Le mois dernier le SFL (Syndicat de Librairie Française) traînait Amazon en justice. En cause, les frais de ports que le libraire en ligne offre à tout client pour n’importe quel achat. Sauf que, dans le cadre du livre, le SFL considérait ceci comme un contournement de la loi Lang, empêchant justement les gros libraires d’étouffer les plus petits avec des promotions que ces derniers ne seraient pas capable de suivre. C’est donc sans surprise que le portail fut condamné par le tribunal et forcé à abandonner son offre.
Entre deux, la question aura soulevé une grande polémique. Doit-on empêcher les gros libraires d’offrir à leurs clients certains avantages afin de protéger les indépendants incapables de les concurrencer ? C’est toute la question de savoir si on laisse le capitalisme sauvage réduire en miettes les plus faibles de la chaîne, ou de brider le progrès au nom d’une meilleure équité entre « gros » et « petits ». Amazon avait déjà donné son avis dans une lettre adressée à ses clients, mais, de par son intéressement dans l’affaire, avait complètement occulté cet aspect de l’affaire. Il était donc de notre devoir, afin d’équilibrer le débat, de présenter le point de vue du côté du SFL, chose qui nous a été permise grâce à une lettre publiée par nos confrères de PCInpact.
» Xavier Garambois, directeur général d’Amazon, vous a adressé un courriel le 24 novembre dernier, relatif au procès qui oppose sa société au Syndicat de la Librairie Française. Au-delà du procédé qui est discutable, nous déplorons la simplicité de la présentation du dossier, simplicité qui confine à de l’instrumentalisation puisqu’elle omet, délibérément, de vous donner tous les éléments pour comprendre les enjeux.
Notre action, au-delà de l’aspect purement juridique, pose des questions plus fines sur le mode de consommation des produits culturels, sur la notion de gratuité, sur le rôle des différents acteurs dans l’intérêt de la diversité culturelle.
Pourquoi le SLF a-t-il assigné Alapage et Amazon pour la pratique de la gratuité des frais de port ?
Pour faire en sorte que ces sociétés de vente en ligne respectent la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre (dite Loi Lang). Les lecteurs ont aujourd’hui accès à une large diversité éditoriale, maintenue, promue, encouragée par le cadre légal qui a permis aux librairies de ne pas se battre sur le terrain des prix (remise maximale de 5 % quel que soit le point de vente) mais sur le terrain de la qualité des conseils, du fonds…L’impossibilité du recours au discount préserve ainsi la liberté de choix des lecteurs: la France a l’un des réseaux de librairies les plus denses au monde, le prix du livre augmente deux fois moins vite que l’inflation, les livres de diffusion lente (le fonds) ne sont pas plus chers que les autres.
Pourquoi Amazon choisit-elle de perdre autant d’argent en pratiquant les frais de port gratuits ?
Parce que ne pouvant avoir recours au discount, elle tente de contourner la loi. Parce qu’à terme, elle vise l’éviction des autres acteurs du marché du livre, en ligne ou physique, la gratuité empêchant tout modèle économique viable.
Quel est l’intérêt de ne pas avoir Amazon comme seul point de vente du livre ?
Si Amazon était, demain, le seul vendeur de livres, elle s’empresserait de revoir sa politique tarifaire aux dépens de l’internaute afin de satisfaire son actionnariat. De surcroît, elle appliquerait une politique drastique aux éditeurs (ce qu’il fait déjà avec les petits éditeurs voulant être référencés dans sa base et soumis à des conditions commerciales très dures).
Si Amazon œuvre dans l’intérêt des lecteurs, pourquoi ne propose-t-elle pas la gratuité du port sur les autres produits culturels comme le disque ?
Pourquoi Amazon n’accompagne-t-elle pas notre démarche auprès de la Poste pour obtenir des tarifs postaux préférentiels pour le livre alors qu’Alapage est pleinement d’accord avec nous sur ce point-là (pour exemple: l’acheminement d’un livre de 300 grammes coûte 5,10 euros en France, 0,85 euro en Allemagne, 0,53 euro en Espagne !) ?
Le SLF se voit conforté par les instances judiciaires et par les nombreux clients des librairies qui bénéficient chaque jour du réseau des libraires indépendants. Il va sans dire que ce débat doit avoir une large audience afin que les citoyens comprennent les enjeux autour de la loi du 10 août 1981, première loi du développement durable fragilisée par des appétits incompatibles avec une culture ouverte à tous. «
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