Disons-le d’emblée, le résultat impressionne moins qu’avec le faux bœuf de l’entreprise. En partie parce que l’effet de surprise est passé, mais aussi parce que le porc haché, il faut le reconnaître, a tendance à prendre la saveur de ce avec quoi il est apprêté.
Chose certaine, si le test avait été fait à l’aveugle, on aurait systématiquement été confondus. Que ce soit dans des raviolis, dans des boulettes, dans des sandwichs vietnamiens, dans un plat de nouilles ou dans des bouchées asiatiques, tant la saveur que la texture étaient à s’y méprendre par rapport au porc. La fausse viande à base de soya rebondit juste assez entre les dents et elle est juteuse à souhait.
Seule exception, les boulettes n’offraient pas la croustillance à laquelle on se serait attendu, mais cela pourrait aussi être dû à la préparation.
Tout comme avec l’Impossible Burger, l’Impossible Pork se compare plutôt avantageusement à la viande animale lorsque l’on considère son information nutritionnelle. Pour une portion de 113 grammes, il contient moins de calories que le porc (220 kcal, contre 350 kcal), moins de gras totaux (13 g, contre 32 g), moins de gras saturés (7 g, contre 11 g), il ne contient pas de cholestérol et il contient plus de fer (2,7 mg, contre 1 mg). Il contient toutefois beaucoup plus de sodium (420 mg, contre 80 mg), mais il n’est pas nécessaire d’ajouter du sel à la cuisson.
Un produit plus facile à concevoir
Développer du faux porc est plus facile à faire lorsque l’on a déjà une recette de faux bœuf entre les mains.
« Avec la plateforme technologique que nous avons développée, nos apprentissages peuvent facilement être transférés d’un produit à un autre », confirme Celeste Holz-Schietinger, directrice de la recherche chez Impossible Foods, en entrevue avec Numerama. Les produits et les techniques utilisés pour que le faux bœuf soit un peu caoutchouteux sont ainsi sensiblement les mêmes qu’avec le porc.
« Ça nous a permis de faire un premier prototype assez rapidement, puis de l’améliorer en fonction de ce qui nous manquait », poursuit la chercheuse. Le porc est par exemple plus juteux que le bœuf, et il recouvre plus l’intérieur de la bouche lorsqu’on le mange. Les saveurs ont évidemment aussi dû être retravaillées.
Tout comme l’Impossible Burger, l’Impossible Pork utilise de l’hème dans sa recette, l’ingrédient qu’Impossible Foods considère comme magique pour reproduire le goût de la viande. La molécule, obtenue en laboratoire grâce à des levures génétiquement modifiées, est toutefois moins concentrée dans le faux porc que dans le faux boeuf.
En ce moment, les équipes sous la supervision de Celeste Holz-Schietinger développent d’autres types de viandes, incluant des coupes non hachées. « On a des chercheurs en science des matériaux qui sont déjà capables de faire des choses impressionnantes », affirme-t-elle. Les coupes comme les steaks sont toutefois beaucoup plus complexes que la viande hachée, avec notamment des textures très variées dans une même pièce, et des parties qui doivent réagir différemment à la température de cuisson.
Par le passé, Impossible Foods avait aussi confirmé son intention d’offrir des alternatives au poulet et au poisson.
Se débarrasser de la viande animale d’ici 2035
La mission d’Impossible Foods est d’ailleurs ambitieuse : se débarrasser de toute viande animale dans la consommation humaine d’ici 2035. C’est cette vision qui a encouragé l’entreprise à lancer un faux porc comme second produit. « Le porc est la viande la plus consommée dans le monde, et ce, même si le tiers de la population ne peut en manger à cause de considérations religieuses ou culturelles », note Pat Brown, le fondateur et PDG d’Impossible Foods.
Mettre fin à l’élevage de porc pourrait permettre de limiter l’impact de l’alimentation sur les changements climatiques, en plus de retrouver une grande partie des terres qui sont présentement réservées à cette industrie. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 33 % des terres non recouvertes de glace sur la planète seraient en effet dédiées à l’élevage des animaux et à leur alimentation.
« Nous sommes pris devant deux crises catastrophiques avancées : les changements climatiques et une crise de la biodiversité », se désole Pat Brown. Pour lui, le développement d’alternatives à la viande animale dans l’alimentation humaine est la seule option pour attaquer de front ces deux catastrophes.
Aucun lancement prévu en France à court terme
Impossible Foods n’offre sa viande végétale qu’aux États-Unis et à quelques endroits en Asie pour l’instant. Si une expansion en Europe est dans les plans, l’entreprise doit encore accroître sa capacité de production, qui n’est d’ailleurs toujours pas suffisante pour le marché américain.
L’été dernier, Impossible Foods avait d’ailleurs été incapable de fournir des boulettes à la chaîne de burgers White Castle pendant environ un mois. L’agence Reuters dévoilait d’ailleurs cette semaine que la startup avait dû renoncer à un contrat avec la chaîne McDonald’s, faute de pouvoir fournir suffisamment de boulettes.
« Les enjeux pour produire assez de fausse viande pour le marché mondial sont énormes. Bâtir une chaîne d’approvisionnement mondiale prend du temps », a rappelé le fondateur d’Impossible Foods au CES 2020.
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