bing. Six ans plus tard, la critique est toujours là et constitue un point de discorde chez les spécialistes du web. En novembre 2018, dans un billet de blog, Qwant a voulu démontrer qu’il a gagné en indépendance en matière d’indexation.
« Nous serions très heureux de vendre à DuckDuckGo nos résultats s’ils souhaitent quitter Bing pour Qwant »
Critiques que Éric Léandri balaie, en pointant d’une part les efforts consentis pour se reposer sur ses propres forces, et en rappelant que DuckDuckGo n’est pas dans une situation plus confortable, puisqu’il s’appuie lui aussi sur Microsoft. Et de se permettre une provocation : « Nous serions très heureux de vendre à DuckDuckGo nos résultats s’ils souhaitent quitter Bing pour Qwant ».
Le moteur de recherche expliquait avoir des « dizaines de millions de sites » dans son index et faisait remarquer que « les grandes logiques de référencement sont souvent les mêmes » d’un service à l’autre, d’où une relative similitude. Il confirmait l’emploi de Bing « pour compléter les résultats de recherche sur lesquels nous n’avons pas une pertinence suffisante » et pour les images, trop lourdes à stocker.
Quelle indépendance technique ?
Autre point à peser dans la balance, juge Éric Léandri : l’infrastructure sur laquelle tout le système repose. DuckDuckGo est hébergé sur Amazon Web Services (AWS), le leader des services dans le cloud. Or, puisqu’il s’agit d’une solution américaine, il est juridiquement soumis à la législation américaine, à commencer par le Cloud Act, dont l’existence pose de vraies problématiques de souveraineté.
Qwant argue au contraire d’un hébergement européen, sur ses propres serveurs, « loin des obligations du Cloud Act ». Certes, un partenariat avec Microsoft existe (pour la publicité, mais aussi, plus récemment, pour l’efficacité de sa recherche en ligne) mais « nous n’avons pas de machine chez Microsoft ». Ce que Microsoft permet de faire avec Azure, sa solution de cloud, c’est davantage d’indexation.
« Nous avons préparé, testé et déployé cet été une infrastructure de crawl et indexation (donc sans aucune de vos données personnelles), et nous sommes prêts maintenant à pouvoir augmenter notre capacité de pages indexées à plusieurs dizaines de milliards, à notre main, en basculant simplement une partie du crawl sur Azure », écrit Éric Léandri. Les requêtes, elles, restent traitées sur, et par Qwant.
Cela étant, le fondateur de Qwant se montre beau joueur et reconnaît que DuckDuckGo « fait, à ma connaissance, tout son possible pour ne rien avoir sur vous et en cela je lui reconnais le fait d’être le premier à avoir respecté la vie privée ». Et comme le vieil adage le dit bien : l’ennemi de mon ennemi est mon ami. Or, vu les faibles parts de marché de Qwant et DuckDuckGo en France, mieux vaut sans doute se serrer les coudes.
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