Pour contrer la diffusion de messages haineux sur le net, faut-il exiger des internautes qu’ils fournissent une pièce d’identité au moment de l’inscription à un réseau social ? Pour le député Éric Ciotti, cela ne fait aucun doute. Il vient d’ailleurs de déposer un amendement à la proposition de loi contre la cyberhaine, l’un des grands chantiers de 2020 en matière de numérique.
Repéré par la journaliste Elsa Trujillo, l’amendement argue que la transmission d’une copie de la carte nationale d’identité (ou du passeport ou du permis de conduire) permet de rendre « identifiable immédiatement » un internaute qui tiendrait des propos sortant du champ de la liberté d’expression. Ce document devrait être remis au moment où le compte est ouvert sur une quelconque plateforme.
Par ailleurs, l’amendement tient aussi de soumettre les internautes à une « déclaration de responsabilité pour les propos [qu’ils tiennent] », obligatoire pour finaliser une inscription, de manière à ce qu’ils soient entièrement responsables des contenus qu’ils publient. Pour l’élu, cela doit inciter les individus à tourner sept fois leur langue dans leur bouche avant de prendre la parole en public.
Les gros sites visés
L’amendement ne concernerait pas l’ensemble des opérateurs de plateforme en ligne : seuls ceux dépassant un certain « seuil de nombre de connexions », défini par décret, seraient concernés. L’exposé des motifs en cite deux : Facebook et Twitter. Mais d’autres plateformes, comme YouTube, Instagram (filiale de Facebook) et LinkedIn (filiale de Microsoft), devraient aussi être impactées.
Si l’exposé des motifs n’évoque que le cas de l’inscription, la modification législative que propose le parlementaire concerne a priori aussi les internautes déjà inscrits, puisqu’il est demandé aux sites soumis à l’obligation de faire une telle vérification pour « chaque utilisateur souhaitant accéder à leurs services ». Sans cela, il pourrait être impossible de continuer à utiliser Facebook ou Twitter en France.
Une idée déjà soumise en 2016
L’amendement, dont le devenir législatif est incertain (il est précisé que la recevabilité de cette modification de la proposition de loi reste à déterminer), reste néanmoins vague sur un certain nombre de questions soulevées par l’objectif poursuivi : quid, par exemple, de la sécurisation de ces documents officiels, par nature sensibles ? Par ailleurs, combien de temps ces éléments seraient-ils conservés ?
Paradoxalement, la mesure pourrait avoir l’inconvénient de pousser des internautes à ne plus apparaître comme français ou se connectant depuis la France. Pour celles et ceux ne voulant pas transmettre de tels fichiers (bien que sur des réseaux sociaux les internautes dévoilent déjà, de fait, beaucoup de choses sur eux-mêmes, mais aussi sur les interactions qu’ils ont), la solution pourrait être de passer par un VPN.
Autant de questions et d’hypothèses qui se dissiperont peut-être d’elles-mêmes, dans la mesure où l’amendement a des chances d’être retoqué par l’Assemblée nationale. Peut-être alors Éric Ciotti retentera-t-il de soumettre sa proposition dans quelques années. Après tout, l’élu des Alpes-Maritimes avait déjà essayé de faire voter une telle idée en 2016, à l’époque au nom de la lutte antiterroriste.
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