Toutes les personnes qui ont grandi dans les années 90 s’en souviennent. Tout au long de la décennie, Sony, Nintendo et Sega se livrent une féroce guerre des consoles. Le premier aligne la PlayStation 1 puis la PS2. Le deuxième peut compter sur la Super Nes, suivie de la N64 et de la GameCube. Quant au troisième, ses bataillons s’appellent Mega Drive, Saturn et Dreamcast.
Cette confrontation impitoyable fera une victime : Sega. L’entreprise vidéoludique fondée en 1960 renonce au marché des consoles, faute d’avoir réussi à convaincre avec sa dernière machine. Elle ne disparait pas pour autant, mais devient un simple studio de jeux vidéo (si l’on omet le marché particulier de l’arcade, surtout au Japon), qui propose son catalogue à ses ex-concurrents (et sa mascotte au cinéma).
En 2020, la compétition entre consoles continuera de plus belle avec l’arrivée à la fin de l’année de la PlayStation 5 et de la Xbox Series X, puisque Microsoft a décidé à son tour de descendre dans l’arène avec sa propre console. Mais 2020 est aussi une année importante pour Sega, car c’est au mois de juin que l’entreprise japonaise va fêter ses soixante ans d’existence. L’occasion de revenir sur ses origines et son nom.
Une ascendance américaine
Aux origines, c’est avec une toute autre identité que Sega a commencé à opérer. Et d’ailleurs, la firme a une ascendance américaine, comme le rappelle le site officiel : en avril 1951, Richard D. Stewart et Raymond J. Lemaire se lancent dans l’import, la vente, la location et la réparation d’équipements de loisir commerciaux, un nom pudique pour désigner en fait essentiellement des machines à sous.
À l’époque, les deux hommes sont dépêchés par l’homme d’affaires Martin Bromley qui, dans les années 1940, ouvre une entreprise appelée Standard Games, à Hawaï, avec deux partenaires, Irving Bromberg et James Humpert. Leur idée était de proposer un divertissement aux militaires américains engagés sur le front Asie-Pacifique durant la seconde guerre mondiale.
Cette focalisation sur les troupes poussera Standard Games à changer d’identité après la guerre et à profiter de l’occupation du Japon par les États-Unis pour poursuivre ses activités. Standard Games devient alors Service Games (« service » faisant alors allusion aux Américains servant sous les drapeaux) et le groupe commence à se déployer dans les années 50 dans le pays du Soleil levant.
C’était aussi une manière de survivre, puisque Hawaï a fini par bannir les machines à sous. Le Japon, bien qu’administré par les USA, n’est pas un territoire américain. L’entreprise Service Games devient au Japon Service Games of Japan en 1951 et ne se limite plus aux soldats américains, mais cherche à s’adresser à la population japonaise elle-même. Mais dans les années 1950, l’entreprise est sous pression.
C’est ce que raconte Ken Horowitz ans son ouvrage The Sega Arcade Revolution: A History in 62 Games. « Service Games devient un acteur tellement important qu’il finit par attirer l’attention des autorités américaines et japonaises. En passe de devenir le plus grand distributeur de matériel à pièces de monnaie dans les bases américaines du monde entier, Service Games a été accusé de tout, de la corruption à l’évasion fiscale, en passant par la coercition ». Bref, le groupe devenait indésirable.
Service Games a certes fini par se défaire de ces accusations, mais le mal était fait.
Ainsi, entre 1959 et 1963, la société se fait progressivement bannir de toutes les bases U.S. à l’étranger, forçant Martin Bromley à réorganiser l’entreprise. Le 31 mai 1960, Services Games Japan est dissous et deux autres entreprises, japonaises, voient le jour dans la foulée, en juin de la même année : Nihon Goraku Bussan (Japanese Amusement Products Company, Inc) et Nihon Kikai Seizō (Japanese Machine Manufacturers Co, Inc).
Les deux nouvelles sociétés ont acheté tous les actifs de Service Games of Japan et ont chacune exploré un créneau : Kikai Seizō, s’est concentrée sur la fabrication de machines à sous, tandis que Goraku Bussan était un distributeur et un opérateur de machines à sous. Elles ne resteront pas très longtemps séparées. En 1964, elles fusionnent et gardent le nom de Nihon Goraku Bussan.
SErvices GAmes
Un an plus tard, Nihon Goraku Bussan acquiert une entreprise concurrente sur le créneau du divertissement, Rosen Enterprises, et devient alors Sega Enterprises, Ltd. Pourquoi Sega ? Parce que c’est un nom composant des premières syllabes de l’ancien nom de l’entreprise, Service Games — nom qui est resté depuis, même si ses activités n’ont plus grand-chose à voir avec les machines à sous et l’armée.
Ces réorganisations et acquisitions successives vont avoir une incidence sur les activités du groupe. À partir de 1952, le jukebox fait son entrée sur le marché japonais. Nihon Kikai Seizō parvient en juillet 1960 à concevoir un modèle localement, baptisé « SEGA 1000 », qui est alors l’une des premières utilisations du mot Sega — même si ce nom figurait aussi sur les jetons utilisés pour les machines à sous du groupe.
En juin 1964, Goraku Bussan démarre la production d’équipements d’arcade commerciaux, puis presque un an plus tard, en juillet 1965 et sous le nom de Sega, l’exploitation des salles d’arcade débute. Le premier jeu d’arcade à voir le jour s’appelle Periscope. Nous sommes alors en 1966. Il s’agit de couler les navires de surface à coups de torpilles depuis son sous-marin. Tout cela se fait alors sans écran.
Mais il faudra attendre presque vingt ans pour que Sega produise sa première console de jeu vidéo pour les foyers. La SG-1000 (SG pour Sega Game) voit le jour en juillet 1983. Elle n’est pas la plus emblématique de la lignée des consoles de la marque, mais ce sont sur ses bases que verront le jour la Master System et, plus tard, la Mega Drive. Quant à Sonic, il naîtra en 1991.
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