La taxe sur les grandes entreprises du numérique, qui a vu le jour cet été, continue d’empoisonner les relations franco-américaines. Vue de Paris, cette disposition fiscale vise à compenser les stratégies d’évitement de l’impôt que certains grands groupes sont capables de mettre en place pour limiter leur exposition, au nom de l’équité. Mais vue de Washington, elle est jugée discriminante à l’égard des entreprises américaines, car elles composent l’essentiel des sociétés éligibles.
C’est dans ce contexte que le ton a progressivement monté au fil des mois entre les deux rives de l’Atlantique, d’abord dans le calme — Mike Pompeo, le chef du département d’État, demandait à la France de renoncer à cette taxe, lors d’un échange avec son homologue Jean-Yves Le Drian, en avril dernier –, puis de façon plus brusque, avec le lancement d’une enquête pouvant déboucher sur des représailles économiques. Ce pourrait être des droits de douane revus à la hausse, par exemple.
Recherche d’un terrain d’entente
Aujourd’hui, l’heure est à la désescalade. Le 20 janvier, Emmanuel Macron a annoncé avoir eu un échange avec Donald Trump pour élaborer un « bon accord » de façon à « éviter toute escalade des tarifs ». Le président français souhaite éviter que l’une de ses idées lors de la campagne électorale de 2017 ne se retourne contre d’autres pans de l’économie, comme le secteur viticole — même si, dans les faits, c’est déjà en partie le cas : Amazon répercute ce qu’il doit payer aux vendeurs français.
Surtout, il s’agit de ne pas faire de cette taxe l’allumette qui déclenchera une bataille plus large entre l’Union européenne et les États-Unis. En effet, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, indiquait encore le 17 janvier que toute sanction américaine se traduirait par une riposte en miroir. C’est l’engagement pris et répété par la Commission européenne, qu’il s’agisse de Phil Hogan, en charge du commerce, de Thierry Breton, qui s’occupe du numérique, ou d’Ursula von der Leyen, sa présidente.
Déjà l’été dernier, Donald Trump et Emmanuel Macron avaient trouvé un terrain d’entente lors du G7. L’accord convient que les montants prélevés par cette taxe numérique pourront être déduits des sommes réclamées par le futur prélèvement qui sera mis en place au niveau de l’OCDE, dès que les règles fiscales internationales seront renouvelées. Toutefois, ce dossier peine à avancer, tous les pays concernés ne mettant pas le même élan dans les discussions que Paris.
Une rencontre entre Bruno Le Maire et son homologue américain doit avoir lieu ce 22 janvier. L’un des leviers que la France serait disposée à actionner serait de suspendre la collecte de sa taxe en 2020, pour donner des gages aux USA et laisser de la marge pour les négociations. Paris a d’ailleurs rappelé à plusieurs reprises que sa taxe n’est pas une fin en soi, mais simplement un dispositif provisoire, qui sera retiré dès qu’une réforme globale de la fiscalité du numérique sera achevée.
(Des)union européenne
En attendant, l’heure tourne. Le gouvernement français espère que ce dossier sera bouclé d’ici la fin de l’année. De son côté, Thierry Breton a fait comprendre que si l’Amérique ne joue pas le jeu de la réforme, alors l’Union européenne créera une taxe indépendamment de ce que décidera (ou non) l’OCDE. D’autres pays, comme l’Italie et le Royaume-Uni, sont sur la même ligne que la France sur ce sujet. Le problème, c’est qu’en matière fiscale, il faut l’unanimité. Et d’autres pays freinent des quatre fers.
La taxe sur les services numériques, son nom officiel, est une imposition à hauteur de 3 % des revenus, visant à compenser les montages fiscaux des géants du net. Elle ne concerne que les groupes dont les revenus annuels atteignent au moins 750 millions d’euros, dans des activités de commerce en ligne et de publicité. En outre, 25 millions d’euros doivent être le fruit d’affaires avec la clientèle française. En moyenne, le rendement de la taxe est estimé à 500 millions d’euros par an.
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