Continuer à s’appeler RIM
En 2010, BlackBerry connaît son heure de gloire, top 4 des plus gros vendeurs de téléphones portables au monde, derrière le roi Nokia et les Coréens Samsung et LG — les constructeurs chinois n’existent pas encore. Si cette première phrase avait été écrite en 2010, elle aurait comporté une erreur de taille : BlackBerry n’était pas le nom de la marque, mais de la gamme de produits vendus. Celui que tout le monde appelait BlackBerry se nommait en fait RIM, pour Research In Motion. Un double nom qui lui a coûté un déficit d’image énorme : impossible de capitaliser sur l’affect de la marque, qui était seulement un produit. Le produit suivant rate ? La marque n’a plus rien. Ce n’est qu’en 2013 qu’elle décide enfin de changer de nom. Trop tard.
Ne pas transformer BBM en WhatsApp
La cible fantasmée de BlackBerry ? Un·e CEO en costume. La cible réelle de BlackBerry ? Un·e ado qui veut envoyer des SMS gratuitement avec BlackBerry Messenger. Avec sa messagerie instantanée qui n’utilisait pas les précieux SMS inclus dans le forfait, mais une option de data rudimentaire facturée quelques euros par mois par les opérateurs, BlackBerry avait de l’or dans les mains. Littéralement, la solution logicielle qui aurait pu tuer WhatsApp, Facebook Messenger et autres Google Hangouts et WeChat si les dirigeants de l’entreprise avaient compris son potentiel.
Raté : sorti en 2005, BBM est resté une exclusivité BlackBerry trop longtemps — jusqu’en 2014 pour une compatibilité avec tous les acteurs de la téléphonie.
S’accrocher au clavier alors que l’iPhone est sorti
Avant que les écrans capacitifs existent, les smartphones à écrans dits résistifs et les téléphones T9 étaient la risée des utilisatrices et utilisateurs de BlackBerry, montrant avec leur clavier complet taille puceron qu’ils savaient écrire à toute allure. C’était vrai. Et puis est venu l’iPhone, puis les smartphones Android de bonne qualité et la frappe à deux doigts sur un écran tactile est devenue un standard indétrônable. BlackBerry ne l’a pas compris et a continué à s’entêter sur son modèle de clavier physique, quand plus personne n’en voulait. Pour comprendre à quel point l’entreprise s’est entêtée, il faut se rappeler que le Torch avait un écran tactile… et un clavier.
Rester sur un OS propriétaire alors qu’Android est sorti
Nokia s’en est mordu les doigts (en plus d’avoir choisi Windows Phone), Palm en a été désossé, BlackBerry en est probablement mort une première fois : il fallait choisir Android. À leur décharge, difficile pour des groupes fiers que personne ne voyait mourir avant des millénaires, de se dire qu’ils ne produiraient pas, chacun le miracle iOS. Difficile de leur faire admettre que Google, qui n’avait rien fait sur le secteur, allait devenir la seule alternative à Apple. Mais le choix d’Android, Samsung qui était déjà le top 5 à cette époque l’a fait. En 2020, il est leader.
Ne rien avoir compris au multimédia mobile
Alors que le monde s’articule vers la consommation culturelle et informationnelle sur smartphone, BlackBerry ne comprend pas l’intérêt d’un écran et continue de proposer des modèles avec des écrans en 3:2e. Ce n’est pas ça qui allait faire émerger Netflix…
Être d’accord avec les backdoors
Même dans la souffrance, BlackBerry a survécu quelques années en parvenant à garder des clients dans sa cible fantasmée, clients politiques, institutionnels ou business. Comment ? Grâce à un focus sur la productivité et la sécurité. En 2015, alors que le monde prend petit à petit conscience de l’importance du chiffrement à l’ère post-Snowden et que les géants de la tech s’apprêtent à s’opposer aux polices et aux gouvernements sur ce sujet, le dirigeant de BlackBerry annonce être philosophiquement d’accord avec le principe des backdoors pour que les données chiffrées ne le soient jamais vraiment. Symboliquement, c’est une catastrophe pour l’image de l’entreprise.
Anecdote amusante : BlackBerry se concentre désormais sur la cybersécurité.
Confier sa marque « en marque blanche »
Alors que le marché du smartphone n’a jamais été aussi dur et saturé, BlackBerry fait le choix de déprécier sa marque. D’abord, en arrêtant ses activités sur le smartphone en tant qu’objet physique. Ensuite, en louant son nom à l’industriel chinois TCL (qui fait par exemple le KeyOne) sans véritable stratégie, à part vendre des produits avec une marque connue en espérant que les clients ne perçoivent pas le changement de propriétaire. En 2020, cette coopération prend aussi fin.
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